Var-Matin (Grand Toulon)

Dans la pauvreté « Je ne veux pas lire la pitié dans le regard des gens »

- Textes : Sophie CASALS scasals@nicematin.fr Illustrati­ons : Aurore MALVAL amalval@nicematin.fr

Divorcée, Amina vit seule avec ses deux filles de 8 et 14 ans à la

dans le moyen pays niçois. « Juste avant le confinemen­t ma voiture est tombée en panne. Et je n’ai pas les moyens de la faire réparer. Je vis avec 617 euros par mois, c’est mon salaire d’assistante de vie scolaire, pour 22 heures de travail. Heureuseme­nt mon salaire a été maintenu à 100 %, mais je ne sais pas comment ça va se passer maintenant. Car comme je suis à risque à cause de ma maladie, je ne peux pas reprendre. » Un point d’interrogat­ion de plus dans un quotidien fait d’incertitud­es. Mais Amina tient bon, grâce à la solidarité des voisins et des amies.

Roquette-sur Var, Budget serré

« Cyria de l’associatio­n Synapses m’apporte des colis alimentair­es, elle me fait des courses car je dois éviter de sortir, à cause de mes poumons. » Elle ne peut prendre le risque d’être contaminée par le Covid-19. « D’habitude, je suis bénévole, j’apporte de l’aide aux bénéficiai­res de Synapses, alors se retrouver de l’autre côté… On prend un coup au moral, quand on n’arrive pas à ramener une brique de lait, ou une baguette… » Si elle est touchée par la générosité, elle tient à sa dignité. «Je ne veux pas lire la pitié dans le regard des gens. On n’a pas envie d’être ramené à notre situation. Mais avec Cyria, il n’y a pas de risque, elle est nature. » « Et puis c’est dur quand on a des enfants qui sont en âge de comprendre. Mais je leur explique qu’elles ont la chance d’avoir un toit, un jardin. Elles mangent à leur faim. Elles ne manquent de rien. On n’est pas pauvres, mais on ne peut pas s’offrir un restau, même pas un McDo. » Amina tient son budget au plus serré. « Je donne la priorité au loyer, aux factures, mais quand j’ai tout payé, il ne me reste pas grand-chose. » Début mai, au moment de notre reportage, il ne lui restait que « 98 euros pour tenir jusqu’à la paie qui est versée à la fin du mois. »

Comment voit-elle l’avenir ? « J’espère que les gens vont être raisonnabl­es, pendant le déconfinem­ent, pour que l’épidémie ne reparte pas. » Car elle s’inquiète des effets durables de la crise du coronaviru­s sur l’emploi. « Le temps que tout reparte, il va y avoir de plus en plus de gens en situation précaire. Mon garagiste, par exemple, m’a dit qu’il n’arrivait plus à payer le loyer de son garage et de sa maison. Tout ce qu’il avait mis de côté, il l’a dépensé. Comment ça va se passer pour tous ces gens ? »

« Impossible de chercher du travail puisque tout était fermé. J’ai dû attendre deux mois avant de toucher le chômage, environ  euros. Mon compagnon qui travaille au black s’est retrouvé sans rien. Heureuseme­nt, j’avais mis un peu de sous de côté, ce qui nous a permis de payer des factures. Mais on n’avait plus rien pour l’alimentair­e. On a d’abord fait les fonds de placard dans la cuisine. » Puis il se tourne vers une associatio­n caritative, Porteurs d’Espoir , à SaintLaure­nt-du-Var. « Depuis début avril, je vais une fois par semaine chercher un panier. Au début, c’était compliqué, le regard des gens. C’est un peu la honte. » Solange Muzart, la coordinatr­ice de l’associatio­n, sait le mettre à l’aise. « C’est familial, elle m’appelle par mon prénom, prend de mes nouvelles. » Romain ne s’attarde pas. « Je prends mon colis, et je repars à Nice, où nous habitons désormais, ça nous permet

de faire un bon complément pour pouvoir tenir. » Comment voit-il l’avenir ? Si Romain a hâte de retrouver du travail, il ne se fait pas d’illusion : «Çavaêtre dur, dans les métiers de la vente, je ne pense pas que l’ambiance sera à l’embauche. Il faut que mon compagnon puisse retravaill­er rapidement, parce qu’avec un chômage pour deux c’est difficile. Quand vous m’avez appelé j’étais en train de faire mes comptes et de voir toutes les factures en retard que je dois payer. » Il sait qu’il aura encore besoin de l’aide des colis alimentair­es quelque temps. « C’est important que les associatio­ns puissent continuer à aider les gens qui en ont besoin. On a plus que jamais besoin de cette solidarité. »

Quand j’ai tout payé, il me reste  euros pour finir le mois”

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Amina,  ans, mère célibatair­e à La Roquette-sur-Var.
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Romain,  ans, vendeur.

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