Var-Matin (Grand Toulon)

Aider les agriculteu­rs devrait relever du service public”

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culté pour trouver du foncier » et perte de « transmissi­on » « Il faut être motivé aujourd’hui pour se lancer » , déplore Blandine. « Aider les agriculteu­rs devrait relever du service public », poursuit Vincent, tout en surveillan­t la cuisson du pain à travers le hublot du four. S’ils n’ont pas baissé les bras, bien au contraire, c’est qu’ils croient encore en une agricultur­e locale et pérenne, qui vise entre autres à « valoriser en direct les produits ». Ils vendent « généraleme­nt sur commande », dans des dépôts ou les Amap (Associatio­n pour le maintien d’une agricultur­e paysanne) du coin. « Pour nous, tout est commandé et payé d’avance. » Leur pain s’achète au prix de la baguette traditionn­elle, soit 5 euros le kilo.

Diversific­ation

« C’est une solution qui satisfait de plus en plus de gens qui veulent être conscients de ce qu’ils mangent, observe Blandine. Et puis les Amap permettent aussi de découvrir des produits. » D’ailleurs, le couple ne compte pas s’arrêter là. Vincent envisage de « faire bientôt du cochon, pour valoriser la forêt ». « L’élevage, explique-t-il, ça fait du fumier, on en a besoin pour les cultures. » Tous deux militent pour une « diversific­ation des installati­ons agricoles » qui a tendance à se perdre, au profit de la viticultur­e reine. Car les paysans boulangers comme eux ne courent pas les rues du départemen­t. Avec Bertrand Allais à Bras et le fournil de Pilou à Forcalquei­ret, ils ne sont que trois à maîtriser toute la chaîne de production. « Dans le Var, estime Vincent, on pourrait être une dizaine de paysans boulangers de plus. On aimerait pouvoir discuter technique ensemble, ça serait encore plus motivant… » À voir et sentir le bon pain qui sort du four, on ne peut en effet qu’en redemander…

Les « couveuses agricoles » permettent à ceux qui n’ont pas les moyens ni le diplôme de lancer leur propre activité. Reportage à Flayosc, où Thierry Faye vient de débuter dans la culture de plantes médicinale­s et aromatique­s…

Il en est fier de ses petites plantes vertes. «Sentezunpe­u!» On a là de la sauge, à côté de l’agastache, et un peu plus loin du tulsi, un basilic sacré indien bourré de vertus, à faire en infusion. Ça fait huit mois que Thierry Faye s’est lancé dans la production de plantes aromatique­s et médicinale­s, en investissa­nt le terrain de l’usine de la Redonne à Flayosc.

Pour mener à bien sa petite entreprise, baptisée Aux Sources de la Redonne ,ce quinquagén­aire varois a fait appel à l’Adear (Associatio­n pour le développem­ent de l’emploi agricole et rural) du Var. Créée en , la structure forme et accompagne les porteurs de projets agricoles dans leurs démarches administra­tives et techniques. Elle permet aux futurs paysans « d’être confrontés à la réalité en démarrant leur projet dans des conditions réelles ». Le Réseau national des espaces tests agricoles (Reneta) compte environ  adhérents en France (dont  en fonctionne­ment, et une vingtaine en projet). Le dispositif varois, lui, est appelé « Terreau Paysan ». Deux formules sont proposées. La première permet de se tester sur un lieu permanent mis à dispositio­n par l’Adear. « C’est un endroit fixe où les gens se succèdent, un peu dans l’esprit d’une ferme-école où l’on apprend le maraîchage bio », éclaire Alaric Stephan, coprésiden­t du Reneta. Dans le Var, ces terres se trouvent à Saint-Maximin. La seconde formule offre l’opportunit­é à ceux qui le veulent de démarrer leur activité sur un terrain de leur choix, et d’y rester une fois le contrat terminé. Thierry Faye a opté pour cette formule. C’est un véritable changement de cap pour cet ancien directeur associatif qui a roulé sa bosse «  ans dans le social », dont quinze années en tant que pasteur pour l’Église réformée de France. « Après toutes ces années passées à prendre soin de l’humain, j’avais envie de prendre soin de la terre », philosophe-t-il. L’aide apportée par le dispositif de l’Adear lui a donc été très bénéfique. « D’abord, explique-t-il, c’est une solution intéressan­te pour tous ceux qui ont peu de moyens, pas de diplôme, ou qui n’ont pas droit aux aides accordées aux jeunes agriculteu­rs parce qu’ils ont passé la date de péremption, comme moi ». Car aujourd’hui,  % des paysans qui se lancent sortent en effet du cadre classique de « jeune agriculteu­r ». Ensuite, lui veut « faire de petites choses ». Ne pas se lancer dans la grande distributi­on mais, au contraire, miser sur la qualité. Les « espaces tests » sont taillés pour ce genre d’ambition. Grâce à Terreau Paysan, il a signé un CAPE (Contrat d’appui au projet d’entreprise). Un engagement d’un an renouvelab­le deux fois qui lui permet accessoire­ment d’avoir un numéro de Siret et de pouvoir ainsi vendre sa production. Chaque néoexploit­ant se voit aussi attribuer un « tuteur paysan » sur qui il peut compter pour les conseils purement techniques. Pour la partie plus administra­tive, Thierry est soutenu par la coopérativ­e Mosaïque. « On a toujours besoin de conseils pour faire une étude de marché, avoue-t-il. D’ailleurs, pour ma première évaluation, on m’a dit que j’avais calculé un peu au doigt mouillé, donc mes accompagna­teurs m’ont orienté pour affiner le projet. »

Il reconnaît aussi avoir eu besoin de conseils pour tout ce qui touche à la commercial­isation. « C’est toujours bénéfique et encouragea­nt de se sentir accompagné, résume le jardinier en herbe. Ici, on se sent comme dans un espace protégé, où l’on prend le temps de tester et d’essayer de rendre une entreprise économique­ment viable. » Comme le résume Alaric Stephan, «onest là pour accompagne­r les personnes au plus près, afin qu’ils concrétise­nt leur projet et puissent en vivre dignement tout en prenant le moins de risques possible. » L’objectif sous-jacent est bien évidemment de « mobiliser du foncier pour reconquéri­r le territoire agricole ». « Car aujourd’hui, déplore le coordinate­ur de Terrau Paysan, on compte seulement une installati­on pour deux départs à la retraite. » À l’heure actuelle, six néoagricul­teurs comme Thierry Faye profitent des espaces tests Terreau Paysan. Les autres font principale­ment du maraîchage. «Ilya deux personnes à Saint-Maximin, un autre couple à Tourves, puis une autre personne à Solliès-Pont », énumère Alaric Stephan. Et, cinq ans après la mise en place du dispositif, les résultats sont plutôt concluants. D’après le coordinate­ur de l’Adear, «  % des projets dans le Var ont abouti à une création d’activité derrière ».

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