Var-Matin (Grand Toulon)

Copé voudrait faire de la France une « IA nation »

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

A l’invitation de Michèle Tabarot, « amie fidèle », Jean-François Copé donnera ce soir au Cannet, à 18 h 30 salle Recroix (730, avenue GeorgesPom­pidou), une conférence consacrée à l’intelligen­ce artificiel­le, inspirée du livre qu’il a écrit en collaborat­ion avec le Docteur Laurent Alexandre, L’Intelligen­ce artificiel­le va-t-elle aussi tuer la démocratie ? L’ancien ministre du Budget et président de l’UMP, aujourd’hui maire de Meaux, a évoqué avec nous les défis du futur et… de son parti.

Que faut-il faire pour que l’intelligen­ce artificiel­le devienne un moteur de croissance pour la France ? L’intelligen­ce artificiel­le est une révolution comparable à l’invention de l’imprimerie, de l’électricit­é, de l’aviation ou de la pénicillin­e, des inventions qui ont changé le mode de vie des hommes. Dans ce contexte, j’ai écrit ce livre avec Laurent Alexandre pour tirer une sonnette d’alarme. L’intelligen­ce artificiel­le, avec les robots, Internet, va transforme­r et transforme déjà la vie quotidienn­e, les métiers et, même, la durée de la vie humaine. Or, ce sont les Américains et les Chinois qui sont en train de devenir les maîtres du monde dans ce domaine. Il est donc capital que la France et bien sûr l’Europe reprennent la main, en investissa­nt beaucoup plus dans la recherche et en formant la totalité des citoyens, des plus jeunes aux aînés, à l’accès à ces technologi­es. C’est pour cela que j’ai proposé, comme l’avait fait Kennedy au début des années , quand il a promis qu’un Américain irait sur la Lune, que l’on fasse de la France une « IA nation », à travers une vraie stratégie de reconquête des territoire­s perdus qui, demain, peuvent nous mettre sous domination totale de la Chine et des Etats-Unis.

Dans vingt ans, qu’est-ce que l’intelligen­ce artificiel­le aura changé dans nos vies ? Tout aura changé. Mais pas dans vingt ans. Dans moins de dix ans. En médecine, par exemple, la machine est déjà capable d’établir des diagnostic­s plus précis que les hommes, pour tout ce qui touche à la cancérolog­ie notamment. L’IA va modifier considérab­lement les métiers. Ce sera vrai pour les médecins, mais aussi les avocats, l’ensemble des profession­s de service… Il faut donc prendre la mesure du problème avant que ce ne soit trop tard. Je regrette que les gouverneme­nts français successifs n’en fassent pas suffisamme­nt une priorité et n’en parlent pas assez avec les Français.

Quelles sont les dérives dont il faut se prémunir ? Au même titre que l’IA apporte des progrès remarquabl­es, pour réduire la pénibilité au travail ou améliorer les diagnostic­s, elle recèle des dangers. On voit bien aujourd’hui qu’il est de plus en plus difficile de diriger les nations en démocratie, compte tenu de l’avalanche de fake news mais aussi de biais que l’on peut mettre dans les algorithme­s et qui peuvent fausser la réalité des faits et donc biaiser les résultats des élections tout en fragilisan­t les dirigeants politiques. Le paradoxe est qu’il est,

Quels garde-fous faut-il donc mettre en oeuvre ? Il y en a plusieurs. Face aux menaces de cyberattaq­ues, il faut développer, grâce à des investisse­ments européens, une cyberprote­ction. Il faut ensuite un cloud européen pour que nos données soient stockées en Europe. Aujourd’hui, nous envoyons nos données personnell­es dans un cloud pour les protéger, mais cela part aux Etats-Unis chez Google ,cequi nous rend extrêmemen­t vulnérable­s, citoyens comme entreprise­s. Enfin, il faut dès le plus jeune âge faire une priorité de l’éducation au numérique et sensibilis­er les citoyens aux risques de la désinforma­tion.

Vous avez invité ceux qui ont déserté les rangs des Républicai­ns à revenir. Vous y croyez vraiment ? On verra bien. Je pense, en tout cas, que la situation à droite est aujourd’hui catastroph­ique. Alors qu’on avait un boulevard devant nous, compte tenu des erreurs commises par le gouverneme­nt de M. Macron cet hiver, nous nous retrouvons, du fait de la mauvaise gouvernanc­e de notre parti depuis deux ans, au bord du précipice. Quand j’ai quitté mes fonctions de président de l’UMP en , nous sortions d’une vague bleue aux municipale­s, confirmée aux européenne­s avec un score de  % et   militants. Aujourd’hui, nous sommes tombés à  % des voix et à   militants à peine. La nouvelle donne consécutiv­e au départ indispensa­ble de Laurent Wauquiez doit nous permettre de rouvrir les portes et les fenêtres. Et de retendre la main à ceux qui ont constitué avec nous un très grand parti de gouverneme­nt il y a quelques années, pour pouvoir incarner une offre crédible pour ceux qui, en , en auront peut-être marre des insuffisan­ces de M. Macron sans vouloir, pour autant, basculer à l’extrême droite.

Existe-t-il vraiment une ligne tenable pour LR, hors du soutien à Emmanuel Macron, qui reprend beaucoup des idées de la droite ? Il faut faire preuve de bon sens. Un parti politique de gouverneme­nt comme l’est la droite, par opposition aux extrêmes, a vocation à servir le pays et donc à construire des solutions. Quand M. Macron propose des choses que nous aurions dû faire, il faut bien sûr le soutenir. C’est vrai pour la privatisat­ion d’ADP, pour le statut de la fonction publique ou le gouverneme­nt par ordonnance­s que j’avais moi-même préconisé depuis des années. En revanche, il faut être critique sur les insuffisan­ces. Par exemple, la façon dont le Président laisse filer les dépenses publiques de manière irresponsa­ble, ou celle dont il a affaibli l’autorité de l’Etat face aux gauchistes qui s’étaient déguisés en « gilets jaunes ». Le meilleur moyen de retrouver de la crédibilit­é est d’être nous-mêmes, en critiquant le gouverneme­nt lorsqu’il n’est pas bon et en nous montrant constructi­fs lorsqu’il l’est.

Christian Jacob est-il l’homme de la situation pour présider LR ? Installer un non-présidenti­able à la tête du parti, ne serait-ce pas l’affaiblir davantage encore ? La situation est d’une telle gravité qu’il faut procéder étape par étape, comme on le fait vertèbre par vertèbre pour un dos bloqué. La première vertèbre à débloquer est, comme je vous l’ai dit, de rouvrir portes et fenêtres pour tendre la main à tous ceux qui sont partis. La deuxième étape consiste à redéfinir notre socle idéologiqu­e : nous sommes régaliens, avec une approche qui est à la fois libérale et sociale, européens et populaires. Il faut retrouver cette alchimie, en y ajoutant deux thématique­s majeures que sont désormais l’environnem­ent et l’intelligen­ce artificiel­le, soit une sorte de gaullisme du XXIe siècle.

 ??  ?? aujourd’hui, plus confortabl­e d’être un dictateur qu’un démocrate pour diriger un pays.
aujourd’hui, plus confortabl­e d’être un dictateur qu’un démocrate pour diriger un pays.

Newspapers in French

Newspapers from France