Var-Matin (Grand Toulon)

La terre a tremblé

Incroyable : Teddy Riner n’est pas invincible. Il l’était depuis plus de 9 ans. Hier, celui qui restait sur 154 victoires de rang est tombé face au Japonais Kageura au tournoi de Paris

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Coup de tonnerre sur le judo mondial à moins de six mois des JO-2020 : Teddy Riner, qui brigue un troisième sacre olympique historique à Tokyo, a été battu pour la première fois depuis plus de neuf ans, dès le troisième tour du prestigieu­x tournoi de Paris. C’est le N.2 japonais Kokoro Kageura, par ippon en prolongati­on, qui a mis un terme à la vertigineu­se série de 154 combats remportés consécutiv­ement par le double champion olympique en titre des poids lourds et décuple champion du monde (huit fois en +100 kg, deux fois en toutes catégories). Et à neuf ans et demi de domination sans partage sur la catégorie reine. Riner (30 ans) ne s’était plus incliné depuis le 13 septembre 2010. C’est un autre Japonais, Daiki Kamikawa, qui était jusque-là le dernier combattant à l’avoir fait plier, en finale des Mondiaux toutes catégories à Tokyo, sur décision des arbitres après prolongati­on. Cette défaite, qui plus est face à un adversaire nippon et par ippon, interpelle forcément à six mois à peine de son défi olympique historique au pays du judo. Seul le Japonais Tadahiro Nomura, en poids légers, a pour l’instant réalisé l’exploit de devenir triple champion olympique (1996, 2000 et 2004).

« Je suis déchargé d’une pression »

« Quand je l’ai vu tomber, ça m’a fait très bizarre, reconnaît son entraîneur à l’Insep Franck Chambily. J’étais choqué, comme si j’avais pris un uppercut.» Riner, lui, ne s’est pas départi de sa bonne humeur et a adopté la « positive attitude » devant les journalist­es. « Si ça m’arrive aux Jeux, là, je serai vexé. Il vaut mieux que ça m’arrive maintenant. On a encore le temps, il reste encore cinq mois de préparatio­n », dédramatis­et-il. « Et j’ai envie de vous dire encore autre chose : je suis déchargé d’une pression, parce que compter les combats pour aller chercher (le record) de Yamashita (203 victoires consécutiv­es), c’est ‘’relou’’.»

Se pose désormais la question de savoir si ce coup d’arrêt se cantonnera à un accident de parcours, ou s’il s’avérera plus sérieux. Ni Riner ni Chambily, qui envisagent deux à trois autres sorties avant la grand-messe tokyoïte, ne se veulent alarmistes pour l’heure. « J’ai envie de dire que c’est Teddy qui perd, pas le Japonais qui gagne », résume l’entraîneur à propos de la contre-attaque payante de Kageura. « C’est vrai que le début de journée était poussif. Il manque un peu de vélocité, de vivacité sur les jambes, il est un peu planté dans le tapis. Mais je pense qu’il aurait pris son envol, il s’est fait piéger, c’est tout», complète-t-il. « Il faut comprendre pourquoi c’est arrivé, ce qu’il a manqué, pourquoi ce n’est pas passé, se projette déjà Riner, en répétant sa déterminat­ion à repartir au boulot de plus belle».

« Revanchard »

Dès son entrée en lice sur les tapis de Bercy hier matin, le double champion olympique est apparu statique et peu entreprena­nt. Il est malgré tout venu à bout du modeste Hongrois Richard Sipocz, après plus de deux minutes de golden score, la prolongati­on après les quatre minutes de combat réglementa­ire, aux pénalités (3-2). Puis il a fait chuter l’Autrichien Stephan Hegyi (ippon). Mais, même devenu plus mobile et plus agressif, il a buté sur son premier adversaire de la journée d’un calibre supérieur. Il faut dire que Riner, « encore un peu lourd » sur la balance selon Chambily, s’est fait très (trop ?) rare sur les tatamis depuis son deuxième sacre olympique à Rio en 2016. Il a fait son grand retour victorieux - après vingt mois sans compétitio­n l’été dernier, au Grand Prix de Montréal début juillet. Puis il s’est imposé trois mois plus tard au Grand Slam de Brasilia début octobre. Mais la suite de son automne a été perturbée par une côté cassée à l’entraîneme­nt. Une blessure qui l’a privé de judo un mois et l’a contraint à renoncer à deux compétitio­ns prévues les semaines suivantes.

Ce revers ne le fait en tout cas pas dévier de son ambition ultime. « L’objectif, je l’ai toujours dit, c’est d’aller chercher la médaille d’or à Tokyo et de rentrer un peu plus dans l’histoire de mon sport », répète Riner, déjà le judoka le plus couronné de l’histoire au niveau mondial, hommes et femmes confondus. «C’est peut-être un mal pour un bien, estime Chambily. Teddy, je le connais bien, il est revanchard.»

Trois succès bleus

“Kageura, la prochaine fois que je le prends à l’entraîneme­nt ou en compétitio­n, je vais l’exécuter. (rires) ’’

Si Riner a manqué ses retrouvail­les avec le public parisien après sept ans d’absence, Romane Dicko (+78 kg) et Madeleine Malonga, championne du monde en titre en -78 kg, ont elles été couronnées reines de Bercy, comme Clarisse Agbegnenou (-63 kg) la veille.

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(Photos AFP)
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