Eurobiomed se mobilise pour la filière healthtech Initiative
La problématique ? Les entreprises innovantes dans le secteur de la santé sont particulièrement scrutées depuis l’apparition de l’épidémie, mais doivent néanmoins – de façon presque structurelle – affronter de nombreux défis. En priorité celui du financement (de la R & D, notamment, mais aussi celui du développement…). Eurobiomed, pôle de compétitivité du Grand sud (en Sud-PACA et en Occitanie), qui depuis 2006 a déjà soutenu 290 projets (pour 1 milliard d’euros d’investissement), a donc lancé une enquête auprès de ses adhérents (250 entretiens au total) pour connaître l’impact du Covid-19 sur leur activité. Et pu ainsi, en partant de données chiffrées, identifier 4 axes de développements stratégiques pour relancer et consolider la filière healthtech. Afin, cette fois, d’être prêt et de pouvoir mieux faire si de nouvelles crises survenaient. Sa directrice générale (depuis 2012), Émilie Royère, dévoile et commente la “feuille de route” ainsi tracée…
. Souveraineté technologique et sanitaire
L’urgence, selon les résultats de cette étude, est de repenser notre autonomie sanitaire ; autonomie qui ne peut être garantie que par une relocalisation massive des sites de production et de bio-production, de matières premières, de principes actifs, d’équipements pour le soin… Mais l’accent est également mis sur l’importance de renforcer la healthtech, afin que les innovations qui répondent à des enjeux de santé forts trouvent des solutions de développement, pour ne plus être rachetées par de grands groupes internationaux, faute de financement suffisant. « Parce que le meilleur traitement de demain pour soigner le cancer X ou Y, commente Émilie Royère, sera peut-être découvert en France ou en Europe, mais sera mis sur le marché par une entreprise étrangère. Et donc pas forcément accessible à tout le monde. L’enjeu est majeur… Parce qu’aujourd’hui, on finance la partie la plus risquée, mais dès que les développements sont proches du marché et que les besoins commencent à être importants, bien souvent, on n’est plus en mesure de lever les fonds nécessaires. C’est bien dommage… ». Alors de proposer, entre autres pistes, de rediriger l’épargne vers les fonds d’investissement, d’élargir les capacités d’intervention de la BPI, etc.
. Renforcer l’innovation et la R & D
La crise a également mis en lumière l’importance de disposer d’une recherche fondamentale puissante, ainsi que la nécessité de connecter recherche clinique et industrielle, afin que les innovations, sorties des laboratoires, puissent se transformer en produits et services disponibles pour tous. «En premier lieu, on s’adresse à l’État puisque la place de la recherche dans la stratégie nationale est au coeur du sujet. La BPI, comme l’Agence nationale de la recherche, ou le CNRS font partie des principaux opérateurs. Tout comme nos régions et nos métropoles, qui contribuent à l’effort. Mais, depuis la loi NOTRe (datant de 2015), les guichets de financement sont moins stabilisés. On pense donc qu’il faut rendre le système plus simple, plus efficace et plus pérenne ». Accompagner les
PME du secteur dans les procédures de marchés publics, ou encore les entreprises vers les donneurs d’ordre, via les pôles, font partie des préconisations…
. Soutenir la croissance par le chiffre d’affaires
Quid de l’avenir des entreprises de R & D ne générant pas encore de CA ? Et celles qui avaient déjà développé une activité de services ou de production et vente de produits ? Là encore, il s’agit de se repenser. « Pour les entreprises qui font du chiffre d’affaires, il y a, a priori, des mesures d’accompagnement, comme l’accès aux marchés publics, mais ce n’est pas si simple. Ce qui pose la question de savoir s’il ne faut pas, pour qu’elles puissent affronter les marchés internationaux, les aider à avoir une taille critique plus importante… Pour les autres, qui sont plus sur un modèle de R & D, et économiquement fragiles, et dans la mesure où la santé est un secteur entièrement mondialisé, il faut aller chercher des partenaires, où qu’ils soient. On n’est pas dans une logique donneurs d’ordres - sous-traitants, ce qui rend le sujet complexe, puisqu’aujourd’hui, il n’existe aucun lien structuré entre les grands distributeurs et cette kyrielle de jeunes entreprises qui développent des produits très innovants. Donc, il y a un effort de structuration à faire pour les emmener vers ces grands groupes. Et c’est ce que l’on se propose de renforcer. C’était déjà prévu dans notre feuille de route, qui court jusqu’en 2022, mais qu’on va accélérer au regard de la crise ».
. développer des outils territoriaux différenciants
« On est parti du constat que notre territoire a des atouts indéniables dans le secteur de la santé, et contribue au développement des entreprises biotech et meditech qui les hébergent. Mais la crise a fait prendre conscience de l’importante accrue d’avoir une filière santé puissante. La compétitivité mondiale, du fait du Covid, va s’accentuer. On a des CHU d’excellence, un niveau de qualité de soins très élevé, un tissu d’entreprises – nombreuses, mais qui restent très petites – et, depuis quelques années, il y a une volonté politique forte de soutenir la filière. Maintenant, il faut passer à une phase de déploiement d’outils qui vont faire que nos atouts se transforment en richesse économique. » L’enjeu, là encore, se cristallise sur l’investissement, mais cette fois au plan local. Mais pas que. Avec, entre autres, le projet d’Eurobiomed visant à doter la région d’un accélérateur d’entreprises. « Un atout en terme de développement scientifique, technologique et économique… », conclut Émilie Royère. Qui, malgré le contexte, se veut positive. « Parce que cette crise a aussi révélé l’agilité de nos entreprises. On a été capables de passer outre les barrières réglementaires et administratives, autant de freins depuis des années. Alors, oui, ça peut être une opportunité de montrer à quel point cette industrie est stratégique… »