Var-Matin (Grand Toulon)

Elle sauve un enfant au péril de sa vie

Toulon Le 8 juin, Diana surveillai­t ses propres enfants sur la plage, lorsqu’elle a cru voir, au loin, quelque chose de « pas normal ». Sans savoir nager, sans réfléchir, elle s’est jetée à l’eau

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

Revenir sur les plages du Mourillon à Toulon réveille le souvenir intact et terrifiant de ce soir du 8 juin. « Je regarde cet endroit-là, lance Diana en plongeant un regard inquiet dans le bleu de la mer, comme s’il y avait quelqu’un en train de couler .» Là, vers les bouées jaunes, le corps d’un petit garçon de trois ans dérivait. Mais cela, personne ne l’avait encore vu. La mère de famille fait partie de ceux qui lui ont sauvé la vie (lire notre édition du 12 juin). Ce samedi tranquille, un peu avant 20 heures, les trois enfants de Diana, deux fillettes de 2 ans et 4 ans, ainsi que l’aîné de la fratrie, jouent sur le sable. Elle, était assise sur ce banc, à les surveiller. Originaire de Tchétchéni­e, la famille est venue pique-niquer, parmi d’autres issues de cette même communauté. Certains sont amis, certains se connaissen­t de vue.

« Peut-être une bouée »

« Je regardais un peu au loin… l’eau, la mer, décrit Diana, avec l’aide d’une interprète. Et je croyais voir quelque chose qui flottait. Peut-être une bouée ». Frappée soudain par la conviction que « ce n’est pas normal », elle se dresse et traverse le sable. Diana est tout habillée. Elle ne se baigne pas, elle ne sait pas nager. Elle a peur de l’eau. Son fils est sidéré. « J’ai vu ma mère dans l’eau, j’ai eu très peur. Je ne savais pas ce qu’il se passait », raconte Tourpal-Ali, dans un français parfait, du haut de ses 8 ans. Arrivée dans l’eau jusqu’au torse, Diana distingue alors « le ventre d’un enfant, la tête entre deux eaux, et deux bouts de pieds qui dépassent ». Un choc. « Je n’arrivais pas à crier, à appeler au secours. » Elle ne réfléchit pas. « Dès que j’ai vu ses pieds, j’ai foncé. Je ne sais pas d’où j’ai eu cette force. J’ai oublié ma peur de l’eau. Je l’ai attrapé par les pieds. Mes propres pieds ne touchaient plus le fond. Je l’ai pris sur ma poitrine, il était bleu. Et moi, j’avais de l’eau qui rentrait dans la bouche. » Dans un effort désespéré, Diana réussit à revenir en arrière et à reprendre pied. L’enfant ne respire plus. « Je voulais faire quelque chose, j’ai commencé à le taper fort sur la poitrine. Une mousse est sortie de sa bouche .» Deux hommes surgissent alors, saisissent l’enfant, l’allongent sur le sable et commencent un long massage cardiaque. « Un homme avait les gestes d’un médecin, un monsieur chauve, avec des taches de rousseur. Il a ouvert la bouche de l’enfant de force, avec un doigt .»

« L’enfant mourait »

Diana confie qu’elle « avait l’impression que l’enfant mourait ». Les deux hommes criaient : « Il ne faut pas le laisser partir, il faut qu’il vive ! », raconte-t-elle. La panique a gagné la plage. Le temps a semblé « long comme une année ». Puis, comme une délivrance, l’enfant a inspiré. Au moment où les secours arrivaient. Le petit garçon a survécu, il s’en est incroyable­ment bien sorti. Un sauveteur donne une explicatio­n. « Il a avalé beaucoup d’eau, mais par chance, il n’avait pas respiré d’eau, souligne un pompier, tenu au courant de l’interventi­on. Sinon, les conséquenc­es auraient été beaucoup plus graves. On est passé tout près du drame .» Le lendemain, Diana s’est rendue

‘‘ Maman, tu ne sauves plus personne maintenant !”

à son chevet à l’hôpital. « Cet enfant était différent de celui que j’avais vu la veille », sourit-elle. Un petit Tchétchène, lui aussi. Mais pour Diana, la peur est restée. « Cela a réveillé une terreur en moi. Mon fils a beaucoup pleuré. Il m’a dit : “Maman, tu ne sauves plus personne maintenant ! » Ses yeux s’embuent et elle chasse

une larme qui perle. « Si cet enfant n’avait pas survécu, cela aurait été une catastroph­e pour moi .» Elle finit par confier qu’elle a perdu un enfant, à la naissance. Et refait le geste de le tenir dans ses bras, comme le petit garçon rescapé. Aujourd’hui, Diana voudrait retrouver le médecin qui a prodigué

le massage cardiaque (1). « Lui dire merci. » Avoir contribué à sauver un enfant fut exceptionn­el, heureux. Et douloureux.

1. Si celui-ci veut prendre contact avec Diana, il peut écrire à Var-matin (64 avenue GeorgesCle­menceau, 83000 Toulon). Son message sera transmis.

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(Photo Dominique Leriche) Diana n’est pas la mère de l’enfant rescapé. Mais elle voudrait pouvoir dire merci à l’homme qui a prodigué le massage cardiaque.

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