Sauver l’agriculture locale
Plus d’un tiers des exploitations agricoles ont disparu en région Sud-Paca, entre 2000 et 2017.
Alors, comment préserver les terres agricoles de la pression immobilière, favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et rendre viable leur activité ?
Des initiatives portent leurs fruits dans le Var.
Chaque année, des centaines d’agriculteurs mettent la clé sous la porte ou partent à la retraite. Sans être remplacés. Des 70 000 exploitations recensées au début des années 70 dans la région, il n’en reste plus que 20 000 aujourd’hui. Dans le Var, la chambre d’agriculture ne recense plus que 4 410 exploitations. Plus de la moitié de celles-ci (55 %) sont spécialisées dans la viticulture, 15 % dans le maraîchage, 14 % en arboriculture, 5 % en l’élevage, 5 % en polyculture et 5 % en grandes cultures.
. Le malaise agricole
De plus en plus d’agriculteurs se disent victimes « d’agressions en tout genre » et d’un « manque de considération ». Symbole du malaise qui touche la profession, « l’agribashing » touche toutes les filières. « Les gens ne se posent même plus la question de savoir si on fait du bio ou pas, s’agace Max Bauer, président de la Coordination Rurale Sud-Paca et horticulteur à Hyères. Dès qu’un écolo-bobo-politico voit un pulvérisateur ou un tracteur, il a le poil qui se hérisse. On a certes commis des erreurs, mais arrêtons de surréagir, rouspète-t-il. Et laissez-nous faire notre métier. » Comme souvent, et pour beaucoup, le coupable de la « disparition des zones agricoles » s’appelle « mondialisation ». « La grande distribution et la capitalisation de l’agriculture nous ont fait énormément de mal », analyse froidement Sylvain Apostolo, producteur de fromage de brebis à Sillans-la Cascade et co-porte-parole de la Confédération Paysanne du Var. Les agriculteurs s’inquiètent par ailleurs des « dangers » du CETA (l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne) ou du projet Mercosur (avec les pays d’Amérique du Sud). Pour eux, « c’est de la concurrence déloyale ».
. Manque de diversité
« Le problème, expose plus généralement Violette Chauvigne, coordinatrice de la Confédération Paysanne Sud-Paca, c’est que le nombre d’exploitations diminue, tout comme les surfaces cultivées, au détriment des grosses exploitations ». Se pose alors la question de la diversité agricole dans un département porté principalement par la culture du rosé. « L’autosubsistance, on n’y est plus du tout, s’inquiète Max Bauer. Il faut inverser la vapeur pour empêcher le déclin de notre agriculture. » « Si un jour, le département était coupé du reste de la France, on ne pourrait plus se nourrir et on deviendrait tous alcooliques », ironise ainsi Vincent Arcusa, vice-président de l’Adear du Var, une association regroupant paysans en activité et autres porteurs de projets agricoles. « C’est ce manque de diversité qui pénalise les autres producteurs », appuie-t-il. Mais ce qui le préoccupe davantage, c’est que « la moitié de la population agricole a plus de 50 ans. À ce rythme-là, prédit-il, tout va s’arrêter. Alors comment fait-on le lien ? Comment transmettre ? » La transmission. C’est un mot qui revient souvent dans la bouche des agriculteurs, « inquiets » pour le renouvellement des générations. « C’est pour cela qu’on a besoin d’une vraie politique de transmission, insiste Sylvain Apostolo. D’autant qu’on ne s’improvise pas comme ça agriculteur. C’est un métier qui demande beaucoup de savoir et de flexibilité. »
. Changement climatique
C’est un métier qui demande aussi de s’adapter. Notamment face aux changements climatiques. « Certes, les épisodes de sécheresse et de canicule ont toujours existé, tempère Sylvain Audemard. Mais ce qui est compliqué, détaille le vigneron varois, c’est que ces épisodes sont plus marqués qu’avant et qu’ils influent sur tout : les cours d’eau, la biodiversité de manière générale. » Certains agriculteurs auraient « perdu entre 50 et 80 % de leurs récoltes » cette année. Apiculteurs, éleveurs, maraîchers… « Tout le monde le ressent. Ça devient de plus en plus difficile de s’adapter. »
. Baisse des aides
Tous déplorent aussi la baisse des aides apportées aux agriculteurs. Deux tiers des gens qui s’installent aujourd’hui n’y ont pas accès. Un phénomène très marqué dans la région, où « l’on compte beaucoup plus de reconversions qu’avant. Alors que les parcours classiques de ‘‘Dotations Jeunes agriculteurs’’ diminuent. » « Dès qu’on sort du cadre, c’est impossible. Si on a plus de 40 ans et pas fait de formation, on a le droit à rien », résume, amer, Vincent Arcusa. Un autre agriculteur regrette le fait que « les projets comme la permaculture ne correspondent pas aux standards de la chambre d’agriculture qui reste bloquée dans des schémas anciens ». Présidente de l’association AgribioVar, Blandine Arcusa pointe du doigt le « désengagement de la Région ». Elle craint que les associations comme la sienne, qui accompagne les agriculteurs dans la conversion au bio, meurent à petit feu, « si on ne leur accorde pas plus d’aides ». « Car aujourd’hui, constate-t-elle, il faut être de plus en plus motivé et procédurier pour s’installer. » Pour tendre vers un semblant d’autonomie alimentaire, « il faudrait donc une véritable politique d’encadrement des prix avec une régulation du foncier », suggère Sylvain Apostolo.
. Petites structures
« Et si l’on veut que notre métier ait encore du sens et être capable de produire une agriculture de qualité tout en préservant l’environnement, ça passe par le développement des petites ou moyennes entreprises », martèle le producteur de fromage varois. En France et en Europe, de nombreuses villes se lancent par exemple dans le pari de l’autosuffisance, en créant des « ceintures vertes et nourricières » en périphérie. Vice-président de la chambre d’agriculture du Var, Sylvain Audemard reste convaincu que l’avenir de la profession passe notamment par « le développement de la vente directe et des circuits courts. » Les « biocoop » qui fleurissent un peu partout et « les Amap qui marchent bien » sont autant de signes encourageants, selon Blandine Arcusa. « Car aujourd’hui, résume la présidente d’AgribioVar, les gens veulent être conscients de ce qu’ils mangent. »
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Laissez-nous faire notre métier ! ” Max Bauer, président de la Coordination Rurale Sud Paca
On a besoin d’une vraie politique de transmission ” Sylvain Apostolo, co-porteparole de la Confédération Paysanne du Var