« Ni Dieu, ni Lemaître... »
C’est fini. Après 14 ans à la tête du RCT, Mourad Boudjellal cèdera son fauteuil fin juin à Bernard Lemaître. Avec le sentiment d’avoir apporté du rêve aux Toulonnais. Il s’en explique
Un SMS dont il a le secret. Capri, c’est fini. Hervé Vilard sonne l’hallali de l’ère Boudjellal. Après 14 ans de présidence, le saltimbanque de l’Ovalie a décidé de se retirer de cette mêlée dont il fut un pilier majeur en dépit de sa nuque fine. Précurseur du rugby moderne avec l’engagement de stars planétaires, épouvantail de la LNR, demi dieu en chair et en os pour les supporters toulonnais, homme d’affaires intransigeant aussi, il s’éclipsera en juin. Pour laisser place à Bernard Lemaître. Lui qui n’en a jamais eu... Une passation de pouvoir sans amertume. Sans regret. Parce que l’heure était enfin venue de refermer le livre de contes. Fort en bonheur. Lourd en « emmerdes ». Qu’il a cherchées, parfois... Mais avant de tourner la dernière page en rouge et noire, MB a eu l’élégance de s’allonger sur le divan. Sans tricher...
Pourquoi enfin sortir du silence ? La semaine appartenait à Bernard Lemaître. Désormais, je peux prendre la parole et rectifier certaines choses. D’abord, je rappelle que je ne me suis jamais permis de parler de mes prédécesseurs... Un conflit avec Bernard Lemaître ? Pas du tout. Il a mis beaucoup d’argent dans le RCT et je l’en remercie. Mais d’autres étaient également prêts à investir, notamment un fonds de pension américain. Mais j’ai choisi Bernard Lemaître. En fait, j’ai pris le mec qui allait autant aimer les joueurs que moi... Le bât blesse où alors ? Sur le fait qu’il évoque les déficits de l’année dernière et de cette année ? Il ne faut pas confondre investissement et déficit. Même s’il y en a eu. Cette année, nous avons fait le choix en début de saison d’avoir un déficit. Mais je tiens à préciser que j’ai signé un AOT (autorisation d’occupation temporaire) pour Berg d’une valeur entre et millions d’euros. Que je vais ramener millions d’euros de subventions pour le RCT Center (la Fabrique à champions). Que j’ai créé la Présidentielle pour un gain de million d’euros. Que le budget partenaire s’élève à millions d’euros. Que nous avons un accord avec le Vélodrome pour ans. Qu’il y a les boutiques et la brasserie RCT. Sans parler d’un contrat équipementier digne des clubs de foot... Où voulez-vous en venir ? Je termine. L’équipe administrative du club est passée de à personnes. Le RCT est une marque, aussi. Par ailleurs, le RCT Miami est enfin créé. La demande d’inscription dans le championnat américain a été faite auprès du Board des Etats-Unis. D’ici à mois, le club sera donc engagé dans deux championnats : le Top et celui des USA. Pour ce dernier, j’ai lancé une levée de fonds de près de millions de dollars ! Christophe Lavigne (Ndlr : qui a revendu sa société LDR Medical pour , milliard de dollars) est rentré au capital. Et d’autres noms suivront. Dont des surprenants. Bref, je pense que Bernard Lemaître n’a pas fait un si mauvais investissement. Mais vous lui faites quand même l’inventaire à la Prévert du fruit de votre travail... Je le répète : il n’y a aucun tiraillement entre nous. Il aime vraiment le club et il est la personne la plus adéquate pour en défendre les intérêts. Il est à la fois un passionné et un investisseur. Mon rôle est de faire en sorte qu’il gagne de l’argent. Simplement, je voulais remettre les choses à plat. Dans votre costume de président... Oui. Même si je peux aujourd’hui être révoqué à tout moment. D’ailleurs, chaque jour je me demande si je ne vais pas être viré... Vous dites ça parce que vous n’êtes plus majoritaire ? Au juin, je ne détiendrai plus une part dans le RCT. Bernard Lemaître en possèdera %... Mais vous serez toujours président ? Pour l’instant, j’ai un devoir vis-à-vis de Bernard Lemaître. Celui de lui montrer ce que je sais faire. Mais en juin, j’estimerai que ma présence est gênante... Et vous quitterez le RCT ? Vous savez, je n’ai ni Dieu ni Lemaître ! Je n’irai donc pas au bout de mon mandat de
ans. Je pense en revanche finir la saison. Enfin, si on veut bien me conserver... Le nouveau patron vous pousserait-il vers la sortie ? Pas du tout ! D’autres, peutêtre, n’attendent que ça. C’est la nature humaine. Ce n’est pas surprenant. Vous confirmez donc que le RCT et vous, c’est fini... Oui. Et je ne regrette pas cette décision. Ce n’est pas dans ma nature. Le passé est mort. Vive l’avenir. Ce qui ne m’empêchera pas d’être toujours supporter du club. Vous ne craignez pas le grand vide... Il n’y a que deux personnes qui ne sont pas très contentes de mon départ. Ma plus jeune fille, qui m’a toujours connu à la tête du
RCT, et ma maman de ans, qui s’est mise à aimer le rugby... Sans vous, ça risque toutefois d’être moins rock’n roll... Nous sommes différents avec Bernard Lemaître, c’est sûr. Il est un bâtisseur, avec une bonne vision du futur. Il entend structurer encore davantage le club et lui assurer une pérenité. Moi, j’étais plutôt un bâtisseur de rêves. Vous êtes un peu la glace et le feu, en somme... Il n’est pas un homme de médias, c’est certain. Mais il apprend vite et je sens, depuis des mois, qu’il a attrapé le virus. Cependant je ne suis définitivement pas d’accord avec lui sur une chose : cette saison, le
RCT est un candidat très crédible au titre de champion de France. Je suis persuadé qu’on peut gagner, et je souhaite à Bernard Lemaître qu’il se trompe. Et puis on fait quoi sinon ? Si on annonce qu’on ne fera que de la figuration, on arrête tout ? Il faut sans cesse y croire et se battre pour. Souvenez-vous : nous avons été champions d’Europe des Algeco et ça n’a gêné personne ! Vous avez encore des conseils à prodiguer visiblement. Peut-être sur le nom de votre successeur... Le prochain président sera Bernard Lemaître. Mais mon fantôme rodera à Mayol tant qu’il n’aura pas remporté un titre. J’ai vécu cette sensation avec le fantôme de . Tu ne deviens rééllement président du RCT que lorsque tu as gagné un titre.
Je pense que Bernard Lemaître n’a pas fait un mauvais investissement ” Chaque jour je me demande si je ne vais pas être viré ” Mon fantôme rodera à Mayol tant qu’il n’aura pas gagné un titre... ”