Plus de 3 000 Corréziens saluent la mémoire de Chirac
Il y avait des pommes, des pognes à serrer, de la bière, de la tête de veau et des visages familiers. Tout ce qu’il aimait. Hier midi, sous une petite pluie fine, les Corréziens sont venus en rangs serrés rendre un dernier hommage à Jacques Chirac à Sarran, ce bourg devenu au fil des années l’épicentre de la Chiraquie. Au village, où se dresse fièrement depuis près de vingt ans le musée du Président et où on se souvient que « le grand » avait fait venir le Tour de France, Johnny, Bill Clinton et même le président chinois, c’était hier jour de pèlerinage. Chantal et Josette n’auraient manqué ce moment pour rien au monde. « Nous sommes des vraies Corréziennes. On lui doit tant ! Il était humain, abordable et humble. Des hommes politiques comme lui, il y en aura plus. » Catherine a fait deux heures de route depuis Guéret (Creuse) pour lui dire adieu. « À l’annonce de sa mort, j’ai regardé la télé en boucle. J’ai envoyé mes condoléances à Claude Chirac, mais il fallait aussi que je sois là aujourd’hui. »
« C’était très charnel »
Anonymes, élus, amis, simples connaissances : à Sarran, tout le monde raconte son Chirac. Avec beaucoup d’émotion et un brin de nostalgie. Appuyé sur sa canne, Jean-Pierre Dupont, qui a présidé le conseil général (aujourd’hui conseil départemental) pendant quinze ans et succédé en 1995 au député Chirac, balaie la foule des yeux, la gorge serrée. « Regardez, ils le remercient tous pour sa fidélité. L’attention des Corréziens n’est pas seulement politique. C’était très charnel avec Jacques Chirac. Il y a là des gens de tous les milieux, avec des opinions différentes, mais qui se retrouvaient tous derrière lui. » Élu sur une terre de gauche « où Charles de Gaulle obtenait ses plus mauvais scores », ainsi que l’a rappelé le mari de Claude Chirac, Frédéric Salat-Baroux, l’ex-chef de l’État n’était pas de droite ou de gauche en HauteCorrèze. Il était Chirac. Un point commun avec l’autre Président corrézien François Hollande, présent hier à Sarran avec Julie Gayet, et dont la rivalité politique avec Jacques Chirac s’est muée au fil des ans en complicité. « C’était un être d’exception » ,assure Jean-Pierre Bechter, le maire (LR) de Corbeil-Essonnes (Essonne) qui a « commencé à travailler avec Jacques Chirac il y a tout juste cinquante ans ». Contenant difficilement son émotion, ce compagnon de route de la première heure se félicite que « la Corrèze se montre aussi reconnaissante ».
Bernadette dans tous les esprits
Sur la scène improvisée à côté du musée du Président, les hommages se succèdent. Courts. Simples. Les mots touchants de Thierry, pensionnaire d’un foyer pour handicapés de Sornac créé sous l’impulsion du député d’alors. Le texte lu par une élève du collège Bernadette-Chirac tout proche. L’hommage sobre de Frédéric Salat-Baroux entouré de Claude Chirac et de Martin ReyChirac, l’unique petit-fils de l’ancien Président, sous le portrait géant du patriarche disparu. Bernadette Chirac, absente et que tout le monde sait affaiblie, était évidemment dans tous les esprits à Sarran. On a appris hier que sa petite 205 rouge avec laquelle elle a sillonné pendant des années les routes de Haute-Corrèze rejoindra bientôt les grosses berlines officielles de son époux au sous-sol du musée du Président. Le dernier clin d’oeil de la Chiraquie.