Ilie Chelba (EuseBio) : « Localement les mentalités changent »
Les membres du collectif de défense des terres fertiles demandent la généralisation des Zones agricoles protégées (Zap) sur toutes les terres à vocation agricole du département. Cela permettrait, disent-ils, de « sanctuariser la ressource » propice à une agriculture durable dont : « La protection des terroirs des plus fertiles que sont les bassins alluviaux (vallées de l’Argens et du Gapeau). Sur ces terres où le risque d’inondation est important, des travaux pour assurer le drainage et limiter l’impact des crues sont impératifs mais il faut aussi mettre en valeur une agriculture organique pour assurer la perméabilité des sols ». Ils souhaitent aussi «la constitution autour des agglomérations de ceintures vertes agro-environnementales pour des villes productives en agriculture comme elles pourraient l’être en énergie ». Parmi leurs autres propositions : mettre ces terres fertiles à disposition d’agriculteurs qui produisent pour le territoire ; développer la formation agricole initiale et continuer dans le maraîchage et l’arboriculture fruitière ; favoriser les capacités de conservation, transformation et stockage ; offrir aux salariés des agriculteurs, saisonniers le plus souvent, un statut d’intermittent de l’agriculture leur assurant une pérennité de revenus sur l’année, avec des groupements d’employeurs, de la polyactivité, de l’alternance travail/formation ; assurer aux petits exploitants des débouchés pour les produits locaux avec les marchés, Amap, points de vente collectifs, etc.
Cela fait des années qu’Ilie Chelba, maraîcher à Roquebrune-sur-Argens, et sa femme, Tatiana, cultivent leurs légumes et fruits sans produits de synthèse. Selon les saisons, fraises, navets, courgettes, concombres, tomates, etc., sont vendus sur les marchés des Issambres et de Sainte-Maxime, en paniers aux Adrets-de-l’Estérel (Amap Regain de l’Estérel), mais également dans les magasins spécialisés de l’Est-Var. La ferme, baptisée EuseBio, est labellisée Ecocert. « On a énormément souffert des inondations de fin 2019, explique Ilie Chelba, avec son accent roumain. On a perdu beaucoup de plants. On a fait un crédit à la banque pour survivre et le confinement est arrivé. On était au point de fermer les marchés mais on a eu plus d’une quarantaine de personnes qui ont signé un contrat avec nous début avril par l’intermédiaire de l’Amap des Adrets. On a réussi tout doucement à continuer à livrer. »
« Ce n’est pas plus cher »
S’il a perdu 70 % de son chiffre d’affaires en mars, le couple travaille d’arrache-pied pour remonter la pente : « On fait du mieux qu’on peut pour avoir de bons fruits et légumes bios. C’est bon pour la santé. Et ce n’est pas plus cher. Localement, les gens sont de plus en plus intéressés. Les mentalités changent. » Il voit donc d’un bon oeil la démarche de ceux qui prônent une agriculture plus locale et durable. « Avec toute cette histoire de coronavirus, on va ouvrir les yeux et le coeur des gens, ils vont revenir à l’essentiel », espère le maraîcher.
En revanche, il ne croit pas à l’intérêt des grandes surfaces pour favoriser les petits producteurs locaux. Et c’est du vécu : « Je me suis retrouvé une année avec un surplus de tomates que je proposais à 2 €/kg, et j’ai contacté une grande surface du coin. Ils n’ont pas été intéressés, alors qu’ils vendaient des tomates de Belgique à 5 €/kg ! Alors j’ai donné mes tomates, j’ai fait des coulis. »