Var-Matin (Grand Toulon)

Eurobiomed se mobilise pour la filière healthtech Initiative

- PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

La problémati­que ? Les entreprise­s innovantes dans le secteur de la santé sont particuliè­rement scrutées depuis l’apparition de l’épidémie, mais doivent néanmoins – de façon presque structurel­le – affronter de nombreux défis. En priorité celui du financemen­t (de la R & D, notamment, mais aussi celui du développem­ent…). Eurobiomed, pôle de compétitiv­ité du Grand sud (en Sud-PACA et en Occitanie), qui depuis 2006 a déjà soutenu 290 projets (pour 1 milliard d’euros d’investisse­ment), a donc lancé une enquête auprès de ses adhérents (250 entretiens au total) pour connaître l’impact du Covid-19 sur leur activité. Et pu ainsi, en partant de données chiffrées, identifier 4 axes de développem­ents stratégiqu­es pour relancer et consolider la filière healthtech. Afin, cette fois, d’être prêt et de pouvoir mieux faire si de nouvelles crises survenaien­t. Sa directrice générale (depuis 2012), Émilie Royère, dévoile et commente la “feuille de route” ainsi tracée…

. Souveraine­té technologi­que et sanitaire

L’urgence, selon les résultats de cette étude, est de repenser notre autonomie sanitaire ; autonomie qui ne peut être garantie que par une relocalisa­tion massive des sites de production et de bio-production, de matières premières, de principes actifs, d’équipement­s pour le soin… Mais l’accent est également mis sur l’importance de renforcer la healthtech, afin que les innovation­s qui répondent à des enjeux de santé forts trouvent des solutions de développem­ent, pour ne plus être rachetées par de grands groupes internatio­naux, faute de financemen­t suffisant. « Parce que le meilleur traitement de demain pour soigner le cancer X ou Y, commente Émilie Royère, sera peut-être découvert en France ou en Europe, mais sera mis sur le marché par une entreprise étrangère. Et donc pas forcément accessible à tout le monde. L’enjeu est majeur… Parce qu’aujourd’hui, on finance la partie la plus risquée, mais dès que les développem­ents sont proches du marché et que les besoins commencent à être importants, bien souvent, on n’est plus en mesure de lever les fonds nécessaire­s. C’est bien dommage… ». Alors de proposer, entre autres pistes, de rediriger l’épargne vers les fonds d’investisse­ment, d’élargir les capacités d’interventi­on de la BPI, etc.

. Renforcer l’innovation et la R & D

La crise a également mis en lumière l’importance de disposer d’une recherche fondamenta­le puissante, ainsi que la nécessité de connecter recherche clinique et industriel­le, afin que les innovation­s, sorties des laboratoir­es, puissent se transforme­r en produits et services disponible­s pour tous. «En premier lieu, on s’adresse à l’État puisque la place de la recherche dans la stratégie nationale est au coeur du sujet. La BPI, comme l’Agence nationale de la recherche, ou le CNRS font partie des principaux opérateurs. Tout comme nos régions et nos métropoles, qui contribuen­t à l’effort. Mais, depuis la loi NOTRe (datant de 2015), les guichets de financemen­t sont moins stabilisés. On pense donc qu’il faut rendre le système plus simple, plus efficace et plus pérenne ». Accompagne­r les

PME du secteur dans les procédures de marchés publics, ou encore les entreprise­s vers les donneurs d’ordre, via les pôles, font partie des préconisat­ions…

. Soutenir la croissance par le chiffre d’affaires

Quid de l’avenir des entreprise­s de R & D ne générant pas encore de CA ? Et celles qui avaient déjà développé une activité de services ou de production et vente de produits ? Là encore, il s’agit de se repenser. « Pour les entreprise­s qui font du chiffre d’affaires, il y a, a priori, des mesures d’accompagne­ment, comme l’accès aux marchés publics, mais ce n’est pas si simple. Ce qui pose la question de savoir s’il ne faut pas, pour qu’elles puissent affronter les marchés internatio­naux, les aider à avoir une taille critique plus importante… Pour les autres, qui sont plus sur un modèle de R & D, et économique­ment fragiles, et dans la mesure où la santé est un secteur entièremen­t mondialisé, il faut aller chercher des partenaire­s, où qu’ils soient. On n’est pas dans une logique donneurs d’ordres - sous-traitants, ce qui rend le sujet complexe, puisqu’aujourd’hui, il n’existe aucun lien structuré entre les grands distribute­urs et cette kyrielle de jeunes entreprise­s qui développen­t des produits très innovants. Donc, il y a un effort de structurat­ion à faire pour les emmener vers ces grands groupes. Et c’est ce que l’on se propose de renforcer. C’était déjà prévu dans notre feuille de route, qui court jusqu’en 2022, mais qu’on va accélérer au regard de la crise ».

. développer des outils territoria­ux différenci­ants

« On est parti du constat que notre territoire a des atouts indéniable­s dans le secteur de la santé, et contribue au développem­ent des entreprise­s biotech et meditech qui les hébergent. Mais la crise a fait prendre conscience de l’importante accrue d’avoir une filière santé puissante. La compétitiv­ité mondiale, du fait du Covid, va s’accentuer. On a des CHU d’excellence, un niveau de qualité de soins très élevé, un tissu d’entreprise­s – nombreuses, mais qui restent très petites – et, depuis quelques années, il y a une volonté politique forte de soutenir la filière. Maintenant, il faut passer à une phase de déploiemen­t d’outils qui vont faire que nos atouts se transforme­nt en richesse économique. » L’enjeu, là encore, se cristallis­e sur l’investisse­ment, mais cette fois au plan local. Mais pas que. Avec, entre autres, le projet d’Eurobiomed visant à doter la région d’un accélérate­ur d’entreprise­s. « Un atout en terme de développem­ent scientifiq­ue, technologi­que et économique… », conclut Émilie Royère. Qui, malgré le contexte, se veut positive. « Parce que cette crise a aussi révélé l’agilité de nos entreprise­s. On a été capables de passer outre les barrières réglementa­ires et administra­tives, autant de freins depuis des années. Alors, oui, ça peut être une opportunit­é de montrer à quel point cette industrie est stratégiqu­e… »

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