Sur les traces, tumultueuses, de Jacques Angelvin
Son petit-fils à la tête du domaine viticole familial, Maison Angelvin, rebrousse chemin sur les pas de ce grand-père aux multiples facettes, impliqué en 62 dans la French Connection
En lisant sa bio, vous vous diriez qu’elle serait digne d’un scénario de film. Déjà-vu : sa tumultueuse aventure américaine, soldée par une arrestation pour trafic de drogue en 1962, a inspiré les grands réalisateurs de son époque, Claude Zidi avec Le Corniaud , et French Connection de William Fridkin. Aujourd’hui, un criminologue en tandem avec le petitfils de Jacques Angelvin, Logan Wallace, s’attaque à un docu-polar sur les traces de l’homme derrière ce masque public, devenu mule de Black horse (héroïne).
■ L’ancrage tropézien
Le domaine construit par l’arrière grand-père entre La Moutte et les Salins a été, au fil du temps, démembré, pour aujourd’hui se raccrocher fermement aux pentes de la Pierre Plantée. Dans l’histoire familiale, le parcours de Jacques Angelvin a été enseveli sous les quelques hectares de vignes de la Pierre Plantée, surplombant ce territoire de la presqu’île de SaintTropez où foisonnent les ceps de vigne. Depuis qu’il a repris la destinée du vignoble en 2014, Logan n’avait jamais mis en avant ce lien de filiation dans le marketing de millésimes. Un patronyme simplement évoqué dans le nom du domaine viticole. Jusqu’à récemment... (lire plus loin).
■ Jacques Angelvin, double face
Le 18 janvier 1962, la vie baroque de Jacques Angelvin, se craquelle. Les promesses de carte postale de NY, aperçue depuis le transatlantique se décolorent à la vue des « Policemen » américains qui l’interpellent. À bord de sa Buick Invicta, les fins limiers découvrent 50 kg d’héroïne dissimulée.
Au bas mot, une valeur de 50 M d’euros. L’animateur déchu plaide coupable mais clame son innocence, prison américaine et libération le 30 juin 1967 avant un retour à l’anonymat de l’autre côté du Golfe, à Grimaud. Avant cet épisode rocambolesque, dans la France d’après-guerre, Jacques Angelvin est une étoile cathodique, lucarne balbutiante mais nouvel aimant pour les ménages français. Présentateur vedette entre 49 et 62 de Télé-Paris, Boum sur Paris (devenue Paris Club en 59) où il reçoit tous les artistes en vogue. Côté face, il rayonne dans le Tout-Paris. Noceur attiré par les lumières des nuits parisiennes. Une photo le croque dans un jeu grivois sur les scènes de cabaret où se pressent les noctambules parisiens : par un tour de passe-passe, il gonfle les balconnets de charmantes dames dans de jolies proportions.
Charmeur, des nuits aussi longues que les jours. Jusqu’où l’ont conduit ses fréquentations nyctalopes ?
■ L’étiquette à la Buick
« Au-delà de ce parcours hors norme de mon grand-père, nous, on continue à produire du rosé », clarifie Logan, « avec des hauts et des bas ». « On ne parade pas sur l’affaire », image le jeune viticulteur. Ce qui n’empêche son entourage de s’intéresser à ce passé propice à l’imaginaire. Comme John, de l’hôtel Pastis : « il adore notre vin et l’histoire qui en découle. Il voulait s’amuser avec ces ingrédients et a créé une étiquette spéciale, très arty ». Ainsi, sur une cuvée très limitée, a été collée une étiquette sérigraphiée avec la Buick utilisée lors de la traversée américaine.
■ Dans les rues de Marseille
Mais ce passé a rebondi de manière étonnante dans la cité phocéenne, lors d’une immersion dans le Marseille Gangster Tour qui narre l’histoire des grands bandits : attraction pittoresque qui ne pouvait naître qu’ici, l’épicentre de la French Connection. Au détour de cette balade au coeur du milieu, Logan découvre le fantôme de son grand-père en discutant avec un truand à l’ancienne qui lui parle de ce grandpère inconnu. De fil en aiguille, des brèches dans l’histoire de Jacques Angelvin se remplissent...
■ Docu-polar en préparation
Démêler le vrai du faux de la vie de Jacques Angelvin comme dans un polar. C’est le fruit d’une rencontre, marseillaise encore, entre Logan Wallace et Thierry Colombié. Ce criminologue est une encyclopédie du crime organisé qu’il dissèque dans une série d’ouvrages très documentés. De son itinéraire télévisuel et ses apparitions au cinéma, – « j’ai découvert qu’il était un grand ami de Claude Chabrol » –, le docu s’arrêtera longuement sur cette époque marseillaise, puis cet exil enfermé aux ÉtatsUnis. La parenthèse tropézienne aura aussi tout son sens. « Tout témoignage tropézien serait utile » pour étoffer cette reconstitution, des anecdotes sur Jacques Angelvin. « Je sais qu’il jouait beaucoup à la pétanque place des Lices », a retracé son petit-fils par des bribes d’infos locales. L’heure est au rassemblement de toutes les pièces de ce puzzle pour affiner le scénario de ce documentaire qui devrait intéresser les producteurs, à l’heure où l’histoire de la French Connection, revient à la mode dans les studios américains...