Les adieux au bâtisseur de la rue des Arts
Jacques Mikaélian, l’aménageur urbain et père de la rue des Arts à Toulon a reçu, hier matin, à sa galerie du Canon, et place de l’Equerre, un hommage émouvant de ses proches et amis
Papa, tu étais mon roc, mon pilier, mon repère. Tu m’as abandonné trop tôt. La force avec laquelle tu m’as élevée est en moi. C e qui nous a unis, c’est l’amour profond qu’il y a entre nous. Ce qui me rend fière, c’est d’avoir eu la chance d’avoir un papa extraordinaire, un papa hors du commun. Tu étais unique et tu m’as fait me sentir unique. (..) »Les mots touchants de Lucie, la fille de Jacques Mikaélian, disparu brutalement, jeudi, à Toulon, sont allés droit au coeur de ceux et celles qui l’ont côtoyé, aimé, apprécié... Et même de ceux qu’il a parfois chahutés mais qui ne lui en ont jamais tenu rigueur. Car si il lui arrivait d’entrer dans des « colères terribles », il était tout sauf « rancunier ». Réunis dans un silence, entrecoupé des notes de Bach ou encore de la méditation de Thaïs de Massenet, ils étaient là, hier, unis dans la peine, place de l’Equerre. Commerçants, élus, maires de la Métropole et le président de TPM Hubert Falco, amis, la grande famille des urbanistes, architectes, aménageurs urbains, mais aussi celle des artistes (du théâtre Liberté, Châteauvallon, l’Opéra de Toulon, en passant par la villa Noailles ou la Design parade...), auxquelles il appartenait. Ils étaient là, nombreux, pour soutenir sa femme, Eve, sa fille, Lucie, son père Joseph, ses proches et amis. Là, où deux ans, plus tôt – presque jour pour jour
–, Jacques Mikaélian se tenait debout, poing levé, aux côtés des commerçants de la rue des Arts, fêtant sur une scène éphémère, la naissance ou plutôt la renaissance collective de la rue Pierre-Sémard. « Un projet dans lequel tu avais placé toute ton énergie, ta générosité, ta créativité, ton enthousiasme, une fabuleuse aventure collective mais surtout qui avait pris une tournure humaine », rappela Julien Mermillon, au nom de tous les commerçants de la rue des Arts, rebaptisée spontanément, hier matin, « rue Jacques Mikaélian », par un anonyme ayant placardé des bouts de papier tout le long de l’ancienne rue du Canon.
Un impossible adieu
Debout pour dire un dernier adieu à « cet homme au grand coeur qui savait, mieux que quiconque, que pour recevoir, il faut savoir donner », rappelait le maire, Hubert Falco, en présence notamment d’Hélène Audibert, présidente de Var aménagement développement, autre pilier de cette artère emblématique du centre ancien toulonnais. Un adieu difficile, voire « impossible » pour Gilles Altieri, son ami, et compagnon de route dans l’aventure humaine et artistique, qu’ils ont partagée en fondant la galerie du Canon, rue Pierre-Semard où sa dépouille a franchi le seuil, le temps d’un recueillement, pour cet athée humaniste. « Tu étais d’une vivacité intellectuelle rare, un esprit révolté », dira sa fille. « Ton intelligence était hors norme. Je te disais toujours que tes racines arméniennes t’avaient façonné et avaient fait de toi un très grand humaniste », décrira sa fidèle amie, Valérie Paecht, directrice générale des services à TPM, dans un hommage sobre et émouvant, suivi de plusieurs autres. « Tu étais l’homme qui aimait la ville. Tu m’as appris à m’intéresser à l’urbanisme, et surtout aidé à comprendre que l’on ne pouvait pas se contenter de construire ou de réhabiliter. Il fallait vivre sa ville, la connaître, pour pouvoir l’embellir », rappela Valérie Paecht. De La Seyne à Toulon en passant par La Garde et La Valette où cet ex-directeur de la Sagem donnera « dix ans de sa vie pour créer le golf de Valgarde », confiera José Rossi, ancien directeur de la Semexval, « concurrent mais ami » ,« ce visionnaire » laisse « un grand vide ».« Un vide immense » ressenti par tous, dont sa présence « rassurait. » « Nous devons nous inspirer de ta sagesse, de ta ténacité pour continuer d’avancer. Jacques, nos coeurs sont tristes, mais le rayonnement de ton sourire, la force de ton regard bienveillant nous obligent à nous projeter vers un futur qui continuera de s’écrire grâce à toi », dira Julien Mermillon. Avant d’être inhumé au cimetière central, la musique a repris, douce, puis rythmée. Comme l’a été sa vie. Tout simplement.
« Il avait une âme de patriarche. Jacques était un rassembleur, un ciment. Avec Eve, son épouse, et Lucie, sa fille, il a créé ce noyau autour duquel nous gravitons. Il était et restera notre trait d’union à tous », a témoigné, Benoît, un ami proche, place de l’Equerre.