Cancer du rein : analyser la « vraie vie » des cellules
Une équipe niçoise met au point un outil capable d’analyser très vite le métabolisme des tumeurs. Un progrès pour le diagnostic et des espoirs thérapeutiques
Le cancer du rein, ce sont 11 000 cas chaque année et des dizaines de types de tumeurs différentes. Qui appellent des thérapeutiques adaptées pour offrir les meilleures chances de guérison aux patients. Comment s’assurer que le bon diagnostic a été posé ? Que la maladie est bénigne ? Ou maligne ? Qu’elle a – ou pas – un potentiel d’évolution rapide ? Des questions fondamentales auxquelles les anatomopathologistes, médecins experts dans l’analyse des lésions tissulaires, doivent répondre de façon très précise pour guider la suite de la prise en charge. Et prévenir en particulier le recours à des thérapeutiques inutiles voire délétères. « D’importants progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies dans la caractérisation des tumeurs rénales, introduit le Dr Damien Ambrosetti, anatomopathologiste au CHU de Nice. La génétique en particulier a beaucoup contribué à ces progrès en permettant la mise en évidence, chez certains patients, d’anomalies récurrentes que l’on peut aujourd’hui cibler par des traitements. » C’est ainsi que, dans les années 2000, on a assisté à une véritable révolution diagnostique et thérapeutique, avec un doublement de la survie des malades touchés par un cancer du rein. Mais la course au progrès n’est pas achevée.
Signature métabolomique
En collaboration étroite avec l’équipe du Dr Thierry Pourcher, directeur de l’UMR-4320 à l’Université Côte d’Azur et spécialiste du domaine, le Dr Ambrosetti a ainsi conduit des recherches qui viennent d’aboutir à la mise au point d’un nouvel outil diagnostique. « Nous nous sommes intéressés aux petites molécules (acides aminés, lipides, etc.) contenues dans des lésions tumorales, afin de constituer la « signature métabolomique » de chaque tumeur. Les analyses par spectrométrie de masse nous permettent aujourd’hui de quantifier un nombre très important de ces métabolites » ,résument les deux scientifiques. En s’appuyant sur ces possibilités nouvelles, ils ont ainsi fait le pari qu’une analyse globale de la production des métabolites par les cellules cancéreuses - – qui témoigne de la « vraie vie » de la tumeur – pourrait aider au diagnostic. Bingo. « En étudiant quelque 80 tumeurs à des stades d’évolution différents, issues de patients opérés à Nice, nous avons obtenu une première signature moléculaire distinguant les trois grands types de tumeurs rénales », annoncent-ils. Très rapide et peu coûteux par rapport aux autres approches disponibles, ce nouvel outil présente l’avantage de pouvoir être potentiellement utilisé en routine, en complément de l’étude histologique, et permettre ainsi une mise en route précoce des thérapeutiques. « Une analyse du fonctionnement de chaque tumeur, pourrait aussi être mise à profit en médecine personnalisée afin de prédire par exemple si une immunothérapie, traitement de plus en plus utilisé pour les cancers du rein, va fonctionner ou pas. » A plus long terme, cet outil pourrait aussi ouvrir la voie au développement de nouveaux médicaments, capables de cibler « les dysfonctionnements métaboliques qui siègent au sein des tumeurs ». Les travaux conduits par l’équipe du Dr Thierry Pourcher et le Dr Damien Ambrosetti viennent d’être publiés dans la revue scientifique Scientific Reports, Nature. Preuve de leur importance.