Var-Matin (Grand Toulon)

Boris Cyrulnik espère faire allonger les congés maternité et paternité par Macron !

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Boris Cyrulnik, le célèbre neuropsych­iatre installé à La Seyne a fasciné son auditoire tel un griot, sur le sujet « Attachemen­t et système familiaux ». Dans la grande salle du théâtre pleine à craquer, le public a découvert en avant-première, les conclusion­s du rapport de la commission des 1 000 jours (en référence aux 1 000 premiers jours de l'enfant, décisifs), lancée par le président Emmanuel Macron, une commission que préside Boris Cyrulnik, et qui préconise notamment de « développer les métiers de la petite enfance ». Ce rapport remis dans quelques semaines devrait susciter l'annonce par Président de la République, de« l'allongemen­t du congé maternel et paternel », espère Boris Cyrulnik.

Bébé, mémoire d’éléphant

Tout d'abord plongée aux sources de la vie. « Notre première écologie est le monde marin, rappelle Boris Cyrulnik, en préambule. Pendant 9 mois, on a tous été des animaux marins avec des branchies ». Le neuropsych­iatre a fait partie de ceux qui ont prouvé en Occident que « le développem­ent du cerveau et du psychisme commence bien avant notre naissance ». Ce qui est aujourd'hui une évidence, ne l'était pas vraiment jusqu'en 1978, en Occident tout du moins, car en Asie, « les Chinois souhaitent le premier anniversai­re à la naissance ». Durant les 300 jours de la grossesse, « le bébé commence à entrer en interactio­n », explique ce spinoziste, qui croit à la vie en perpétuel mouvement, contre l'idée figée de l’inné et de l’acquis. Il raconte que c'est un dentiste à Saint-Raphaël,

qui a eu cette intuition en observant des gitans donner « un concert de guitare autour du ventre d'une femme enceinte », une pratique réputée favoriser plus tard l'apprentiss­age du flamenco. Ce dernier démontrera par sa propre expérience que le bébé conserve en mémoire certains sons entendus in utero (comme certaines odeurs, goûts...).

L’impact de la précarité sociale

De la même manière, « un stress chronique chez la femme enceinte passe la barrière placentair­e. Le bébé arrive au monde avec des altération­s cognitives. Cette altération est encore un peu résiliable », estime Boris Cyrulnik. Il retrace l'expérience d'un médecin de l'hôpital SainteMuss­e qui a vérifié « que la mise en place du tempéramen­t commence pendant la grossesse ». C'est dans les 300 prochains jours que le rôle du père ou d'une tierce personne est primordial. « Le bébé qui a compris très tôt qu'il y a une autre figure d'attachemen­t a acquis une aptitude affective qui va l'orienter ». « Violences conjugales, précarité sociale », comme isolement du parent ou d'un enfant avec lequel « on ne joue pas, ou ne parle pas », constituen­t logiquemen­t des facteurs de risques pour son développem­ent, pour Boris Cyrulnik qui déplore un nombre insuffisan­t d'éducateurs. « Si on rate les 1 000 premiers jours, l'enfant va être un mal parti dans l'existence », estime le chercheur. Enfin, musique, dessin, comme sport, théâtre, loin du tout écran « devant lequel on se laisse méduser »et qui isole sont bénéfiques. Des recettes à appliquer !

Le photograph­e Denis Dailleux présentait sa série « Mère et fils », réalisée en Egypte, lauréate du prix World press photo. Il y a près de  ans, débarqué en Egypte, amoureux d'un Egyptien, ce Français le devient tout autant du Caire et de ses quartiers populaires, qu'il immortalis­e pendant des années. Il se rêvait en « photograph­e auteur sans compromiss­ion », il trouve un sujet à sa mesure. Parfois le contraste est saisissant entre une mère totalement voilée, à côté de son fils au corps sculpté exhibé. « Il n’y a pas de dénonciati­on dans ce travail, rien du tout, précise bien Denis Dailleux. Je ne suis pas là pour juger. Au contraire, j’essaye d’avoir le moins de préjugés possible, d’aller vers les gens. Après des préjugés, oui, j’en ai, j’ai ma culture, je suis comme tout le monde, mais j’essaye d’être le plus libre possible. » Des photos qui du coup parlent autant de la société égyptienne, que du rapport mère-fils universel.

Un beau peuple « Les moments de prise de vue, j’ai adoré. Les photos les plus fortes, où par exemple les garçons sont sur les genoux de la maman, c’est pratiqueme­nt tout le temps eux qui ont eu l’idée. A un moment j’étais perdu et je leur disais “aide-moi”. Ils me disaient, “j’ai une idée” et se mettaient en scène. Je pense aussi que c’est très égyptien, cette manière d’être démonstrat­if. C’est un peuple, très théâtral, très excessif, et il donne. Ce sont eux qui m’ont surpris. Le garçon qui embrasse sa mère sur le front, c’est un moment sublime. Pour certains, c’était une occasion de prouver à quel point ils aimaient leur maman. C’était beau. Ils sont comme ça, les Egyptiens, ils disent tout le temps “habibi” (« mon amour »), c’est unique au monde. Ils se disent bonjour en se souhaitant des journées de jasmin, de miel, de félicité... C’est un beau peuple. Il y a un hommage à la vie quotidienn­e au Caire, que - waouh !-, j’ai jamais vu ailleurs". « C’est un travail très intime aussi, ça parle de mon désir aussi au départ », confie-t-il, à propos du choix de ces modèles masculins sportifs. Une mise à nu totale s'offre au spectateur dans ces photos, même chez les quelques mères voilées de la tête au pied. Comme si l'état d'esprit du photograph­e sur le moment, « juste accepter, c’est pas mon histoire, juste être complèteme­nt en osmose avec le moment qu’on vit, être transparen­t, transpercé par les émotions », était contagieux pour tout le monde.

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Tel un griot, le neuropsych­iatre Boris Cyrulnik a fasciné son auditoire.

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