Var-Matin (Grand Toulon)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Décidément, au bal des hypocrites les danseurs continuent de tourner et l’affaire de la circulaire Castaner vient d’en apporter une démonstrat­ion affligeant­e. Résumons-nous et ce n’est pas facile ! Les préfets – de manière discrétion­naire – attribuent aux listes des candidats aux municipale­s une « nuance » politique. Attention, il ne s’agit pas d’une étiquette au sens partisan du terme, ceci relève de la tête de liste qui, au moment du dépôt des candidatur­es peut se revendique­r d’un parti et déclarer sa liste d’une autre sensibilit­é… Cela concerne les communes de plus de   habitants où le scrutin par liste complète est obligatoir­e. Cette affaire de nuance empoisonne la vie politique depuis des années et a suscité d’innombrabl­es contestati­ons. La volonté des maires – y compris dans les grandes villes – de constituer des listes dépassant les clivages politicien­s, l’implosion des familles politiques traditionn­elles avec l’arrivée de La République en marche, le nombre grandissan­t de candidats défendant des causes particuliè­res tels les animaliste­s, tout cela s’est ajouté à la complexité d’un scrutin qui autorise les listes ayant réuni au moins  % des suffrages au premier tour à fusionner avec une liste concurrent­e ayant réalisé au moins  % ! C’est dans cet esprit que l’Associatio­n des maires de France, présidée par le LR François Baroin, avait demandé que l’attributio­n de « nuances » ne concerne que les communes de plus de   habitants, soit , % des communes et , % de la population, seuil à partir duquel les règles du financemen­t électoral s’appliquent. Le gouverneme­nt avait sauté sur l’occasion de pouvoir ainsi gommer d’éventuels piètres résultats du camp macronien, bien trop novice pour réaliser de bons scores dans une compétitio­n où l’implantati­on, les réseaux associatif­s et le clientélis­me sont des atouts majeurs. Tel est pris qui croyait prendre, l’AMF change de pied, hurle à la manipulati­on, toute l’opposition embraye

et saisit le Conseil d’Etat qui retoque le projet de circulaire et humilie Christophe Castaner, relégué une fois de plus dans le rôle du looser, moitié escroc, moitié benêt. Marine Le Pen l’accuse même de

« rayer de la carte les électeurs de

 % des communes » ! Recul du Castaner qui réécrit sa copie : les listes de communes de plus de   habitants se verront donc peinturlur­ées d’une des  nuances, pas moins, qui plus est réparties en  blocs. Oui, messieurs-dames, voilà sur quoi toute la classe politique s’étripe alors que le monde danse sur un volcan. Pathétique.

Mardi

Restons dans le lamentable. L’extension du congé de deuil parental a donné lieu à ce qu’il y a de plus moche dans la vie politique, l’instrument­alisation du chagrin et les attaques personnell­es. Que la ministre du Travail ait manqué du plus élémentair­e sens politique en refusant une telle dispositio­n c’est une évidence, mais lui attribuer un coeur de pierre, c’est une injustice. Que les opposition­s se soient donné les attributs exclusifs de la bonté humaine, c’est une vision manichéenn­e indécente, mais que la majorité ait oublié que sur de tels sujets, la discipline de vote n’est pas de mise, c’est une stupidité navrante. Face à la perte d’un enfant, chacun réagit différemme­nt, mais les médecins et les psychologu­es concernés m’ont tous dit qu’ils conseiller­aient aux parents ainsi dévastés de trouver non pas une consolatio­n impossible mais un peu de répit dans le retour à leurs occupation­s habituelle­s, profession­nelles notamment. Avec l’extension du congé de deuil parental, la société exprime collective­ment des condoléanc­es bienvenues mais je sais une chose, c’est qu’il n’apportera aucun apaisement pour alléger un fardeau par trop insupporta­ble.

Vendredi

La championne de patinage Sarah Abitbol révèle les viols perpétrés par son entraîneur Gilles Beyer alors qu’elle était mineure. Mis en cause, le président de la Fédération des sports de glace a tenu, hier, une conférence de presse ahurissant­e accusant la ministre des Sports, Roxana Maracinean­u, d’électorali­sme et d’attitude moralisatr­ice au lieu de se poser les bonnes questions sur les mécanismes qui couvrent de tels crimes. Au passage, petit rappel : oui, un viol est un crime et non pas « une attitude inappropri­ée » et ne pas le dénoncer est également un crime. Des gymnastes, des footballeu­rs, des rugbymen, des joueurs de tennis, une championne d’équitation, une lanceuse de poids, la liste est longue de ceux et de celles qui ont dénoncé le climat d’abus sexuels qui règne trop souvent dans le sport. Certes ce secteur est sans doute plus que d’autres un terrain propice aux activités odieuses de ces prédateurs. Mais la découverte de crimes similaires a secoué ces dernières années des institutio­ns diverses, l’Eglise catholique, l’Education nationale, le cinéma, l’édition, des associatio­ns humanitair­es comme Oxfam, un syndicat étudiant l’Unef, le Mouvement des jeunes socialiste­s et la liste n’est pas exhaustive. Les mêmes mécanismes sont toujours à l‘oeuvre : des institutio­ns qui s’estiment détentrice­s du beau et du bien, des enjeux de pouvoir et d’argent qui font des responsabl­es les complices actifs ou passifs des abus quand ils ne les commettent pas eux-mêmes, des familles aveuglées par la manipulati­on et la vanité, des victimes fragilisée­s par l’isolement, l’emprise et la honte. Quand les atteintes à ce que nous avons de plus précieux, nos enfants, revêtent un caractère aussi puissammen­t systémique, nous sommes tous comptables du moindre manquement et de la plus petite lâcheté.

Samedi

Crash des démocrates au caucus de l’Iowa, épidémie par coronaviru­s qui gagne du terrain et mort du médecin chinois lanceur d’alerte, violences au Moyen-Orient, montée de l’islamisme radical au coeur de notre société, menaces de récession économique… Je pensais au titre de la pièce de François Billetdoux : Comment va le monde, Môssieu ? Il tourne, Môssieu… Il tourne effectivem­ent mais vraiment pas dans le bon sens.

« Avec l’extension du congé de deuil parental, la société exprime collective­ment des condoléanc­es bienvenues. »

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