La justice enquête à Nice
Le parquet de Nice a ouvert une information judiciaire pour harcèlement moral sur mineur contre l’ex-coach d’un club. Des parents dénoncent ses méthodes et le silence de la Fédération
Le silence se brise un peu plus dans le monde du sport. En particulier dans le patinage, en proie à un séisme depuis le témoignage choc, fin janvier, de l’exchampionne Sarah Abitbol. Une nouvelle affaire éclate à présent à Nice. Elle pourrait embarrasser un peu plus encore Didier Gailhaguet, le très contesté président de la Fédération française des sports de glace (FFSG). Cette fois-ci, il n’est pas question de viol, fait dont Sarah Abitbol accuse son ex-entraîneur Gilles Beyer. Mais de harcèlement moral. Selon nos informations, qui confirment les révélations de 20 Minutes, plusieurs plaintes avec constitution de partie civile ont été adressées au doyen des juges d’instruction de Nice. Elles visent Katia Genetelet, ancienne coach de Nice Baie des Anges Association (NBAA), et son père Michel Gentelet, ex-président du club. Père et fille avaient été débarqués début 2018, à l’issue d’une âpre joute judiciaire avec plusieurs parents de patineurs.
« Pompes à mains nues sur la glace »
Certains envisageaient alors de déposer plainte, et de médiatiser leur combat. Sans plus donner suite. Mais la donne a changé. Le témoignage courageux de Sarah Abitbol a ouvert la voie à d’autres révélations sur des faits de harcèlement. À Nice, les plaignants ne dénoncent pas des faits criminels. Mais évoquent des adolescences brisées. Particularité de ce club : Didier Gailhaguet y est étroitement lié, pour en avoir été le vice-président. « Comment pouvait-il ne pas être au courant ? », s’exclame Marylin Peppoloni, qui a lancé une première alerte en... 2012. Cette mère de famille s’était constituée partie civile, avec son fils, pour dénoncer «les humiliations, le rabaissement » dont il aurait été victime. Les faits se seraient déroulés entre 2010 et 2017.
« Des allégations mensongères »
« Pompes mains nues sur la glace », propos humiliants et répétés, traitements dégradants, pression psychologique, insultes... Le comportement de Katia Gentelet a été vertement critiqué par l’administrateur judiciaire (1) qui avait mis fin à ses fonctions. L’intéressée se défend pourtant, point par point, d’avoir dépassé les bornes, dans ce milieu ultraexigeant et obnubilé par la quête de résultat. Katia Genetelet évoque « des allégations mensongères» , que le juge d’instruction aurait balayées. « Le parquet de Nice avait été saisi par le passé de nombreuses plaintes d’autres familles. Ces plaintes ont été jointes et ont fait l’objet d’un classement sans suite le 11 janvier 2019 », précise le procureur de la République adjoint. Sept parents ont décidé de se constituer partie civile auprès du doyen des juges d’instruction. Des plaintes jugées irrecevables, car elles émanaient de parents d’élèves désormais majeurs.
L’un d’eux s’est, à son tour, constitué partie civile. C’est ce qui a conduit le parquet de Nice à ouvrir une information judiciaire. «Le juge n’est pas encore désigné. La présidence doit désigner un magistrat », précise le parquet.
« Ils se protègent mutuellement »
Derrière ces plaintes, une question émerge : l’attitude de Didier Gailhaguet. Marylin Peppoloni est persuadée que le président de la FFSG ne pouvait ignorer les plaintes à l’encontre de Katia Gentelet. « On l’a appelé et on lui a envoyé des lettres, dénonce cette mère en colère. Il a été vice-président du club sous l’égide du président Gentelet. Ils se sont protégés mutuellement. Ils ont des dossiers. Si l’un parle, l’autre tombe. » Sollicitée, la Fédération n’a pas répondu. Les avocats de Katia Gentelet, pour leur part, mettent en doute la sincérité de ces parents enfin résolus à porter leurs plaintes sur la place publique. Ils dénoncent des jalousies, des rancoeurs nocives autour de la patinoire Jean-Bouin. C’est désormais à la justice d’examiner cette tempête sur glace. 1. En novembre 2017, le club avait été placé sous tutelle d’un administrateur judiciaire, à la suite d’une procédure administrative en référé heure par heure. Le président et sa fille avaient été démis de leurs fonctions début 2018 malgré de multiples recours.