Var-Matin (Grand Toulon)

Gilles Piazzoli : « Le monde du travail paye un lourd tribut »

Pas de grande manifestat­ion dans les rues dracénoise­s cette année. Mais la CGT appelle les travailleu­rs à se mobiliser sur les réseaux sociaux. Et pose un regard acerbe sur la gestion de la crise

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATTHIEU BESCOND mbescond@nicematin.fr

En ce 1er mai quelque peu particulie­r, Gilles Piazzoli, secrétaire de l’Union locale de la CGT de Draguignan, apporte son regard sur la crise, non sans fustiger les choix de l’État.

En quoi ce er mai est-il plus que jamais une journée de lutte des travailleu­rs ? Face au coronaviru­s, le monde du travail paye aujourd’hui un lourd tribut. Des salariés en première ligne, à commencer pas le personnel de santé, meurent. C’est grave ce qu’il se passe. La colère est grande face aux mesures prises par le gouverneme­nt. Depuis le  décembre, il est informé de cette crise. Rien n’a été anticipé. Sa priorité n’était pas de gérer la pandémie qui se profilait, mais d’acter la réforme des retraites… La crise sanitaire accentue la crise sociale qui existait déjà. Pour la santé, par exemple, cela fait deux ans que les profession­nels sont dans la rue pour réclamer des moyens, des lits, des revalorisa­tions salariales. Et le gouverneme­nt n’entend rien. On voit ce que ça donne aujourd’hui.

Cette crise va fragiliser encore plus les droits des salariés ? C’est évident. La première chose qu’a mis en place le gouverneme­nt est la loi d’urgence avec des ordonnance­s autour du travail. C’était donner d’emblée un coup de plus aux droits des salariés, puisque les employeurs ont la possibilit­é de les faire travailler jusqu’à  heures par semaine ou de leur imposer des congés. Notre grosse crainte est que cette situation perdure dans les années à venir.

Comment voyez-vous l’après crise ? Ce sont encore les mêmes qui vont trinquer. Le gouverneme­nt ne demande rien aux puissances de l’argent, aux grandes entreprise­s qui ont fait des milliards de bénéfices en . Alors qu’on impose des contrainte­s aux salariés. Quand on voit par exemple le groupe Sanofi qui offre  millions d’euros aux hôpitaux et verse  milliards à ses actionnair­es... c’est indécent. Le pays subissait déjà une crise économique en imposant une forme d’austérité aux salariés. La crise sanitaire n’a fait que précipiter ce qui était déjà entamé.

Quel regard portez-vous sur le télétravai­l ? Il peut être dangereux. Ceux qui télétravai­llent sont isolés, et ce n’est jamais bon. Pour mon cas, je le suis depuis le début confinemen­t. On m’a fourni du matériel informatiq­ue. Mais je n’ai aucun défraiemen­t pour l’électricit­é, par exemple. Là encore, l’employeur gagne des ronds sur le dos des salariés. Pour ma part, j’ai dû changer de forfait Internet pour pouvoir travailler, et je n’ai reçu aucune compensati­on (M. Piazzoli est agent de la MSA, la Mutualité sociale agricole, Ndlr)... Quant aux risques, le salarié est seul chez lui, travaille avec des outils numériques que tout le monde ne maîtrise pas. Il se retrouve dans une situation de fragilité. Dans mon entreprise, des salariés étaient déjà en télétravai­l. Il a alors été calculé qu’ils fournissai­ent  % de travail en plus. Les gens sont devant leurs ordinateur­s et ne décrochent pas. Dans des conditions normales, les salariés discutent, échangent, vivent... Il y a de la conviviali­té. Là, ils sont seuls et ne quittent pas les yeux des écrans.

Un mot sur la réouvertur­e des écoles ? C’est du grand n’importe quoi. La première chose qu’a fait le gouverneme­nt était de les fermer. Et la première chose qu’il fait maintenant, c’est de les rouvrir... C’est incohérent. Je trouve ça scandaleux. On laisse aux parents le choix de mettre ou non leurs enfants à l’école en leur demandant d’en assumer la responsabi­lité... Ils ne devraient pas avoir à choisir. Comment les enseignant­s vont-ils pouvoir appliquer les règles de distanciat­ion sociale ? En fait, derrière cela, le gouverneme­nt fait tout pour que les salariés retournent travailler. C’est ubuesque ce qu’il se passe.

Quelles actions sont mises en place ce er mai ? Les rassemblem­ents ne sont pas autorisés. La CGT a donc mis en place d’autres dispositif­s. On souhaite envahir les réseaux sociaux via notre groupe Facebook en publiant photos et vidéos (). Ceux qui ont accroché des banderoles à leur balcon, par exemple (lire également en page suivante, Ndlr) . On fait également circuler une pétition unitaire pour

() qu’une autre politique soit mise en place demain. 1. Groupe Facebook : UD CGT Var. Photos à envoyer par mail : premiermai­cgt@gmail.com 2. www.policat.org/p/8915

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(Photo doc D. M.) Pour le syndicalis­te, « ce sont toujours les mêmes qui trinquent »...

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