Audibert-Troin : décidé à partir, contraint de rester Un pied de nez à ma carrière politique de ans”
Pour certains élus locaux, cette crise sanitaire prolonge un mandat qui devait être leur dernier. C’est le cas pour le président de Dracénie Provence Verdon. Il revient sur cette situation
Le dernier conseil communautaire, sous les applaudissements émus des élus présents, il l’a vécu, Olivier Audibert-Troin. C’était le 5 mars dernier, et le président de l’Agglo tirait sa révérence en compagnie du maire de Taradeau Gilbert Galliano et de la maire de Salernes, Nicole Fanelli. Sauf que… une crise sanitaire mondiale plus tard, les trois élus sont encore là. Olivier Audibert-Troin revient sur cette situation un peu particulière, qui devrait s’achever après le second tour des élections municipales, fin juin. À l’issue les nouveaux maires installés pourront élire un nouveau président d’Agglo. En attendant, OAT est toujours là.
Vous deviez quitter la sphère politique, mais finalement, face à la crise, vous êtes plus que jamais engagé. Comment analysez-vous la situation ? Quelques fois, et ça m’est arrivé, les hommes politiques font tout ce qu’ils peuvent pour être élus. Ils se dépensent sans compter, et dépensent de la même façon. Là, on est dans une situation renversée, avec des élus qui avaient décidé de partir et qui sont contraints de rester. C’est extraordinaire au sens premier du terme. De mon côté, je le vois comme un pied de nez à cette petite carrière politique qui a été la mienne pendant ans, et c’est assez drôle (sourire).
Pour autant, vous êtes sur tous les fronts…
Ce n’est pas au milieu de la tempête qu’un capitaine doit quitter le bateau. Je comprends que le gouvernement, avec ses relais locaux qui sont les préfets, ait fait valoir le fait qu’il fallait, pour gérer la situation, s’appuyer sur des équipes qui connaissent parfaitement les rouages et les mécanismes administratifs. Nous, les anciens, on a des réflexes, des coordonnées, on se connaît avec les services de l’État. Ça fluidifie l’ensemble des décisions que nous avons à prendre. Inversement, une nouvelle équipe, avec de nouveaux élus, il faut toujours quelques semaines, voire quelques mois, pour prendre la mesure des choses, prendre les bonnes habitudes. Et ça n’a rien à voir avec les capacités des nouveaux élus, mais l’Agglo est un gros paquebot.
En quoi consiste votre travail ces jours-ci ?
Il y a des tas de décisions techniques encore à prendre. La gestion de la crise, principalement, et la sortie de la crise. Ceci au regard de nos compétences bien sûr. Sans oublier la continuité des services publics. Il a fallu prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité sanitaire pour nos personnels. Nous sommes plus de !
Concernant les décisions politiques prises durant la crise, laquelle vous tient àcoeur? Le soutien à notre économie. On décide d’allouer euros à un fonds de soutien, il faut calculer comment on peut le faire. De la même façon, quand la cellule de crise est mise en place, il faut décider de son fonctionnement. Et sur ce sujet, ce n’est pas fini.
Comment avez-vous fonctionné, concrètement ? Nous avons continué de tenir des bureaux d’Agglo. En visioconférence d’abord, et depuis le déconfinement, avec les élus de présents, mais en respectant la distanciation sociale.
Avec un oeil sur l’après ? Ma responsabilité, c’est de préparer la suite. La mise en place de la future équipe. Il faut, quand elle arrive, que tout soit prêt. On prépare par exemple ligne après ligne le budget. Il y a énormément de travail à faire.
Au regard de cette crise, que retenez-vous de votre passage à la tête de l’Agglo ? En tant que président de cette intercommunalité, j’aurais connu deux crises d’une ampleur sans précédent, et j’aurais préféré ne jamais les connaître. Le juin et ce qui a suivi en plus de cette crise sanitaire. Je prends ma situation personnelle avec du recul. Avec énormément d’attention.
Si vous deviez comparer les deux époques, que diriez-vous ? Il y a quelques années, il s’agissait de sauver des vies. Et ensuite, j’ai continué cet engagement d’une vie, avec la présidence du Syndicat mixte de l’Argens. Une telle crise, ça marque à vie. On n’est plus le même après. La crise sanitaire, ce sera pareil. Nos enfants et petits-enfants en parleront encore des années.
Regrettez-vous ce prolongement forcé ? C’est un territoire qui me tient aux tripes. Même si tout ça me coûte. J’avais prévu de quitter mes fonctions autour du avril, et j’avais pris des engagements sur des projets personnels. Tout est reporté. C’est ça, l’intérêt général. Il prime sur tout le reste.
De là à vous faire revenir sur votre décision de quitter le monde politique ? Ma décision est prise, elle est irrémédiable. Par contre, avec mes ans d’ancienneté qui pèse sur mes épaules (sourire) ,et mon carnet d’adresses, à Matignon ou même dans l’opposition (rires) ,est à la disposition entière et totale des nouveaux élus de l’Agglo. Je ne serais plus dans le jeu politique dans sa forme institutionnelle, par contre, je suis là pour aider, si on me demande. Je reste entièrement joignable et disponible de manière totalement désintéressée.
C’est-à-dire ? Il faut savoir tourner la page, et quand le nouveau conseil d’agglo sera installé, je serais un citoyen lambda. Mais si on me sollicite, j’apporterai mon aide avec le plus grand des plaisirs.
Avez-vous hâte que cela s’arrête ? Oui. Dans ma tête, je m’étais préparé. C’est difficile de sortir de
ans d’une activité qui vous a pris les tripes du matin au soir, les week-ends etc. Ça demande une préparation morale. Et je l’avais faite. J’ai connu ça, trop connu ça : les personnes qui n’ont pas préparé leur sortie. Ça crée un grand vide, un grand trou. Je suis très lucide làdessus : le lendemain du jour où vous vous arrêtez, plus personne ne vous connaît. Au bout de heures, tout le monde aura oublié mon nom (très sérieux). C’est la règle du jeu. Je me suis mis ça dans la tête, et je me suis préparé à redevenir un citoyen comme les autres. Après, ce n’est pas parce que je suis préparé que le fait de devoir continuer devient le supplice chinois (rires) !Il est sain que les choses s’arrêtent. Et ça voudra dire qu’on est revenu dans une situation normale. Pour le bien de tous, au plus vite ça s’arrêtera, au mieux ce sera.
En attendant, vous êtes là… Je reste à la barre, la désertion n’a jamais été ma façon de vivre. J’ai toujours assumé totalement. On me demande de rester, je reste. Et le jour où le décret ou la directive “x” tombera, en disant : « Ça y est, ils sont plus présidents », eh bien je ne serai plus président.
Au bout de h, tout le monde aura oublié mon nom ”