Les « sans droit ni titre » priés de mettre les voiles La Seyne,
Depuis des années à une quinzaine de bateaux stationne devant l’Atelier mécanique. Illégalement assure TPM, qui veut les faire partir. En situation précaire, leurs propriétaires refusent
Keiran, c’est le doyen. Le premier à être arrivé ici. C’était il y a pile quinze ans. À l’époque, un chantier naval du coin devait prendre en charge de lourdes réparations sur son bateau. Les travaux ne sont jamais allés à leur terme ; le chantier est parti ; le bateau est resté. Et Keiran avec. Au fil des années, une quinzaine de petites unités de plaisance l’ont rejoint, amarrées fébrilement au quai d’armement, en face l’Atelier mécanique. En situation de précarité, une poignée de personnes habitent à bord de leurs embarcations, parfois à l’état d’épave. Les propriétaires des autres navires ne s’en tirent guère mieux. La vue sur la rade est imprenable, l’emplacement gratuit, mais la vie de cette communauté de destins troublés apparaît loin d’être facile.
« On n’a rien contre les aménagements »
« On est tous là parce qu’on n’a nulle part ailleurs où mettre notre bateau, résume Patrick Lassonnery, président de l’association Les Habitants de la mer. Le prix d’une place à l’année dans un port excède la valeur de nos embarcations. Mais aujourd’hui, ça n’empêche pas TPM de vouloir tout simplement nous dégager. » Ou plutôt, ce n’est pas si simple. Quand, en 2017, la Métropole a repris la gestion d’une partie du littoral seynois, c’était déjà dans l’idée d’y faire évoluer certaines infrastructures laissées à l’abandon depuis la fin des chantiers. Et notamment ce long quai où TPM se verrait bien attirer des yachts à plusieurs dizaines de millions d’euros. Forcément, les vieilles coques installées sans autorisation sur le domaine public ne font pas le poids. Même si, malgré les tentatives des décideurs divers et variés pour les inciter à mettre les voiles ces dernières années, ils s’accrochent encore et toujours au site, tels des arapèdes sur un rocher. « Notez qu’on ne veut pas gêner à tout prix les projets d’aménagement, nuance Driss, plaisancier au RSA. Mais la moindre des choses aurait été de nous proposer une solution de relogement, pour nous ou nos navires. Quitte à ce que nous payions juste un petit peu. TPM l’avait évoqué dans ses premières réunions avec nous, et puis plus rien. » Si Robert Cavanna, vice-président de la Métropole en charge des Ports, s’en défend, il martèle qu’offrir une place gratuite dans un port
voisin à ces « sans droit ni titre » n’est pas une solution envisageable (voir par ailleurs). C’est comme ça qu’après les rencontres cordiales du début, le climat s’est tendu. « Après les mises en demeure de quitter les lieux, en mai, on a reçu toutes les semaines une facture de 216€ à régler en vertu de l’occupation de la place et d’un contrat que nous n’avons jamais vu ,se désole Patrick. Risible,
puisqu’ici personne n’a les moyens de payer… » Et Driss d’en remettre une couche : « On parle d’atteinte à la salubrité et à la sécurité, ce qui est faux ! On met nos déchets à la poubelle et on se tient tranquille ! Mais pour nous virer, ils veulent nous faire passer pour des bandits… » Cette semaine, c’est au tribunal administratif qu’il reviendra de trancher.