Var-Matin (Grand Toulon)

Si un accident doit arriver, ça arrivera”

- P.-L. PAGÈS plpages@varmatin.com

Dreal dans ses visites de site ») affichent une telle confiance, c’est sans doute parce qu’ils ont tous deux un passé profession­nel dans le secteur pétrolier. Paul Boudoube a travaillé dans la prospectio­n pétrolière, alors que Jean-François Moissin était ingénieur d’exploitati­on pour la compagnie Shell. Du côté des riverains les plus proches de l’enceinte du DPCA, notamment les habitants des lotissemen­ts de Simian et de la Bergerie (plus de 130 lots au total), construits dans les années 1970-1980, après l’installati­on pétrolière donc, c’est la force de d’habitude, empreinte de fatalisme, qui leur permet de vivre à deux pas de ces énormes réservoirs. « Quand on a acheté le terrain en 1982, on a été surpris de pouvoir y construire notre maison, vu qu’il se trouve à 200 m à peine du dépôt pétrolier. Mais on ne s’est pas trop posé de questions. Et puis, étant céramiste au village, il

bien trouver un endroit où se loger. Aujourd’hui, ça fait presque 40 ans que j’habite ici, alors, même si le danger demeure permanent, on a pris l’habitude de vivre à proximité », déclare Pierre Scoleri, âgé de 80 ans. Avant d’ajouter : « De toute façon, si jamais un jour ça explose, on sera volatilisé dans la seconde. Sans souffrance ». D’un an à peine son cadet, son voisin Hervé Martinetti tient le même discours. Occupé à ramasser des pignons devant son portail, l’homme n’a pas l’air stressé en tout cas. « Après plus de trente années passées à tout juste 200 m de la première citerne, on ne pense plus au danger que ça représente. D’autant moins qu’il n’y a jamais eu d’incident à ce jour. Et puis, ce n’est pas maintenant qu’on va changer de vie, déménager », lâche-t-il. Hervé Martinetti confie pourtant avoir suivi « avec une certaine inquiétude » la catastroph­e de Rouen. « Mais c’est plus par rapport au manque de clarté du discours des politiques et des pouvoirs publics. Ce n’est pas très rassurant. Ça me rappelle l’accident de Tchernobyl (au sujet duquel je viens de voir un documentai­re) et le fameux nuage qui s’était soi-disant arrêté aux frontières… », sourit-il. Mère de deux enfants âgés de 10 et 13 ans, Carine fait partie de la nouvelle génération des habitants du lotissemen­t. « En venant nous installer ici en 2005, on connaissai­t évidemment l’existence du site Seveso à proximité. Mais on a acheté quand même parce que c’était une bonne opportunit­é », explique cette Pugétoise. Et l’accident de Rouen n’a en rien modifié son sentiment. « Bien sûr, si on est de nature stressée, mieux vaut ne pas emménager ici. Mais qu’on habite dans ce lotissemen­t ou près du centre commercial, ça ne change pas grand-chose : si ça explose, tout le monde sera touché ». Père de deux enfants de 2 et 6 ans, David est encore plus récent dans cette zone pavillonna­ire. À peine cinq ans. Pour lui non plus, l’accident de Rouen ne remet pas en question son quotidien pugétois. « Ici, comme à Rouen, on n’est pas à l’abri d’un accident. C’est un peu comme en voiture ou à moto : si ça doit arriver, ça arrivera ». Malgré son discours résolument fataliste, David ne prend pas la sécurité de son foyer à la légère. Pour preuve, il explique : « quand on a acheté la maison, j’ai suivi les recommanda­tions et j’ai opté pour des fenêtres

On a pris l’habitude de vivre à côté du dépôt”

avec des châssis renforcés ». Une précaution à même de mieux résister aux fameuses surpressio­ns évoquées par le maire et son adjoint à la sécurité. À 83 ans, Daniel Guerard est le plus ancien des riverains que nous avons rencontrés. C’est aussi le plus confiant. « J’habite ici depuis 1977. J’ai toujours connu le DPCA. À l’époque, des trains avec des wagons-citernes passaient même plusieurs fois par jour pour ravitaille­r le dépôt. Maintenant, c’est un pipeline. C’est plus sûr. Ça a beau être un site Seveso, je n’ai aucune crainte ». Son insoucianc­e étonne. « Je suis un ancien conseiller municipal de Puget-sur-Argens. Ça m’a donné l’occasion de visiter le dépôt et même d’assister à des exercices. C’était très instructif et très rassurant sur les mesures de sécurité du site », se justifie cet officier à la retraite. Finalement le seul défaut qu’il trouve au dépôt, ce sont les odeurs d’essence qui en émanent. « Quand ils purgent les cuves », croit-il savoir. Mais comme le fait remarquer Pierre Scoleri, « après tant d’années, on s’habitue aussi aux odeurs ».

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