Var-Matin (Grand Toulon)

Procès Mediator : Xavier Bertrand éreinte les laboratoir­es Servier

- SAMUEL RIBOT

Lorsqu’éclate le scandale du Médiator, à l’automne 2010, Xavier Bertrand vient à peine d’être nommé ministre de la Santé dans le gouverneme­nt Fillon III. Près de dix ans plus tard, entendu comme témoin, celui qui est désormais président de la région des Hauts-de-France se souvient à la barre du tribunal correction­nel : « Je suis nommé le dimanche. Le mardi, j’entends à la radio le chiffre de 500 morts. Je comprends très vite qu’il s’agit d’un drame de santé publique comme on en a peu connu. » Le ministre commande immédiatem­ent un rapport à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Ses conclusion­s sont très sévères pour Servier, accusé d’avoir « roulé dans la farine » les autorités sanitaires afin de maintenir son médicament sur le marché, mais aussi pour ces dernières, «jamais en mesure de conduire un raisonneme­nt pharmacolo­gique clairvoyan­t », qui aurait peut-être permis d’éviter le drame. Ce rapport, contesté par la défense de Servier, Xavier Bertrand le défend ardemment. Pour lui, ce document « très éclairant » permet non seulement de pointer « la responsabi­lité directe des laboratoir­es » mais aussi de déclencher l’alerte et d’engager une action politique d’envergure. « Faire de la cosmétique, cela ne nous aurait pas permis d’éviter un nouveau Médiator, explique-t-il à la barre. Ce qu’il nous fallait, c’était un changement en profondeur », qui passera par une refonte de la politique de pharmacovi­gilance d’une part et une prévention accrue des conflits d’intérêt d’autre part. Autre priorité, la création d’un fonds d’indemnisat­ion des victimes, que Xavier Bertrand choisit de lancer sans l’aide de Servier. La raison ? « J’avais la sensation qu’on allait se faire balader par Servier. Et d’ailleurs, heureuseme­nt qu’on n’a pas accepté la propositio­n du laboratoir­e. Aujourd’hui, 180 M€ ont été versés, Servier en proposait 20. » Les avocats des laboratoir­es interpelle­nt l’ancien ministre de la Santé sur cette attitude, qu’ils considèren­t comme immédiatem­ent hostile à Servier. « Honnêtemen­t, [quand l’affaire éclate] j’étais intimement convaincu que le groupe allait nous dire : “Il y a eu un problème, nous allons tout faire pour aider”. J’attendais ça : une déclaratio­n publique, franche et nette. » Pour la première, et la seule fois, l’ex-patron de l’UMP hausse le ton : « C’était quand même pas compliqué ! Il aurait suffi qu’ils disent ça ! » Au lieu de ça, Xavier Bertrand lira dans la presse les propos tenus par Jacques Servier lors de ses voeux au personnel, en janvier 2011 : « Cinq cents est un très beau chiffre marketing, mais il ne s’agit que de 3 morts », affirme alors le fondateur du groupe. « Ce jour-là, j’ai compris », dit l’ancien ministre.

(Agence locale de presse)

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(Photo A.L.P.) Xavier Bertrand à son arrivée au palais de justice hier.
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