« Nom de Zeus » résonnera pour toujours à Fréjus
Pierre Hatet, décédé le 25 mai, sera inhumé le 6 juillet dans la cité romaine. Ce Fréjusien de coeur était la voix française emblématique de Doc dans Retour vers le futur et du Joker dans Batman
Pierre ne doublait pas Llyod, il interprétait Doc !”
Un jour comédien de théâtre, un autre super-vilain au sourire diabolique, le lendemain voix française de l’inventeur de la mythique DeLorean : Pierre Hatet a marqué les générations grâce à son timbre légendaire et ses talents de doubleur reconnus par Steven Spielberg en personne. Décédé à Paris le 25 mai dernier, mais très attaché à Fréjus, il avait fait part à sa femme de sa volonté d’y reposer pour l’éternité. Il y sera inhumé le samedi 6 juillet.
La voix de Mannix
Loin des micros et des studios de doublage, c’est au théâtre que Pierre Hatet commence à se faire un nom. Repéré par Jean Vilar, il est propulsé sur la scène et joue pas moins de trois pièces sur la seule année 1953. Des Femmes savantes à Antigone, en passant par L’Avare ou Le Bossu, il distillera son talent dans une soixantaine de pièces. En 1955, à l’âge de 25 ans, il est envoyé au Maroc pour y effectuer son service militaire. Sa célébrité naissante lui épargne les corvées et missions qu’il déteste. Il se retrouve à la tête d’une petite émission radio qui couvre les événements sur place : La Demi-heure du soldat. Non loin de là, et sans qu’il le sache encore, sa future compagne, Geneviève, alors âgée d’une dizaine d’années, écoute sur le poste familial les nouvelles de son frère aîné au front… présentées par la voix de Pierre. Il débute sa carrière de doubleur dans les années soixante avec la série Mannix. Mais c’est à partir de 1985 qu’il connaîtra son plus grand succès, lorsque le producteur Steven Spielberg cherche la voix française du personnage d’Emmett Brown, savant fou de la trilogie, aujourd’hui devenue culte, Retour vers le futur. « Pierre ne doublait pas Christopher Lloyd, il interprétait Doc », résume sa femme. Et quelle interprétation ! Il apporte son grain de folie au personnage, improvisant notamment la réplique « Nom de Zeus, Marty ! » Une appropriation si réussie que Christopher Lloyd, lui-même, a tenu à le rencontrer à l’occasion des 30 ans du premier film. « Je les vois encore ensemble, se tenant les mains en plaisantant, comme s’ils se connaissaient depuis plusieurs années, sourit son épouse. Acteurs shakespeariens tous les deux, ils n’ont parlé que de théâtre ! » Pierre Hatet devient alors la voix française officielle de l’acteur américain, qu’il doublera dans le rôle de Fétide dans La Famille Addams, ou celui de l’effrayant juge de Qui veut la peau de Roger Rabbit.
« C’est ce qu’on appelle le coup de foudre »
Il prêtera aussi sa fantaisie à de nombreux personnages de dessins animés, comme Gomez dans Les Mystérieuses cités d’or ou la souris Cortex de la série Les Animaniacs. En 1992, il devient le rire le plus célèbre du monde des super-héros, en donnant sa voix au Joker, ennemi juré de Batman. Geneviève, alors installée depuis peu dans la région, voit son futur époux pour la première fois de sa
vie dans les années cinquante, lors d’une représentation au théâtre antique de Fréjus. « Après avoir joué la pièce, il s’amusait avec François Léotard et son
frère Philippe », se souvient-elle. Leur histoire d’amour, qui aura la cité romaine pour toile de fond, naît réellement le 26 mars 1976… à Paris. Au théâtre des Mathurins, Pierre joue Antigone. Geneviève assiste à la représentation. Et à la sortie de la salle… « Eh bien, vous savez… C’est ce qu’on appelle le coup de foudre ! » Il est immédiatement adopté par sa belle-famille, qui met un visage sur la voix entendue vingt ans plus tôt, à la radio, sur les ondes militaires. Malgré leurs 15 ans d’écart, ils décident de passer – enfin – devant le maire, en 1996 à Fréjus, lors d’une cérémonie présidée par le maire François Léotard. « À cette époque, il jouait dans Angélique, marquise des anges, mis en scène par Robert Hossein. À la fin de la dernière représentation, il a ôté son costume, on a sauté dans un avion et on s’est mariés le lendemain matin ! » Geneviève s’interrompt. Soupire. Puis reprend : « Ma famille était la sienne. Il a toujours dit qu’il voulait être inhumé à Fréjus dans le caveau familial ». Un dernier hommage lui sera rendu, le 6 juillet, au cimetière Saint-Léonce. Ceux qui l’ont aimé pourront aussi glisser un DVD dans leur lecteur et embarquer, une fois encore, dans la DeLorean que son talent a fait voler jusqu’au bout de nos rêves.