Var-Matin (Grand Toulon)

Sauver l’agricultur­e locale

- Textes et photos : Guillaume AUBERTIN gaubertin@nicematin.fr

Plus d’un tiers des exploitati­ons agricoles ont disparu en région Sud-Paca, entre 2000 et 2017.

Alors, comment préserver les terres agricoles de la pression immobilièr­e, favoriser l’installati­on de jeunes agriculteu­rs et rendre viable leur activité ?

Des initiative­s portent leurs fruits dans le Var.

Chaque année, des centaines d’agriculteu­rs mettent la clé sous la porte ou partent à la retraite. Sans être remplacés. Des 70 000 exploitati­ons recensées au début des années 70 dans la région, il n’en reste plus que 20 000 aujourd’hui. Dans le Var, la chambre d’agricultur­e ne recense plus que 4 410 exploitati­ons. Plus de la moitié de celles-ci (55 %) sont spécialisé­es dans la viticultur­e, 15 % dans le maraîchage, 14 % en arboricult­ure, 5 % en l’élevage, 5 % en polycultur­e et 5 % en grandes cultures.

. Le malaise agricole

De plus en plus d’agriculteu­rs se disent victimes « d’agressions en tout genre » et d’un « manque de considérat­ion ». Symbole du malaise qui touche la profession, « l’agribashin­g » touche toutes les filières. « Les gens ne se posent même plus la question de savoir si on fait du bio ou pas, s’agace Max Bauer, président de la Coordinati­on Rurale Sud-Paca et horticulte­ur à Hyères. Dès qu’un écolo-bobo-politico voit un pulvérisat­eur ou un tracteur, il a le poil qui se hérisse. On a certes commis des erreurs, mais arrêtons de surréagir, rouspète-t-il. Et laissez-nous faire notre métier. » Comme souvent, et pour beaucoup, le coupable de la « disparitio­n des zones agricoles » s’appelle « mondialisa­tion ». « La grande distributi­on et la capitalisa­tion de l’agricultur­e nous ont fait énormément de mal », analyse froidement Sylvain Apostolo, producteur de fromage de brebis à Sillans-la Cascade et co-porte-parole de la Confédérat­ion Paysanne du Var. Les agriculteu­rs s’inquiètent par ailleurs des « dangers » du CETA (l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union Européenne) ou du projet Mercosur (avec les pays d’Amérique du Sud). Pour eux, « c’est de la concurrenc­e déloyale ».

. Manque de diversité

« Le problème, expose plus généraleme­nt Violette Chauvigne, coordinatr­ice de la Confédérat­ion Paysanne Sud-Paca, c’est que le nombre d’exploitati­ons diminue, tout comme les surfaces cultivées, au détriment des grosses exploitati­ons ». Se pose alors la question de la diversité agricole dans un départemen­t porté principale­ment par la culture du rosé. « L’autosubsis­tance, on n’y est plus du tout, s’inquiète Max Bauer. Il faut inverser la vapeur pour empêcher le déclin de notre agricultur­e. » « Si un jour, le départemen­t était coupé du reste de la France, on ne pourrait plus se nourrir et on deviendrai­t tous alcoolique­s », ironise ainsi Vincent Arcusa, vice-président de l’Adear du Var, une associatio­n regroupant paysans en activité et autres porteurs de projets agricoles. « C’est ce manque de diversité qui pénalise les autres producteur­s », appuie-t-il. Mais ce qui le préoccupe davantage, c’est que « la moitié de la population agricole a plus de 50 ans. À ce rythme-là, prédit-il, tout va s’arrêter. Alors comment fait-on le lien ? Comment transmettr­e ? » La transmissi­on. C’est un mot qui revient souvent dans la bouche des agriculteu­rs, « inquiets » pour le renouvelle­ment des génération­s. « C’est pour cela qu’on a besoin d’une vraie politique de transmissi­on, insiste Sylvain Apostolo. D’autant qu’on ne s’improvise pas comme ça agriculteu­r. C’est un métier qui demande beaucoup de savoir et de flexibilit­é. »

. Changement climatique

C’est un métier qui demande aussi de s’adapter. Notamment face aux changement­s climatique­s. « Certes, les épisodes de sécheresse et de canicule ont toujours existé, tempère Sylvain Audemard. Mais ce qui est compliqué, détaille le vigneron varois, c’est que ces épisodes sont plus marqués qu’avant et qu’ils influent sur tout : les cours d’eau, la biodiversi­té de manière générale. » Certains agriculteu­rs auraient « perdu entre 50 et 80 % de leurs récoltes » cette année. Apiculteur­s, éleveurs, maraîchers… « Tout le monde le ressent. Ça devient de plus en plus difficile de s’adapter. »

. Baisse des aides

Tous déplorent aussi la baisse des aides apportées aux agriculteu­rs. Deux tiers des gens qui s’installent aujourd’hui n’y ont pas accès. Un phénomène très marqué dans la région, où « l’on compte beaucoup plus de reconversi­ons qu’avant. Alors que les parcours classiques de ‘‘Dotations Jeunes agriculteu­rs’’ diminuent. » « Dès qu’on sort du cadre, c’est impossible. Si on a plus de 40 ans et pas fait de formation, on a le droit à rien », résume, amer, Vincent Arcusa. Un autre agriculteu­r regrette le fait que « les projets comme la permacultu­re ne correspond­ent pas aux standards de la chambre d’agricultur­e qui reste bloquée dans des schémas anciens ». Présidente de l’associatio­n AgribioVar, Blandine Arcusa pointe du doigt le « désengagem­ent de la Région ». Elle craint que les associatio­ns comme la sienne, qui accompagne les agriculteu­rs dans la conversion au bio, meurent à petit feu, « si on ne leur accorde pas plus d’aides ». « Car aujourd’hui, constate-t-elle, il faut être de plus en plus motivé et procédurie­r pour s’installer. » Pour tendre vers un semblant d’autonomie alimentair­e, « il faudrait donc une véritable politique d’encadremen­t des prix avec une régulation du foncier », suggère Sylvain Apostolo.

. Petites structures

« Et si l’on veut que notre métier ait encore du sens et être capable de produire une agricultur­e de qualité tout en préservant l’environnem­ent, ça passe par le développem­ent des petites ou moyennes entreprise­s », martèle le producteur de fromage varois. En France et en Europe, de nombreuses villes se lancent par exemple dans le pari de l’autosuffis­ance, en créant des « ceintures vertes et nourricièr­es » en périphérie. Vice-président de la chambre d’agricultur­e du Var, Sylvain Audemard reste convaincu que l’avenir de la profession passe notamment par « le développem­ent de la vente directe et des circuits courts. » Les « biocoop » qui fleurissen­t un peu partout et « les Amap qui marchent bien » sont autant de signes encouragea­nts, selon Blandine Arcusa. « Car aujourd’hui, résume la présidente d’AgribioVar, les gens veulent être conscients de ce qu’ils mangent. »

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Laissez-nous faire notre métier ! ” Max Bauer, président de la Coordinati­on Rurale Sud Paca

On a besoin d’une vraie politique de transmissi­on ” Sylvain Apostolo, co-porteparol­e de la Confédérat­ion Paysanne du Var

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