L’encombrante omission
Chaque fois, dans une affaire de ce genre, on est toujours surpris : comment est-ce possible ? Comment peut-on oublier, lorsqu’on entre au gouvernement ou dans tout haut poste de la Fonction publique, de signaler l’ensemble de ses mandats et des fonctions occupées, même à titre bénévole, dans des conseils d’administration, à la toute-puissante Haute autorité de la transparence ? Comment omettre de déclarer non pas un mandat, mais treize, dont deux, précisément sont rémunérés – ce qui est interdit purement et simplement pour tout membre du gouvernement par l’article de la constitution ? La Haute autorité de la transparence a été créée tout spécialement en pour dénoncer les conflits d’intérêts possibles. Il paraît naturel désormais, après tant de dérives passées, que chaque entrant au gouvernement se plie à une procédure somme toute raisonnable, ne serait-ce d’ailleurs que pour sa propre sécurité, s’il ne veut pas risquer une vilaine mise en cause, un brutal rappel juridique à ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Est-ce de l’inadvertance ou de l’irresponsabilité, est-ce l’appât des honneurs, ou celui de l’argent ? N’est-ce plutôt pas que chacun des hommes (ou des femmes, mais force est de reconnaître qu’elles sont moins nombreuses) qui se met dans une telle situation de difficile équilibre vis-à-vis du droit ou de la simple décence pense qu’il échappe tout naturellement aux règles faites pour les autres, qu’il est au-dessus des lois ? Telles sont les questions qu’on se pose au moment où Jean-Paul Delevoye, le Monsieur Retraites du gouvernement, est pris dans la tourmente. Dans quel conseil d’administration ne figurait-il pas ? Fondation SNCF chargée du mécénat, association des orchestres nationaux, Fondation Crédit Agricole de France… Pour beaucoup, il s’agissait presque d’oeuvres de bienfaisance. Mais pour d’autres, comment a-t-il pu tout simplement oublier qu’on pouvait difficilement s’occuper d’un institut de formation à la profession d’assureur ou au mécénat de la SNCF au moment où il menait des négociations sur la retraite et sur les régimes spéciaux des salariés des entreprises de transports. En pleine grève générale, en plein conflit avec les syndicats, dans un Paris paralysé, Jean-Paul Delevoye, par ailleurs si débonnaire, et si apprécié, disent-ils eux-mêmes, par les partenaires sociaux, devient un boulet pour le gouvernement. A lui de prendre les devants, s’il ne veut pas être « démissionné » dès qu’un apaisement, même momentané de la crise, le permettra.
« Comment omettre de déclarer non pas un mandat, mais treize, dont deux, précisément sont rémunérés ? »