Le retour à la case départ
Contraints et forcés, nous vivons le temps de la décroissance. Nous renonçons au superflu, mettons dans nos paniers seulement de quoi remplir nos assiettes et nos verres. Pas d’achat coup de coeur, ni de dépense impulsive. On survit, en comptant les jours qui nous séparent du retour à l’ancien monde. Évidemment, c’est une catastrophe. Si les écolos et leurs amis rêvent d’un monde guéri du virus du productivisme, la planète entière ne connaît que l’adage inspiré de Molière : « Il faut vivre pour consommer et non consommer pour vivre. » Bien sûr, des populations sont trop pauvres pour en bénéficier, mais elles lorgnent sur ce « modèle » comme vers une inaccessible étoile. Cette sortie brutale de la société de consommation n’était ni souhaitée ni préparée. L’économie mondiale a serré comme un vulgaire moteur de voiture. Pour la réparer, c’est comme la facture du garagiste, ce ne sera pas donné. Les centaines de milliards dénichés aux USA, au Japon, en France, partout, en urgence, pour financer les futurs plans de relance économique, ont un coût inavoué, à répartir sur de longues années. Plus d’impôts, moins de dépense publique, plus de dette : un programme requinquant qui sera décliné, on peut parier soit en euros, soit en dollars, sous tous les régimes et dans toutes les langues. Et aussi, il faudra travailler. Beaucoup. Jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas barguigné : il a limité la casse sociale en généralisant le chômage partiel. Un milliard d’euros par semaine ! « Le dispositif, l’un des plus généreux d’Europe », assure le Premier ministre sans risque d’être démenti. Il le restera jusqu’au er juin. Puis ce sera la fin de la pause. Dans la langue du Premier ministre, « il nous faudra ensuite adapter progressivement » ce dispositif « afin d’accompagner la reprise d’activité si l’épidémie est maîtrisée ». Une reprise sans râler : l’inactivité pèse à beaucoup. Reviendrons-nous ainsi à la case départ, sans retirer aucun profit de la plus grande crise économique depuis ? Ou changerons-nous notre échelle de valeurs personnelles ? La même liste des courses ? La même frénésie d’expériences toujours plus lointaines ? Ou à l’inverse, profiterons-nous de l’été qui vient pour se recentrer sur nos proches, sur notre région, autrement dit sur l’essentiel ? Même si nous n’aurons guère le choix, faute d’autorisation pour nous transporter ailleurs, rien n’est écrit, tout dépend de nous. Tant qu’à redécouvrir l’usage de la liberté, autant en faire bon usage.
« L’économie mondiale a serré comme un vulgaire moteur de voiture. Et comme la facture du garagiste, ce ne sera pas donné. »