Var-Matin (Grand Toulon)

The Shield corrompre et servir

Inspirée du scandale Rampart, unité de police corrompue des années 1990, The Shield propose une plongée urbaine musclée

- MATHIEU FAURE The Shield, 7 saisons, disponible sur Amazon Prime.

Qu’on le veuille ou non, Michael Chiklis a quelque chose de magnétique. Une voix rauque, un cou de taureau, des mains en forme de parpaings, on croirait presque un sosie de Philippe Etchebest sauf que Chiklis a troqué la toque de chef pour le badge de flic. Chiklis porte la série de The Shield sur ses larges épaules de déménageur­s. Première production originale de FX Network, le groupe de Rupert Murdoch, The Shield montre comment Vic Mackey (Michael Chiklis) mène son équipe du LAPD avec des méthodes peu convention­nelles : corruption, brutalité, meurtre. Autrement dit, on n’attrape pas les gros poissons de la rue en leur faisant des câlins. La série s’est librement inspirée du scandale Rampart, du nom d’un quartier chaud de Los Angeles – qui a touché une unité anti-gang de la police de LA à la fin des années 1990. Cette affaire de corruption massive menée par le FBI avait provoqué un scandale aux USA, mêlant plus de 70 fonctionna­ires de police. Les chefs d’accusation faisaient froid dans le dos : tirs non provoqués, faux témoignage­s, vol, trafic de stupéfiant­s, parjure, dissimulat­ion de preuves.

Souvent à la limite...

Filmée d’entrée caméra à l’épaule comme un documentai­re sur une idée de Clark Johnson, le réalisateu­r du pilote, cette nervosité visuelle va devenir la marque de fabrique de la série. Une suggestion... soufflée par un faible budget initial et par le souhait du créateur de la série – Shawn Ryan – de placer le spectateur au coeur de la Strike team, cette unité de police de Los Angeles souvent à la limite. The Shield a surtout ouvert la voie à une nouvelle forme de fiction : des séries sans foi ni loi. Ce bouleverse­ment culturel s’explique par la passion, souvent déraisonné­e, du téléspecta­teur pour les salopards. Surtout quand ceux-ci sont censés représente­r l’ordre et la loi. D’abord boycottée par les annonceurs pour son côté « sulfureux », la série est vite devenue un succès incontourn­able, trustant les éloges dans la presse et le Golden Globe de la meilleure série. « Le succès de cette série s’explique par le fait que nous n’avons rien inventé. Elle est le reflet de la vie urbaine à Los Angeles ainsi que dans d’autres villes », détaille Michael Chiklis en 2004.

Mais la puissance de la série est aussi dans sa manière de retranscri­re l’atmosphère particuliè­re de Los Angeles. Uniquement filmé en décors naturels au coeur de la cité des Anges, The Shield pue le réalisme. Une fois la trame installée, Ryan a pu injecter une star de cinéma en second rôle. Une idée novatrice au début des années 2000 avant que le procédé ne devienne la norme.

Forest Whitaker et Glenn Close

Ainsi, Forest Whitaker et Glenn Close ont intégré le casting, permettant à la série de gagner en visibilité mais aussi en crédibilit­é. Une manière de monter en puissance dans une Amérique malade et au coeur de laquelle la violence policière a souvent été un immense fléau, encore plus à LA, coeur des émeutes sanglantes de 1992 : 63 morts, 2800 blessés entre le 29 avril et le 4 mai suite à l’acquitteme­nt des policiers accusés d’avoir passé à tabac un automobili­ste afro-américain, Rodney King. Ce climat pesant, omniprésen­t, oppressant, Ryan n’a jamais voulu s’en éloigner. « Les épisodes parlent de drogue, de prostituti­on, d’infanticid­es, d’assassinat­s, bref, de tout ce que les policiers de Los Angeles côtoient et traquent tous les jours, détaillait le showrunner en 2004. Une proximité qui, parfois, peut pousser certains à devenir euxmêmes les criminels qu’ils pourchasse­nt. Il n’y a pas de bons flics ou de mauvais flics, et encore moins de vrais héros. Cette série, dont l’univers est multicultu­rel, montre les mauvais côtés de l’Amérique, tout ce dont nous ne sommes pas très fiers. » La série a d’ailleurs été rattrapée, à son grand malheur, par la triste réalité puisque l’acteur Michael Jace, qui campe un policier, a été condamné en 2016 à la prison à perpétuité pour le meurtre de sa femme devant ses deux enfants.

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