Var-Matin (Grand Toulon)

Observer les cétacés sans les harceler

Une quinzaine d’opérateurs a adhéré au label « high quality whale watching »

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C’est une habitude apparemmen­t vieille comme le monde. « L’Homo sapiens veut toujours voir des dauphins et des baleines. » Quitte à s’en approcher au maximum et perturber ainsi leur quiétude. Michaël Lucas connaît bien les hommes et les cétacés. Cela fait plus de quatre ans qu’il embarque les premiers pour aller observer les seconds, au départ du port du Brusc à Six-Fours. Or, à l’instar des quinze autres confrères français labellisés « high quality whale watching », le fondateur de Sea Adventure part du principe que « c’est aussi aux opérateurs d’éveiller les conscience­s en respectant les mammifères marins. »

Excellence environnem­entale

Michaël Lucas a créé sa société en 2015. Dès l’année suivante, il a adhéré au label. Ce n’était pas une révolution, car sa « méthode n’a pas changé », sa philosophi­e non plus. Mais plutôt, une « simple suite logique » .Ce label, initié par l’associatio­n varoise Souffleurs d’écume, a pour vocation d’encadrer les opérateurs de sorties d’observatio­n de dauphins et baleines dans une démarche dite « d’excellence environnem­entale ». « Il a aussi été créé en concertati­on avec les profession­nels de manière à le faire évoluer », rappelle Joséphine Chazot, chargée de mission chez Souffleurs d’écume. Concrèteme­nt, les opérateurs labellisés s’engagent à respecter quelques règles d’approche élémentair­es afin de ne pas déranger les mammifères marins. Pour cela, ils doivent d’abord suivre une formation dispensée sur trois jours. « Faut quand même mettre le nez dans les bouquins », reconnaît Michaël Lucas. On y apprend donc à observer le comporteme­nt des cétacés. « Déjà, on ne nage pas avec eux et on n’utilise pas de détection aérienne, insiste-t-il. Ensuite, on attend toujours de voir s’ils dorment, s’ils chassent, avant de s’approcher. » La distance réglementa­ire est fixée à 150 mètres. « Après, on se positionne parallèlem­ent à eux, et s’ils souhaitent venir, ils viennent. Mais lorsqu’on est plusieurs compagnies, on limite aussi le temps pour ne pas dépasser les 30 minutes. » Et tant pis pour ceux qui ont envie d’aller toujours plus loin, plus près, plus fort. « C’est ce que j’essaie d’expliquer à mes passagers, en leur montrant qu’il n’y a pas que les mammifères marins. On a aussi des tortues, des puffins, énormément d’oiseaux, détaille l’opérateur varois. On peut d’ailleurs observer des scènes formidable­s de chasse de thons. Dans ce type de sortie à vocation naturalist­e, je préviens toujours qu’on n’est jamais sûr à 100 % de croiser des cétacés. » Neuf sorties sur dix se traduisent pourtant par une rencontre entre l’Homo sapiens et l’odontocète. Notamment grâce aux dauphins bleu et blanc qui sont les cétacés les plus présents au large des côtes varoises et azuréennes. À l’inverse, Michaël Lucas ne considère pas rentrer « bredouille » lorsque l’animal ne pointe pas le bout de son bec. « Je comprends qu’il puisse y avoir de la frustratio­n pour certains lorsque l’on n’aperçoit pas de dauphins ni de baleines, mais on leur montre bien d’autres choses, appuie-t-il. En revanche, ce qui me choque, c’est la génération des 20/25 ans qui sont démolis s’ils n’ont pas pu faire leur photo avec leur smartphone pour la publier sur les réseaux sociaux. » Mais en général, « pour chaque sortie, l’émotion est au rendezvous ». Michaël Lucas est fier aussi d’apporter sa « petite contributi­on » à la cause scientifiq­ue. Lors de chaque sortie en mer, les opérateurs s’engagent en effet à faire remonter leurs observatio­ns en remplissan­t des fiches complètes sur le comporteme­nt et les particular­ités des cétacés croisés.

Cohérence et éducation

Enfin, le « capitaine » insiste sur la dimension « éducative » du label. Qu’il n’hésite pas à mettre en avant. D’ailleurs, les passagers y sont souvent « très sensibles » .« On peut créer de la satisfacti­on en étant cohérent, théoriset-il. Et si certains opérateurs non labellisés font bien leur travail, d’autres vont un peu trop loin en développan­t des activités commercial­es pour nager avec les dauphins. Car pour cela, ils font décoller des avions de surveillan­ce, mobilisent des bateaux en mer. Et là, ça devient vraiment du harcèlemen­t. »

Ce qui me choque, c’est la génération des / ans qui sont démolis s’ils n’ont pas pu faire la photo pour Instagram” Michaël Lucas, gérant de « Sea Adventure »

 ?? (Photo Patrick Blanchard) ?? Fondateur de Sea Adventure à Six-Fours, Michaël Lucas soutient la philosophi­e du sanctuaire Pelagos et du label d’observatio­n des cétacés.
(Photo Patrick Blanchard) Fondateur de Sea Adventure à Six-Fours, Michaël Lucas soutient la philosophi­e du sanctuaire Pelagos et du label d’observatio­n des cétacés.

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