Procès Mediator : Xavier Bertrand éreinte les laboratoires Servier
Lorsqu’éclate le scandale du Médiator, à l’automne 2010, Xavier Bertrand vient à peine d’être nommé ministre de la Santé dans le gouvernement Fillon III. Près de dix ans plus tard, entendu comme témoin, celui qui est désormais président de la région des Hauts-de-France se souvient à la barre du tribunal correctionnel : « Je suis nommé le dimanche. Le mardi, j’entends à la radio le chiffre de 500 morts. Je comprends très vite qu’il s’agit d’un drame de santé publique comme on en a peu connu. » Le ministre commande immédiatement un rapport à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Ses conclusions sont très sévères pour Servier, accusé d’avoir « roulé dans la farine » les autorités sanitaires afin de maintenir son médicament sur le marché, mais aussi pour ces dernières, «jamais en mesure de conduire un raisonnement pharmacologique clairvoyant », qui aurait peut-être permis d’éviter le drame. Ce rapport, contesté par la défense de Servier, Xavier Bertrand le défend ardemment. Pour lui, ce document « très éclairant » permet non seulement de pointer « la responsabilité directe des laboratoires » mais aussi de déclencher l’alerte et d’engager une action politique d’envergure. « Faire de la cosmétique, cela ne nous aurait pas permis d’éviter un nouveau Médiator, explique-t-il à la barre. Ce qu’il nous fallait, c’était un changement en profondeur », qui passera par une refonte de la politique de pharmacovigilance d’une part et une prévention accrue des conflits d’intérêt d’autre part. Autre priorité, la création d’un fonds d’indemnisation des victimes, que Xavier Bertrand choisit de lancer sans l’aide de Servier. La raison ? « J’avais la sensation qu’on allait se faire balader par Servier. Et d’ailleurs, heureusement qu’on n’a pas accepté la proposition du laboratoire. Aujourd’hui, 180 M€ ont été versés, Servier en proposait 20. » Les avocats des laboratoires interpellent l’ancien ministre de la Santé sur cette attitude, qu’ils considèrent comme immédiatement hostile à Servier. « Honnêtement, [quand l’affaire éclate] j’étais intimement convaincu que le groupe allait nous dire : “Il y a eu un problème, nous allons tout faire pour aider”. J’attendais ça : une déclaration publique, franche et nette. » Pour la première, et la seule fois, l’ex-patron de l’UMP hausse le ton : « C’était quand même pas compliqué ! Il aurait suffi qu’ils disent ça ! » Au lieu de ça, Xavier Bertrand lira dans la presse les propos tenus par Jacques Servier lors de ses voeux au personnel, en janvier 2011 : « Cinq cents est un très beau chiffre marketing, mais il ne s’agit que de 3 morts », affirme alors le fondateur du groupe. « Ce jour-là, j’ai compris », dit l’ancien ministre.
(Agence locale de presse)