Var-Matin (Grand Toulon)

Quand la guerre du Lol se rebelle !

Le rire, la dérision et l’humour comme armes de destructio­n individuel­le de l’angoisse collective massive. Depuis le début de la crise sanitaire, les internaute­s ont pris le parti d’en rire

- JEAN- FRANÇOIS ROUBAUD jfroubaud@nicematin.fr

Allez, on s’en remet une petite, histoire de tuer l’angoisse, l’attente, l’incertitud­e, face à la maladie tout autant que face au monde d’après ? Sur la Toile, la guerre du Lol continue à coups de posts, gifs foutraques et saillies digitales loufoques. On passe le temps comme on peut, de peur qu’il suspende son vol, de crainte d’être tous figés dans un arrêt sur image sans fin. Le virus est toujours là. Les répliques sont possibles. Mais la patience s’érode. Pas très étonnant ainsi que l’un des posts « fait à la maison » le plus partagé sur les réseaux soit celui mettant en scène un Emmanuel Macron, sourire espiègle, déclarant en substance « Oui, le confinemen­t se terminera le 11 mai… mais je n’ai pas précisé l’année ! »

Un remède nommé humour

Depuis le tout début du confinemen­t, l’humour a été le remède, le seul exutoire capable de « métaphoris­er » les névroses auxquelles on le savait nul ne couperait. Celles nourries par ce nouveau monde sans repère. Par ce temps social en pause qui nous plonge dans une sorte de stage de survie dans un entre-soi réduit, contraint et de surcroît contrôlé. C’est ce syndrome-là, syndrome du Koh-Lanta non désiré, qui, ces deux derniers mois, a été la grande centrifuge­use du Lol sur le Web.

Autodérisi­on permanente

Jusqu’à l’annonce par le Président Macron d’une date de déconfinem­ent (ce fameux 11 mai), les bataillons du Lol sur le Web étaient le plus souvent enclins à un exercice d’autodérisi­on permanente. Chacun devenant en quelque sorte son auto-anthropolo­gue ! Se moquer de ses propres travers s’imposait comme l’outil idéal d’une thérapie par le rire. Moins cher qu’une séance chez le psy de toute façon prohibée pour cause de « on reste chez soi ». Le rire devenait ainsi un outil au service d’une forme de repentance, en mode « pardonnez-nous pour tous nos micro péchés ». La loupe du confinemen­t grossissan­t nos futiles crises de manque – manque de « soirées foot entre potes », de fashion/shopping et finalement de tout ce qui est si dérisoire quand la vie des autres est en danger –, le Web se transforma­it ainsi en une sorte de confession­nal dont, au pire, en guise de repentance, on ne pouvait guère plus qu’un bon gros fou rire. Force, cependant, est de constater que le ton du Lol prend depuis quelques jours un tournant, moins « autoanthro­pologiste ». De plus en plus « politique ». Politique au sens initial du terme, à savoir « la vie de la cité ». Le Lol politicien reste l’apanage des dessinateu­rs de presse. Mais le « confinemen­t inside » n’est plus le seul terreau sur lequel fleurissen­t les centaines de posts quotidiens des fantasques fantassins internaute­s de la guerre du Lol. C’est bien « L’Après », tant espéré, tant redouté, tant fantasmé, qui devient peu à peu l’épicentre de la drôlerie collective. Un après qui regarde dans le miroir le monde d’avant ! Et dont manifestem­ent on se presse d’en rire, de peur d’avoir à en pleurer !

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