Les platanes du Mourillon condamnés à disparaître
Malades ou risquant de le devenir, d’après la Ville, les grands arbres du boulevard Bazeilles sont remplacés par des tilleuls. Les vieux platanes de la place du marché doivent aussi être coupés
Une véritable hécatombe. En Provence, plus de 2 000 platanes sont ainsi coupés chaque année par les pouvoirs publics. Lorsqu’ils sont infectés par le chancre coloré, un champignon microscopique aussi redoutable que contagieux par les racines, les arbres meurent en effet rapidement et deviennent alors dangereux pour la population, justifiant un abattage de précaution. C’est officiellement dans ce contexte que la ville de Toulon a décidé de remplacer « tous les platanes » du boulevard Bazeilles. Ces derniers jours encore, en plein confinement, plusieurs de ces grands arbres ont été supprimés. « On ne les coupe pas pour le plaisir mais pour répondre à une injonction de la préfecture », explique le maire Hubert Falco, alors que de nombreuses voix s’élèvent dans le quartier pour s’offusquer de ces disparitions « en catimini ». Mais avec une douzaine d’autres communes varoises, Toulon est bel et bien dans le viseur des autorités préfectorales pour être un foyer connu du ceratocystis platani. Et doit, à ce titre, mettre tout en oeuvre pour tenter de limiter son extension. Dont acte, une fois que les quatre derniers platanes devant la pizzeria La Flambée auront été abattus sur Bazeilles - et remplacés comme les autres par des tilleuls - la municipalité entend s’attaquer à ceux de la place du marché. Au grand dam des riverains et du président du CIL du Mourillon François Bordes, lequel dénonce « une décision prise sans concertation ».
Abattage mardi sur le marché ?
« Sauf si une maladie ou autre danger le justifiait, abattre un tel patrimoine nous semble être une aberration dans le contexte de réchauffement climatique où toutes les villes cherchent maintenant à végétaliser leurs espaces, s’énerve François Bordes, qui évoque le « caractère provençal » de la place avec ses platanes « plus que centenaires ». Et de demander au premier magistrat de « surseoir à cette action ».
Mais pour le maire, il n’y a même pas débat. « Les platanes malades sont dangereux, martèle l’édile. Si on les enlève à Aix-en-Provence et sur les bords du canal du Midi, ce n’est pas pour rien. S’ils tombent sur la tête des gens, on dira que c’est la faute du maire… » Quant à savoir si tous les arbres sont victimes du chancre coloré, Hubert Falco, de passage sur le marché en fin de semaine, a promis aux revendeurs qu’un diagnostic sanitaire précis de la situation serait établi avant toute opération. Le ministère de l’Agriculture, lui, est formel : une des stratégies de lutte contre de nouvelles contaminations consiste bien en « l’abattage préventif des arbres situés à proximité d’arbres infestés. »
En attendant, des panneaux promettant un abattage ce mardi et ce mercredi ont fleuri sur le bitume de la place Emile-Claude. « Le marché vient de rouvrir, on ne va pas embêter les commerçants maintenant », nous assure toutefois le maire, renvoyant à « plus tard »sa volonté de faire place nette. Quand ? Mystère. Thierry, vendeur de fruits et légumes depuis 22 ans à Toulon, n’est pas pressé : « Sans ombre, l’été ici, ça va être l’enfer… » Sur son banc, sous un arbre centenaire, Anny soupire en apprenant l’information. « Je suis né au Mourillon il y a 76 ans et ils étaient déjà là. Bazeilles sans platane, c’est pas Bazeilles… »