Cancer : bientôt des « cellules médicaments » à Nice ? Progrès
Les « CAR-T cells » représentent un espoir majeur dans le traitement de certains cancers du sang réfractaires ou en rechute. Le CHU de Nice pourrait bientôt être autorisé à les proposer
Des cellules immunitaires « dressées » en laboratoire pour reconnaître les cellules cancéreuses, les attaquer et les détruire (lire encadré ci-contre). Ce n’est pas un scénario de science-fiction, mais déjà une réalité dans le traitement de deux types de maladies hématologiques : les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) et les lymphomes diffus à grandes cellules B. Les premières concernent des patients souvent jeunes, voire très jeunes, les secondes une population plus âgée. Si d’importants progrès ont été réalisés dans la prise en charge de ces cancers très sévères, il reste malheureusement que des malades « ne répondent pas » ou « échappent » après plusieurs lignes de traitements (chimiothérapie, greffe…), sans plus aucun recours possible. Des situations dramatiques, dites d’impasse thérapeutique, qui pourraient, pour certaines du moins, trouver une issue grâce aux « CART cells ».
Des critères d’âge
Unanimement considérée comme révolutionnaire, cette approche thérapeutique à base de cellules « vivantes », très encadrée, n’est pratiquée que dans de rares établissements en France. Le CHU de Nice, grâce à la mobilisation du Pr Thomas Cluzeau, chef du service d’hématologie clinique et thérapie cellulaire, pourrait bientôt décrocher le Graal : l’autorisation de proposer dès le début de l’année 2020 cette thérapie cellulaire aux malades réfractaires ou en rechute. « Nous nous apprêtons à déposer le dossier d’autorisation. Le processus est extrêmement compliqué, insiste le spécialiste. Il faut des circuits dédiés pour ces “cellules médicaments” génétiquement modifiées. Par ailleurs, les patients traités par ces “CAR-T cells” doivent pouvoir bénéficier d’une surveillance de chaque minute par plusieurs spécialistes formés, hématologues bien sûr, mais aussi réanimateurs, neurologues et radiologues. Le risque d’effets secondaires graves, neurologiques en particulier, est important. Ils doivent être très rapidement identifiés – il faut pour cela pouvoir recourir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à une IRM – et aussitôt pris en charge par des équipes compétentes. » Des équipes hospitalières niçoises déjà formées, puisque le CHU de Nice est le seul centre en Paca-Est habilité à réaliser des allogreffes de cellules-souches hématopoïétiques. À quels critères devront répondre les patients pour être éligibles à cette approche révolutionnaire ? « Il est important qu’ils soient dans un bon état général, qu’ils aient en particulier une bonne fonction rénale, hépatique, cardiaque… Pour la LAL, une maladie qui touche surtout des enfants, des adolescents et de jeunes adultes, il existe aussi des critères d’âge : il a été fixé à 25 ans maximum. Concernant le lymphome, qui frappe plutôt une population adulte, il n’y a pas ce type de limite. » « Un espoir considérable »
Des guérisons même à un stade avancé
Si le CHU de Nice est autorisé à pratiquer cette thérapeutique innovante, les premières étapes – soit le prélèvement et la préparation des cellules antitumorales (lire par ailleurs) – se feront à l’Institut Paoli-Calmette à Marseille. « Nous nous appuierons sur leur expertise pour ces étapes. Ces préparations cellulaires seront ensuite envoyées aux USA pour les modifier génétiquement. » Retour ensuite à Nice où la dernière étape, l’administration en une injection unique de ces cellules, pourra être réalisée. Selon le Pr Cluzeau, 15 à 20 patients varois, azuréens ou monégasques pourraient bénéficier de cette innovation dès sa mise en oeuvre. Des patients dont le pronostic vital est engagé à très court terme. Que pourront-ils attendre de cette thérapie ? « D’après les études cliniques, le taux de survie est considérablement augmenté et permet même d’envisager des guérisons à long terme », annonce le Pr Cluzeau. Des mots prudents, mais dont la portée est immense, sachant que « c’est à des patients à des stades très avancés de la maladie que ces traitements s’adressent pour l’instant. Les résultats des essais menés sur les Car-T cells sont un espoir considérable pour eux. »