L’entretien des sous-marins nucléaires d’attaque à l’arrêt
Alors qu’à Toulon, Naval Group souhaite que les chantiers reprennent au plus vite, des voix syndicales s’élèvent contre une décision jugée à l’encontre des actuelles règles sanitaires
Depuis l’instauration du confinement, les sous-mariniers, rebaptisés « Rois du confinement » par un grand journal national, ont été très sollicités par les médias afin de prodiguer leurs conseils pour mieux supporter l’enfermement. Si la démarche a pu en amuser certains, les personnels du site toulonnais de Naval Group ne sont pas de ceux-là. Notamment ceux appelés à travailler sur les sousmarins nucléaires d’attaque (SNA). Depuis une semaine déjà, l’arrêt technique majeur, ou grand carénage, du Perle est suspendu. Quant à l’indisponibilité pour entretien (IE) du Rubis, moins ambitieuse, elle n’a pas encore commencé. C’est qu’en ces temps d’épidémie, il n’est pas facile de respecter rigoureusement les gestes barrières dans ce qu’il est convenu d’appeler les plus petits sous-marins nucléaires du monde !
« Comme si vous invitiez personnes dans votre salon »
« Comme espace confiné, on ne fait pas mieux. Travailler à bord d’un SNA, c’est un peu comme si vous invitiez une soixantaine de personnes dans votre salon. Il est impossible de respecter le mètre minimum entre deux personnes. Si un gars est malade, toute l’équipe tombe malade », explique un salarié de Naval Group. Des arguments qui visiblement ont de plus en plus de mal à être entendus par la direction de l’industriel. Sous la supposée pression de la Marine nationale, qui menacerait d’infliger des pénalités de retard, la direction du site toulonnais de Naval Group pousserait pour que les chantiers sur les deux sous-marins, et plus largement sur d’autres bâtiments de surface (frégate furtive Surcouf, frégate multimissions Auvergne, chasseur de mines Lyre...) reprennent au plus vite.
Multiplication des réunions
Une situation que la CGT dénonce dans un communiqué. Le délégué syndical Richard Romeo-Giberti comprend d’autant moins cette volonté de reprendre les travaux sur les SNA qu’il n’y a aucune espèce d’urgence. Et de confier que « trois SNA sont actuellement disponibles ». Pour le représentant de la CGT, hors de question en tout cas de travailler sur les sousmarins tant que l’épidémie court. Pour défendre cette position, outre la difficulté à respecter les normes de distanciation sociale, Richard Romeo-Giberti affirme qu’il est « impossible de désinfecter un sous-marin et que le gel hydroalcoolique est, comme tout liquide, proscrit dans la chaufferie nucléaire ». Si les réunions se multiplient depuis quelques jours, la sortie de crise n’est pas pour tout de suite. Pour montrer sa détermination, le délégué syndical assure que « dans la mesure où mon employeur ne peut pas m’assurer qu’il ne me met pas en contact avec une personne atteinte du coronavirus, je n’hésiterai pas à déposer plainte pour mise en danger d’autrui ». Sollicitée sur les points soulevés par les syndicats, la direction a communiqué des éléments de langage parmi lesquels il est dit : « Naval Group a pris les mesures requises pour assurer la santé et la sécurité de ses collaborateurs et répondre aux besoins de ses clients, qui, plus que jamais, ont besoin de notre soutien pour assurer leurs missions au service de la défense (...) Toutes les activités qui ne permettraient pas de respecter les gestes barrières sont suspendues jusqu’à ce que les moyens aient été trouvés pour y remédier (...) Un dialogue permanent avec les partenaires sociaux permet de fixer le cadre évolutif du plan de continuité d’activité dans le strict respect des gestes barrières ».
Pour la Marine, « la sécurité des travailleurs reste la priorité »
La Marine nationale, quant à elle, affirme que « la sécurité des travailleurs reste la priorité », mais que « la continuité opérationnelle ne doit pas pour autant être interrompue
». La porte-parole de la Marine à Toulon précise : « Dans cette crise sanitaire inédite à laquelle nous sommes tous confrontés, il faut donc trouver le moyen de concilier les deux : assurer les travaux de maintien en condition opérationnelle des bâtiments, tout en garantissant la sécurité des travailleurs. On y réfléchit en permanence avec l’ensemble de nos partenaires. »