Signé Roselyne
Lundi
Les cérémonies d’adieu à Jacques Chirac se sont déroulées sans fausse note dans une dignité emplie de ferveur et une simplicité toute d’émotion. Nul doute que « le grand » comme nous l’appelions eût apprécié cet hommage, lui qui sut concilier la majesté présidentielle et la proximité du terrain. Au revoir là-haut, Jacques.
Mercredi
Il y a une semaine, un incendie se déclarait dans l’usine de produits chimiques Lubrizol de Rouen. L’épais nuage de fumées noires a causé l’émotion des habitants qui craignent pour leur santé et leur environnement. Leur inquiétude est parfaitement compréhensible et ils ont toute légitimité à exiger la transparence la plus totale de la part des pouvoirs publics et de l’industriel concerné. Ceci posé, nous assistons à un festival d’âneries et de manipulations qui méritent d’être analysées. Les théories du complot ont fait florès, certains
s’offusquant de constater qu’il y eut des produits chimiques dans une usine dédiée à leur fabrication ou voyant dans la concomitance avec le décès de Jacques Chirac une troublante coïncidence… Les pouvoirs publics ont été accusés de cacher la vérité alors qu’on voit mal quel bénéfice ils pourraient tirer d’une telle stratégie. Lesdits pouvoirs publics se sont emberlificotés dans de multiples émetteurs de la parole officielle, préfet, fonctionnaires, ministres, donnant un sentiment de brouillage délétère, perdant la bataille de la communication d’autant que la vérité en ces circonstances ne peut résulter que d’études longues et complexes alors que l’opinion exige des réponses immédiates. Inévitablement, les prédateurs habituels se sont emparés de ces manquements à des fins de basse politique, et l’on a vu les opposants de tout poil défiler sur les lieux pour faire sans vergogne leur marché électoral tandis que des cabinets d’avocat spécialisés dans l’environnement s’y précipitaient
pour obtenir de juteux dossiers sous couvert d’actions associatives. Par la suite, chacun y est allé dans la surenchère législative et la loi de juillet relative à la prévention des risques technologiques a été jugée insuffisante par le Premier ministre Édouard Philippe dans la démarche habituelle consistant à faire porter le chapeau à ses prédécesseurs alors qu’il s’était lui-même employé à en affaiblir la portée par des textes de simplification administrative. Les écologistes, eux, exigeaient des mesures d’expropriation des usines à risques des zones habitées, oubliant que c’est l’urbanisation galopante qui a cerné les sites industriels et non l’inverse. Au fait, pour les installer où ? En Afrique ou en Asie ? Pauvre France qui ne veut plus de coqs qui chantent, de sonneries des cloches de nos églises, d’étables qui ne sentent pas bon, de consommateurs bruyants en terrasse, d’usines à risques et qui rêve de transformer le pays en un lieu de tranquillité éternelle, autrement dit, à terme, un cimetière.
Vendredi
« C’est tout un système de sécurité du pays qu’il conviendra de repenser dans une stratégie de défiance a priori. »
Le président de la République s’est
invité inopinément au salon de l’élevage à Cournon dans le Puy-de-Dôme. Il a bien fait, tant nos agriculteurs sont l’objet de procès incessants qui les désespèrent et les poussent même au suicide. Je sais qu’Emmanuel Macron a vu le film Au nom de la terre et qu’il a passé plusieurs heures avec son réalisateur, Édouard Bergeon. Le père d’Édouard Bergeon, lui-même agriculteur, a mis fin à ses jours et le film raconte l’engrenage implacable qui mène à cette tragédie. Le film est magnifique et vous pouvez le regarder simplement comme une émouvante saga familiale d’amour et de désespoir. Mais si vous voulez comprendre charnellement les mutations du monde paysan, courez-y. Quand vous irez faire vos courses pour remplir votre frigo, vous verrez les choses différemment. Au fait, et d’une manière inattendue, le film est un grand succès : entrées la première semaine de commercialisation ! Ça, c’est vraiment une bonne nouvelle.
Samedi
Le drame épouvantable qui s’est déroulé à la préfecture de police de
Paris est d’une gravité exceptionnelle sur tous les plans. Le scénario qui prévalait jeudi d’un coup de folie d’un agent administratif « mal dans sa peau » était déjà en soi terriblement inquiétant. Comment un individu fragile pouvait-il être recruté à l’ultra-sensible direction du renseignement, comment pouvait-il faire entrer dans un lieu ultra-sécurisé une arme par destination, comment pouvait-il tuer quatre personnes et en blesser plusieurs autres dans un parcours sanglant de sept minutes avant d’être abattu ? Mais le pire s’est précisé avec les premiers éléments de l’enquête. La prestigieuse institution aurait abrité en son sein un alien terrifiant nourri au lait du salafisme. L’ennemi était dans la place et tout un pacte de confiance est aujourd’hui fissuré. Les conséquences de ces assassinats dépassent aujourd’hui largement la tragédie des victimes, de leurs familles et de l’institution qu’elles servaient. C’est tout un système de sécurité du pays qu’il conviendra de repenser dans une stratégie de défiance a priori. Certains rétorqueront qu’il ne convient pas de tomber dans la paranoïa, mais pour reprendre la formule célèbre, en l’occurrence il est évident que même les paranoïaques ont des ennemis.