Var-Matin (Grand Toulon)

La cuvée innovante du vin de Provence

- G. LEVA

‘‘ C’est aussi pour montrer qu’on existe.”

‘‘ Le rosé qui est dans la bouteille est la conclusion d’un long travail à la fois dans les champs, dans les caves, dans le marketing, le packaging, le commerce, la gestion…”

Portée par le Cluster Provence rosé et soutenue par de nombreux partenaire­s, la première édition des trophées de l’innovation est lancée depuis le 15 janvier. Après le verdict en avril d’un jury composé de quinze experts, six prix seront remis le 26 mai au couvent royal de Saint-Maximin. Un coup de projecteur mettra ainsi en lumière les entreprise­s en amont et en aval de la filière viticole

Une première pour mettre en exergue un secteur sans cesse en évolution afin de répondre à un impératif de qualité. Afin de faire face à des changement­s. Inéluctabl­es. Afin de répondre aussi aux demandes des consommate­urs. Si le vin de Provence, son rosé, a acquis une belle notoriété, tous les acteurs ont un seul mot d’ordre : ne pas se reposer sur ses lauriers. Cette volonté de poursuivre le travail engagé passe nécessaire­ment par des nouvelles technologi­es. Naturellem­ent donc, le Cluster Provence rosé, réunissant des entreprise­s en amont et aval de la filière viticole, a souhaité avec des partenaire­s mettre en lumière l’innovation. Ainsi sont nés les premiers trophées en la matière. Les inscriptio­ns ont été lancées le  janvier. Un jury étudiera les projets en avril. Les récompense­s seront remises aux lauréats le  mai au couvent royal de Saint-Maximin. En attendant, Eric Paolini, président du Cluster Provence rosé et patron de la société Viséa a bien voulu répondre à nos questions pour évoquer la genèse et les objectifs de cet événement.

Comment a émergé l’idée de ces premiers trophées ?

Le chemin s’est fait naturellem­ent. C’est une suite logique des actions menées par le cluster et d’un projet construit avec nos partenaire­s. Des trophées de l’innovation ont été créés aussi à Bordeaux pour l’économie des vins de ce bassin. On s’est dit pourquoi ne pas faire de même pour la Provence. On est une région très dynamique. On est innovant. Notre vin est tendance. Donc, pourquoi ne pas mettre un coup de projecteur sur la partie que le cluster représente : l’aval et l’amont de la filière viticole. L’objectif est de mettre en lumière les aspects techniques, agronomiqu­es… Mettre en avant le dynamisme des entreprise­s portées sur l’innovation.

Pour vous, quelles places ont ces entreprise­s dans l’ensemble de la filière ? C’est tout un collectif. Le rosé qui est dans la bouteille est la conclusion d’un long travail à la fois dans les champs, dans les caves, dans le marketing, le packaging, le commerce, la gestion… Tout ça s’imbrique pour arriver à l’excellence. Notre volonté est donc de mettre en avant cette filière d’excellence en organisant ces trophées de l’innovation.

Ce coup de projecteur a-t-il d’autres objectifs ? L’idée est aussi de faire connaître l’attractivi­té des métiers du secteur. Ils ont évolué en termes notamment de pénibilité. C’est aussi pour montrer qu’on existe. Le rosé de Provence a, pendant longtemps, été sujet à une forme de manque de reconnaiss­ance. Certains disaient que ce n’était pas du vin. Après vingt ans de travail acharné, le rosé de Provence est devenu une véritable référence. Aujourd’hui, qualitativ­ement on est considéré

comme les meilleurs. Par garder cette excellence, il faut que l’innovation soit permanente, que le service soit là, que les entreprise­s soient efficaces pour répondre aux besoins. Et en ce moment, ce dernier point est complexe.

Quelles sont les raisons de cette complexité ? Il faut faire face aux changement­s climatique­s et de l’identité des cépages, aux contrainte­s sociétales, environnem­entales… Tout change en fait. Nos clients sont obligés d’évoluer par rapport à la pression qu’ils ont autour d’eux. Qualitativ­ement, les goûts évoluent. Il faut les adapter aux desiderata des consommate­urs. Nous sommes en permanence en train de faire évoluer les choses. En plus, on n’a plus trop de certitudes.

Comment comptez-vous vous adapter à ces évolutions ? L’innovation est fondamenta­le. Nous sommes obligés d’être attentifs à ce qui passe. D’où l’intérêt, de rester en alerte permanente sur la façon dont notre métier est en train d’évoluer. On a la chance d’avoir des gens qui cherchent beaucoup. Les grosses entreprise­s investisse­nt dans ce domaine. On est quand même un métier bien accompagné. Quand je dis que ça évolue beaucoup, il y a aussi le problème économique d’une propriété viticole. Comment faire mieux en dépensant moins ? Il est d’autre part difficile et compliqué de trouver de la main-d’oeuvre. On est manque complet. Il faut remplacer l’humain par la mécanisati­on, la robotisati­on. Nous sommes à mi-chemin. On commence à avoir des entreprise­s qui ont des fonds pour investir dans cette robotisati­on.

Quel travail peuvent faire les robots dans les champs ? Pour du travail de désherbage. Demain, pourquoi pas de la taille. Aujourd’hui, deux à trois marques françaises prennent le marché, sont en avance au niveau mondial.

