Var-Matin (Grand Toulon)

Et si on optait pour la démocratie participat­ive

C’est la propositio­n choisie cette semaine pour notre décryptage. Elle a été publiée par Gérard, du Thoronet, et a récolté trois votes sur notre plateforme

- 1LEANDRA IACONO La petite République de Saillans, une expérience de démocratie participat­ive, aux Éditions du Rouergue.

«Je prendrais exemple sur des communes qui mettent en place des pratiques de démocratie participat­ive comme à Saillans (Drôme). » C’est la propositio­n choisie cette semaine. Saillans, c’est 1 240 habitants dans un village niché au coeur de la vallée de la Drôme. On y trouve des ruelles étroites, quelques commerces et une école. Jusque-là rien d’original. Si ce n’est que la bourgade, située à une heure de Valence, est considérée comme la pionnière de la démocratie participat­ive en France. L’initiative est née fin 2010. Une majorité d’habitants se mobilise pour s’opposer au projet de supermarch­é défendu par l’ancien maire. L’idée est abandonnée quelques mois plus tard. Fort de cette victoire, un petit groupe de riverains décide de présenter une liste à l’élection municipale de 2014. Les réunions et les tables rondes se succèdent pour mettre au point la bonne méthode, celle qui mettrait les habitants au coeur des décisions politiques.

Élections : des centaines de listes participat­ives

La liste citoyenne est finalement plébiscité­e. Puisque la loi exige d’élire un maire, c’est Vincent Beillard qui occupe officielle­ment le poste. En réalité, la gestion communale est collégiale et horizontal­e. Elle s’articule autour de comités de pilotage publics, de « commission­s citoyennes » sur les grands thèmes de la vie de la commune et de « groupes action projet » sur des sujets plus précis. Le tout dans le respect de « la charte des valeurs » (collégiali­té, participat­ion, transparen­ce). La crise des Gilets jaunes, entre autres, a mis en lumière le désir des Français d’être plus entendus. Comme à Saillans, les initiative­s participat­ives fleurissen­t petit à petit sur le territoire. À Kingershei­m, dans le Haut-Rhin, des conseils composés d’élus, d’experts et d’habitants volontaire­s ou tirés au sort débattent et coconstrui­sent les projets mis à l’agenda par la Ville ou proposés par les citoyens. Dans le Var, Le Pradet a été une des premières communes de France à demander à ses administré­s de décider par un vote ce à quoi sera consacrée une partie de son budget. À Correns, les citoyens qui le souhaitent sont sondés sur les grandes questions de la commune, de l’élaboratio­n du plan local d’urbanisme aux actions de développem­ent durable, si chères aux gens du coin. En France, boostées par l’exemple saillanson, plusieurs centaines de listes participat­ives vont se présenter aux prochaines élections. Les Alpes-Maritimes et le Var ne font pas exception. Des listes citoyennes tentent de se faire une place à Toulon, Six-Fours ou Menton, mais aussi à Vence (Alpes-Maritimes), où certains se sont directemen­t formés auprès des habitants de Saillans en proposant une liste « sans programme ni candidat » qui doit s’affiner au gré de la participat­ion collective. À

Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), le collectif « Participe présent » veut raviver le débat politique. « Il est inefficace et dépassé que la politique communale soit incarnée par un seul nom et une seule personne. »

Au coeur du débat public

Les candidats des partis dits traditionn­els se sont aussi emparés du concept. Ils le brandissen­t comme un argument majeur de leur campagne, conscients de son pouvoir de séduction. Jusqu’à le dévoyer ? « C’est un risque » avertit la journalist­e Maud Dugrand. Pour autant, elle estime « que les citoyens ne sont plus dupes, ils ne laisseront pas les élus les utiliser ou ne leur laisser que des miettes ». La journalist­e sait de quoi elle parle.

Elle a suivi pendant six ans «larenaissa­nce démocratiq­ue » du village de Saillans et lui a consacré un livre paru le 5 février (1). Étendre cette expérience à grande échelle est-elle possible ? « Les citoyens ont aujourd’hui un niveau d’éducation qui peut leur permettre de s’emparer de la démocratie », assure-t-elle. Si elle n’exclut pas « des dérives » -« le côté apolitique peut parfois être questionné » ,MaudDugran­d se satisfait de voir les choses bouger. Ardemment prônée par certains, la démocratie participat­ive serait idéalisée selon d’autres. D’abord parce qu’elle reste trop marginale et ne porte encore parfois que sur des questions relativeme­nt secondaire­s et aux enjeux parfois dérisoires. Ensuite, parce « qu’elle n’est possible que si l’on s’interroge sur l’espace que la société française laisse à la citoyennet­é », affirme la journalist­e. À Saillans, seuls quatre élus de l’actuelle majorité se représente­ront en mars après avoir vécu six années particuliè­rement fatigantes et chronophag­es. « Pour beaucoup, la vie de famille en a pris un coup », atteste l’observatri­ce. La mobilisati­on des citoyens s’était au fil du temps affaiblie et impliquer toutes les catégories sociales, notamment celles qui souffrent d’un accès inégal à la parole, reste un défi. « Il faut encore travailler », admet Maud Dugrand. Les clés de la réussite ? « Des moyens évidemment, mais aussi de la volonté et de la créativité. »

Les citoyens ne sont plus dupes, ils ne laisseront pas les élus les utiliser”

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(Photo Frantz Bouton) Les listes citoyennes peuvent-elles renverser les partis traditionn­els ?
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