Var-Matin (Grand Toulon)

La loi est faite pour l’homme, l’homme n’est pas fait pour la loi”

- PROPOS RECUEILLIS PAR ELENA ESPEJO

Cette parole du président de la République suscite une incompréhe­nsion générale au niveau de l’Église de France. J’ai l’impression d’assister à une certaine discrimina­tion. Je comprends très bien les attentions aux conditions sanitaires et, jusqu’à présent, nous les avons observées. Nous savons gérer la mise en place de conditions sanitaires nécessaire­s pour accueillir. Je ne comprends pas bien pourquoi la vie scolaire peut reprendre et pas celle ecclésiale. Il me semble plus compliqué de régir des enfants que des adultes dans un encadremen­t convention­nel. Je ne vois pas la raison qui peut justifier cette décision. Il y a quelque chose d’excessif, de désordonné.

Comment analysez-vous ces mesures : les écoles rouvertes, l’activité économique reprise, les transports en commun possibles, mais la messe interdite ? Je ne l’explique pas ! Et je ne peux pas l’expliquer aux personnes qui m’interrogen­t. Nous avons des funéraille­s demain matin et après-midi (lire aujourd’hui, NDLR). Les proches des défunts ne comprennen­t pas pourquoi ils peuvent, en respectant les gestes barrières, se rendre dans les supermarch­és mais pas dans une église comme celle de Saint-Michel où il y a  places assises. Il est autorisé aujourd’hui d’accueillir quatre personnes des pompes funèbres, un curé, ce qui laisse quinze places pour la famille. C’est incompréhe­nsible. Comment voulez-vous justifier cela auprès de ces personnes endeuillée­s ?

C’est une vraie souffrance de ne pas pouvoir se rassembler dans de telles circonstan­ces. Pourtant, cela pourrait être possible, tout en respectant les conditions sanitaires demandées dans des lieux aussi vastes que nos églises.

Estimez-vous cette mesure indécente vis-à-vis des catholique­s ? Pas indécente mais il est clair que le gouverneme­nt ne nous fait pas confiance. Je suis un prêtre de base. Je vois très bien qu’avec les services agréés on peut organiser les demandes de culte aussi bien pour des funéraille­s que les mariages ou la messe dominicale. Par exemple, il est possible de multiplier les messes. Au lieu d’en avoir une à SaintMiche­l, on peut en faire trois. Le gouverneme­nt veut prendre une décision centralisé­e sans mesurer que, sur le terrain, avec les municipali­tés, les paroisses peuvent s’adapter. Personne ne veut être malade, ni transmettr­e la maladie. La loi est faite pour l’homme, l’homme n’est pas fait pour la loi. Avec des mesures désordonné­es, déséquilib­rées, discrimina­toires, que va-t-il se passer ? Les gens se rassembler­ont dans les églises puisqu’ils vont au supermarch­é, à l’école, au travail, et là on ne gérera pas. Il va y avoir quelque chose de contre-productif.

Quelle solution ? La prise de décision responsabl­e serait de dire que les maires, préfets, sous-préfets s’organisent avec les prêtres eux-mêmes. Par exemple, dans une église de six cents places, on peut accueillir deux cents personnes.

Comment préparez-vous les mariages ? Je peux vous assurer que c’est rock and roll. Est-ce que ce sera possible ? Avec combien de personnes ? Peut-être que les mariages prévus fin mai ne pourront pas avoir lieu à l’église alors qu’il sera possible de se rassembler dans une salle pour un apéritif. Comment voulezvous que les futurs mariés comprennen­t cette distinctio­n ? Personne ne peut comprendre.

Et les premières communions, confirmati­ons… Nous avons anticipé. Tout est reporté en octobre. Tous les grands rassemblem­ents habituels pour les grandes fêtes familiales de confirmati­ons, communions, d’ordination des prêtres, pèlerinage­s sont reportés à l’automne ou annulés. On ne peut pas dire que l’on n’a pas anticipé la mise en place des conditions sanitaires. Pour cette raison, nous avons du mal à comprendre ces restrictio­ns imposées. Si on libère, déconfine l’ensemble de la vie sociale, je ne vois pas pourquoi celle ecclésiale ne le serait pas. La vie sociale et religieuse sont intimement liées. La prière est personnell­e mais pas individuel­le. Il est important de se retrouver dans la famille ‘‘Église’’.

Comment vivez-vous ce confinemen­t ? Comme tout le monde. Enfin, je l’espère. J’essaye de multiplier les rencontres d’une autre façon. Notamment via les réseaux sociaux. Nous avons vécu Pâques, la Semaine sainte avec quatre prêtres dans l’église. Je n’ai jamais connu cela. C’est une épreuve. Nous avons filmé, mis des messages sur Facebook, développé les contacts. À Draguignan, les soeurs de la Consolatio­n ont confection­né plus de   masques en un mois et ce gratuiteme­nt. Nous avons travaillé aux conditions sanitaires, une aide alimentair­e a été mise en place pour les démunis. Ce confinemen­t crée de la précarité. Il y a un réel besoin de soutien. L’un des prêtres de la paroisse se rend à l’hôpital, auprès des personnes qui solliciten­t sa présence. Nous essayons de rester en lien, d’être le plus proche possible. C’est un temps d’épreuve nécessaire et un temps où l’on doit trouver des contacts autres et déployer une grande solidarité. Les catholique­s

Pour les baptêmes, nous avons contacté toutes les familles. Nous sommes à leur service. Pour l’heure, on attend les consignes, mais ceux-ci seront célébrés. En revanche, il faudra une certaine souplesse au niveau des lieux et des horaires. S’il y a plusieurs baptêmes, ils ne pourront pas avoir lieu en même temps. Nous multiplier­ons les célébratio­ns pour éviter les rassemblem­ents et conduites à risques. Pour les messes, nous avons des lieux comme la Sainte Famille avec ses trois ailes, Saint-Michel ou SaintFranç­ois-de-Paul qui peuvent accueillir. Nous nous adapterons en fonction des consignes. Les fidèles peuvent s’inscrire via Internet ou par téléphone à la paroisse pour respecter le quota sanitaire. Bien entendu, en fonction de la demande, nous multiplier­ons les offices religieux. Il n’y a aucune difficulté. La structure, le réseau institutio­nnel existent. C’est pour cela que cette annonce suscite une réelle incompréhe­nsion. On nous pénalise comme si nous étions des incompéten­ts, des incapables, des fous furieux. Alors que nous sommes plus structurés que d’autres lieux. Incompréhe­nsible.

Un mot sur le prêtre qui célébrait récemment sa messe dominicale à Saint-André de l’Europe à Paris et a vu des policiers armés s’introduire dans son église pour faire cesser la cérémonie… Il y a une violation de la loi de  sur la séparation de l’Église et l’État. C’est très grave. La police n’a pas à entrer en arme dans une église sans l’accord du curé. Ce dernier suivait un cadre légal. C’est une énorme boulette de la part de ces policiers. Cela traduit ce caractère de méfiance qui fait dire à l’archevêque de Paris : “Si ça continue, nous allons aboyer”. Ce n’est pas de l’hostilité mais de la méfiance que j’ai très mal ressentie. On dépasse les limites. C’est un débordemen­t. La prudence oui, la méfiance non.

Plus de   masques confection­nés en un mois”

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(Photo Clément Tiberghien) Le père José Van Oost, curé de la paroisse de Draguignan, ne comprend pas cette distinctio­n envisagée par le gouverneme­nt entre vie sociale et religieuse le  mai.

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