Jean-Paul Delevoye : la transparence en question ?
Oublis à répétition, accusations de conflits d’intérêts et cumul d’activités prohibé : le cas du haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye illustre la difficulté pour certains politiques à se conformer aux règles de la transparence. Les oppositions sont à nouveau tombées, hier, à bras raccourcis sur le « Monsieur retraites » du gouvernement, après la révélation par Le Monde que ce ne sont pas 3, mais 13 mandats supplémentaires – dont 11 bénévoles – qu’il a oublié de déclarer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il a aussi revu à la hausse certaines rémunérations perçues.
Une démission n’est pas exclue
« La suspicion de conflits d’intérêts (avec le monde de l’assurance) à l’égard de Jean-Paul Delevoye le disqualifie totalement », selon la présidente du RN Marine Le Pen. « Cet homme est un menteur. Qu’il parte, avec son projet aussi » sur les retraites, a déclaré Alexis Corbière (LFI), alors que l’artisan de la réforme n’a luimême pas exclu de démissionner. « La séparation des pouvoirs est un principe de base », selon le numéro un du PS, Olivier Faure, dans un tweet.
Le gouvernement soutient le haut-commissaire : «la bonne foi de Jean-Paul Delevoye est totale » et il s’est mis en règle une fois les manquements signalés, assure Edouard Philippe, quand le ministre Julien Denormandie relève que «le mandat où il y avait rémunération, celui-ci il l’avait déclaré ». Il s’agit de la présidence de Parallaxe, institut de réflexion sur l’éducation dépendant du groupe de formation IGS. Or la Constitution interdit « toute activité professionnelle » aux membres du gouvernement.
Face à la polémique et au hashtag #DelevoyeGate sur les réseaux sociaux, le hautcommissaire a quitté cette fonction et s’est engagé à rembourser les sommes perçues.
Une décision attendue mercredi
Mais pour certains élus comme pour l’association Anticor, la cause est entendue. « Si un parlementaire se permettait cela, @hatvp transmettrait son dossier à la justice », a tweeté la sénatrice LR Catherine Procaccia. Anticor se réserve la possibilité d’une telle saisine. Une réunion du collège de la HATVP se tient mercredi, qui n’a jamais été autant sous pression. Ce sera la dernière de son actuel président Jean-Louis Nadal. « Organisme rigoureux et indépendant » né après le scandale Cahuzac en 2013, la Haute autorité « dira le droit », selon le président de l’Assemblée Richard Ferrand (LREM). Selon sa jurisprudence, elle saisit la justice en cas d’« omission substantielle » des intérêts d’un déclarant ayant bien eu une intention de dissimulation.
Tâclé dans son propre camp
Autres options : la HATVP peut porter une simple «appréciation », ou demander à l’intéressé de se « déporter » des dossiers où il serait en conflit d’intérêts. « Jean-Paul Delevoye a pris acte de sa légèreté, il a eu une réaction rapide », estime René Dosière, président de l’Observatoire de l’Éthique Publique, renvoyant une décision au politique plutôt qu’à la justice. «Delevoye a été habitué à émarger à des conseils d’administration pendant des années, à toucher 15 à 18 000 euros par mois... Il pensait peut-être que ça passerait », son cumul de rémunérations, tacle une source parlementaire LREM.