Var-Matin (Grand Toulon)

Un ramadan bouleversé sur la forme mais pas sur le fond

Fin des rassemblem­ents familiaux, repas partagés en visio, prières à la maison... Les musulmans pratiquant­s s’adaptent mais continuent de faire vivre les valeurs de cette fête religieuse

- CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

Assis sur un rebord en centre-ville, un sac de provisions à ses pieds, Abdelkader Mokrane et trois de ses filles profitent du petit air frais matinal, avant de regagner leur domicile. D’origine algérienne, musulman pratiquant, le Dracénois entame son vingt-quatrième jour de jeûne en cette période de ramadan sans précédent… La crise ayant inévitable­ment un impact sur la pratique religieuse. Mais à quel point ? Le jeûne a-t-il été plus dur à supporter durant le confinemen­t ? Le père de famille répond : « Pour ma part, cela n’a rien changé car je n’ai pas cessé mes activités profession­nelles. Je suis conducteur de travaux et je me rendais tous les jours sur le chantier à Solliès-Pont. Je n’ai pas vu le temps passer, sourit-il. En revanche, ma fille aînée, qui a choisi de faire le ramadan cette année, est restée confinée. Sans véritables moyens de distractio­n, il est vrai, le jeûne est plus difficile. »

Les repas du soir partagés en visio

Mais ce qui l’est plus encore, ce sont ces rendez-vous familiaux manqués, le soir venu. « Chaque année, pour casser le jeûne, mon épouse et moi avions l’habitude d’inviter du monde à la maison, poursuit Abdelkader. La famille, les amis, les voisins… Des moments de partage autour d’un bon repas. Voilà ce qui me manque le plus aujourd’hui. » Pour autant, bien qu’ayant bousculé la routine des pratiquant­s, la crise n’a pas écorné les valeurs essentiell­es du ramadan, que sont le partage et la générosité. « À défaut de pouvoir recevoir à la maison, il faut bien s’adapter. Alors, nous avons trouvé la parade, explique Abdelkader. Et nous partageons régulièrem­ent les repas du soir en visio. Cela ne remplacera jamais le vrai contact humain, mais ça nous donne l’impression d’être dans la même pièce. C’est déjà ça… »

« Cette crise a changé nos habitudes, pas notre esprit »

Quant aux mets déposés sur la table de la famille Mokrane, ceuxci sont forcément moins copieux. « On continue à se faire plaisir, mais nous avons évidemment réduit. Pas question de gaspiller la moindre miette. » Enfin, les salles dédiées étant fermées, Abdelkader accomplit les cinq prières quotidienn­es chez lui. Et est contraint de s’adapter en fonction de ses horaires de travail. Mais le Dracénois ne s’attarde pas dans les regrets, et préfère relativise­r : « Je n’ai pas le droit de me plaindre. Nous n’en avons pas

le droit tant que nous avons un toit sur la tête, un travail et la santé. Et nous devons être responsabl­es. Cette crise a bousculé nos habitudes mais ne doit pas changer notre esprit. Il nous faut le prouver chaque jour, et plus encore aujourd’hui… »

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