Var-Matin (Grand Toulon)

Des « héros du quotidien » attaquent l’État en justice

Une dizaine de soignants et policiers saisissent la justice pour dénoncer les carences « délibérées » des autorités dans la préparatio­n et la gestion de la crise

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

Pénurie d’équipement­s de protection, variations dans les discours sur l’utilité des masques, maintien du premier tour des élections municipale­s alors que dans le même temps les écoles, les cafés et restaurant­s étaient fermés… Les autorités sanitaires devront-elles rendre des comptes sur leur gestion de la crise une fois l’orage passé ? Une plainte pour « mise

(1) en danger délibérée de la vie d’autrui » et « abstention volontaire de prendre ou de provoquer des mesures permettant de combattre un sinistre » a été adressée au procureur de la République de Paris par une dizaine de soignants et de policiers du Var et des Bouches-duRhône. Portée par un cabinet d’avocats inscrits au barreau de Toulon, la démarche vise également à faire reconnaîtr­e le « préjudice d’anxiété » de ces profession­nels exposés sans protection adéquate au risque de contaminat­ion par le Covid-19. Pour ce volet, c’est le tribunal administra­tif de Toulon qui sera saisi à l’issue le confinemen­t.

On a sacrifié la santé publique

Infirmiers, sages-femmes (lire ci-dessous), kinés et fonctionna­ires de police. « Nos clients ne comprennen­t pas le dénuement dans lequel on les laisse en matière de protection », justifie Me Laurent

Gavarri (CFG Avocats). Selon l’avocat toulonnais, les autorités sanitaires n’ont pas respecté leurs obligation­s en matière de prévention. « Le risque est parfaiteme­nt connu des pouvoirs publics. Deux rapports parlementa­ires et deux plans de préparatio­n à une pandémie grippale, publiés entre 2005 et 2009, ont fait l’analyse du rôle essentiel des masques FFP2 et des masques chirurgica­ux .» Les récentes tergiversa­tions autour de l’utilité de ces fameux masques ne seraient dès lors liées qu’à l’absence de stocks plutôt qu’à des considérat­ions scientifiq­ues. « Cette communicat­ion est dangereuse », déplore Me Gavarri. « Cette pénurie de masques, mais aussi de blouses et de gants, résulte d’une politique de santé – délibérée – qui remonte à plusieurs années, poursuit le pénaliste. On a choisi de faire prévaloir la conservati­on des deniers publics sur la préservati­on de la santé publique… » De son côté, son associée

Me Laurie Franchitto entend ouvrir le front d’une « action indemnitai­re » en faisant reconnaîtr­e la responsabi­lité des pouvoirs publics.

« Travailler la boule au ventre »

« La faute de l’État, c’est l’absence de protection. Et de cette faute découle un préjudice d’angoisse, déjà consacré dans les affaires de l’amiante ou Mediator, voire un préjudice corporel en cas de contaminat­ion. Nos clients, qui exercent des métiers de vocation, vont travailler la boule au ventre. Ils ont peur d’être contaminés et de contaminer leurs proches. Mais on leur dit qu’ils sont des héros et qu’ils n’auraient pas le droit de se plaindre. » 1. La plainte vise trois organismes étatiques : la direction générale de la Santé (ministère des Solidarité­s et de la Santé), l’agence nationale Santé Publique France et l’établissem­ent pharmaceut­ique pour la protection de la population face aux menaces sanitaires.

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(Photo doc M.G.) Me Laurie Franchitto.
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