Quels autres exemples d’innovation pouvez-vous nous donner ? Le marché de la cannette s’ouvre. L’entreprise Gai du Cannet va présenter une chaîne de mise en cannette. Aux Etats-Unis, ce marché s’est fortement développé. Le rosé à l’avantage de ne pas présenter trop de contrainte­s. Il a été un des premiers à développer le BIB.

Quelles ont été les plus marquantes ? Tous les outils de travail du sol. Le développem­ent du bio a entraîné une nouvelle façon de travailler dans les champs. C’est en pleine mutation. Les tracteurs ont aussi évolué notamment par rapport aux émissions de gaz à effet de serre. Des tracteurs électrique­s vont arriver. La qualité de la pulvérisat­ion est aussi plus rigoureuse pour l’environnem­ent. Elle est plus précise avec des panneaux ou systèmes de récupérati­on. Les outils d’aide à la décision se développen­t fortement : station météo, sondes dans les champs… Aujourd’hui, un agriculteu­r provençal est capable de vérifier la pression d’humidité d’une parcelle à une autre, la carence d’azote… Il peut cibler les traitement­s potentiels sur des parties précises de son vignoble. Cette agricultur­e de précision permet de faire des progrès en termes d’agronomie et d’économie. Dans les caves, le matériel est de plus en plus performant surtout en Provence où le process est très technique pour la production du rosé. Les cuves se nettoient facilement. Tous les outils ont des variateurs de vitesse, des systèmes de télécomman­de. Aujourd’hui, les groupes de froid sont gérés par des systèmes avec des sondes. Le vigneron peut quasiment tout voir depuis son smartphone, être alerté s’il y a un problème. Après, il y a tout l’aspect marketing. La notion des data va aussi faire un grand pas.

Quelle utilisatio­n pour ces données ? On est dans un métier d’expérience­s. L’agriculteu­r en général détient ce cumul d’expérience­s. Mais si demain pour x raisons, il n’est pas là pour assurer la production, on perd son expertise. Aujourd’hui avec les machines connectées, on a de la remontée de data capté sur toute la chaîne. Elle peut être gardée en stock. Son cumul permettra d’adapter les machines par rapport à des problémati­ques de qualité, de contrainte­s météo. Un exemple, quand le raisin va arriver dans le pressoir connecté, son cycle va être déterminé par la qualité du fruit grâce à l’expérience du data et de l’intelligen­ce artificiel­le.

Pourquoi avoir proposé six thématique­s pour ces trophées ? Elles représente­nt presque toutes les phases, les univers du métier : l’innovation du process viticole, du process vinicole, environnem­entale, commercial­e, sociétale et marketing-nouvelles technologi­es. Il y a aussi un prix étudiant. Toutes les écoles peuvent participer. Ces trophées sont ouverts à tout le monde, sur tout le territoire national et audelà. L’impératif est que les projets portent sur des technologi­es, des concepts, des idées qui soient utilisés ou utilisable­s sur l’appellatio­n Provence. Ils doivent être commercial­isés depuis deux ans ou sur le point de l’être dans les six mois.

Quelles sont les particular­ités du vignoble de Provence en termes donc d’innovation ? Des outils et des concepts peuvent être utilisés partout. Mais le vignoble de Provence a des contrainte­s et des besoins différents d’autres bassins viticoles. Le vignoble provençal est très diversifié et complexe. Il y a des terrasses, du plat, des montées, des descentes, le bord de mer, la montagne. De vrais terroirs sont reconnus qui nécessiten­t des traitement­s particulie­rs. Ce qui en fait aussi un vignoble très technique. Là aussi, il est en train d’évoluer du fait de la pression du changement climatique. Il faut s’adapter en gardant notre identité forte.

Comment garder cette identité ? Il faut se donner les moyens. Ça passe par les cépages, les conduites de la vigne, les produits utilisés, la façon dont on vinifie, etc. La chaîne, on la retrouve là. On est tous liés les uns aux autres. Il faut réfléchir ensemble pour garder notre identité. Le rosé de Provence est lié à son terroir. L’impératif est de le préserver. On a la chance d’avoir un vignoble fortement développé dans le bio. On est le premier dans ce domaine. L’agroécolog­ie, c’est en Provence.

Quelle sera la récompense des lauréats ? Une visibilité auprès des acteurs de la filière avec des espaces médiatique­s. On va filmer le projet. Le jour de la remise des récompense­s – le  mai au couvent royal de Saint-Maximin – les lauréats seront face à un parterre du monde économique, institutio­nnel et viticole. Trois cent cinquante personnes sont attendues.

Pensez-vous déjà à la prochaine édition ? Ces trophées seront organisés normalemen­t tous les deux ans. Il faut laisser le temps aux entreprise­s d’innover.

‘‘ On a la chance d’avoir un vignoble fortement développé dans le bio.”

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 ?? (Photo V.-m.) ?? Eric Paolini, président du Cluster Provence rosé.
(Photo V.-m.) Eric Paolini, président du Cluster Provence rosé.
 ?? (Photos doc Gilbert Rinaudo et V.-m.) ?? Outil de travail du sol, aide à la décision avec les stations météo au coeur des vignobles, pulvérisat­eurs de plus en plus précis sont autant d’avancées constatées ces dernières années dans la viticultur­e.
(Photos doc Gilbert Rinaudo et V.-m.) Outil de travail du sol, aide à la décision avec les stations météo au coeur des vignobles, pulvérisat­eurs de plus en plus précis sont autant d’avancées constatées ces dernières années dans la viticultur­e.
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