« On n’est pas dans les clous de la neutralité carbone »
Climatologue et présidente du Haut Conseil pour le climat, invite à accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En misant sur le rôle central des élus locaux
Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, est intervenue hier au conseil départemental des AlpesMaritimes dont le président, Charles-Ange Ginésy, poursuit un Plan climat volontariste.
Le Haut Conseil pour le climat ? C’est un groupe indépendant d’experts, installé en novembre pour porter un regard à long terme sur la stratégie bas carbone du gouvernement et faire des recommandations. Nous évaluons les émissions de gaz à effet de serre, les puits de carbone et l’adaptation au changement climatique. Et nous rendons un rapport annuel.
Qui a choisi ces experts ? C’est le gouvernement qui m’a choisie, ainsi que les douze autres personnes qui m’accompagnent.
Où en est-on des émissions de gaz à effet de serre en France ? L’objectif de neutralité carbone en est cohérent avec l’Accord de Paris. Mais dans la réalité, on n’est pas dans les clous : les émissions diminuent en France, mais de façon presque deux fois moins rapide que ce qu’il faudrait. Les émissions baissent de , % par an, alors que dans la trajectoire prescrite par le gouvernement, on devrait être à , %. Il faut en fait que les réductions triplent d’ici à . Il n’y a aujourd’hui pas assez de stratégies mises en place pour avancer à un rythme suffisant. Au niveau mondial, l’Accord de Paris a amorcé une réduction des projections sur le réchauffement futur, mais on en est encore à degrés de réchauffement si on ne va pas au-delà des politiques en place.
La France est-elle davantage à la traîne que d’autres pays ? Globalement, les émissions continuent d’augmenter. Un certain nombre de pays se sont engagés plus que d’autres pour la neutralité carbone, dont la France, mais surtout les pays scandinaves et le Royaume-Uni où les émissions se réduisent de , voire % par an. La France n’est pas dans le groupe de tête. Elle est dans la moyenne européenne.
Que préconisez-vous pour accélérer le rythme ? Notre premier rapport appelle à une cohérence entre les lois et l’atteinte de la neutralité carbone. Beaucoup de mesures économiques ne prennent pas en compte la réduction des gaz à effet de serre. Chaque fois que l’on met une loi en oeuvre, il faudrait qu’elle soit alignée sur la neutralité carbone. Actuellement, seuls % des lois sont évaluées par rapport au climat. Il faut ensuite plus d’énergies renouvelables, moins de voitures thermiques, et décliner la stratégie nationale au niveau des acteurs locaux, qu’ils s’en emparent pour mettre en place des mesures qui leur conviennent.
Que peuvent faire les élus locaux à leur niveau ? Ils sont centraux. Les innovations se font beaucoup dans les régions. % des émissions de gaz à effet de serre viennent des transports. Sur la Côte d’Azur, la question de la voiture individuelle est capitale. Il existe un certain nombre d’alternatives : le télétravail, la marche, le vélo avec notamment l’essor du vélo électrique, les transports partagés, le tram, le bus, la voiture électrique enfin.
Les épisodes de pluies violentes vont-ils devenir plus fréquents ? Oui. Le réchauffement de l’atmosphère engendre plus de vapeur d’eau et quand il pleut, il pleut plus fort. L’augmentation des épisodes où l’on voit beaucoup de flotte tomber est directement liée au réchauffement de la planète.
Les stations de ski des Alpes du Sud sont-elles menacées à terme ? La tendance est clairement au réchauffement, dans les zones montagneuses également.
Le réchauffement lié à Internet ?
Internet suscite une forte demande énergétique, même si on n’a pas de chiffres spécifiques. Mais on peut récupérer la chaleur des ordinateurs et l’utiliser à d’autres fins. Le gouvernement développe d’ailleurs un pacte productif qui doit donner des pistes pour l’évolution de l’industrie, y compris informatique.