Var-Matin (Grand Toulon)

Un Rocher inébranlab­le !

Confinemen­t. Déconfinem­ent. Championna­ts majeurs annulés. Dylan Rocher encaisse les coups avec la volonté farouche de revenir encore plus fort sur les boulodrome­s. Attention danger...

- RAPHAËL COIFFIER

Une brûme épaisse a enveloppé la planète pétanque. Sur les boulodrome­s, ça ne ferraille plus. Les colisées sont silencieux. Les magiciens d’Obut et d’ailleurs ont remisé leurs rondes fiancées. Si souvent martyrisée­s quand claque le métal sur le gravier... Dylan Rocher, sur la grève, s’est fait une raison. Malgré des ambitions noyées sous la sombre vague du virus. Durant deux mois, l’extraterre­stre s’est fait homme. Père de famille, confiné à la maison. « Finalement, j’ai bien traversé cette période délicate. Elle m’a permis d’être avec ma femme et ma fillette âgée de 2 ans. J’en ai bien profité... » Un changement radical au regard d’une saison normale. Rythmée par les week-ends sur la route. Les tournois à écumer. Un statut à défendre. Aux côtés de ses complices des délices boulistes, Henri Lacroix et Stéphane Robineau. « Couper avec lesboules, ça fait du bien. On joue tellement toute l’année que tu risques d’en perdre le plaisir... » Le tireur d’élite a toutetois taquiné le bouchon de temps en temps sur son terrain privé. « Pour ne pas perdre le bras... » Ce bras magique qui l’a mené sur le toit du monde. Ce bras désarticul­é au moment d’embrasser l’adversité. « Je sais, j’ai un geste atypique. Totalement désaxé. Je l’ai depuis tout petit et c’est ma marque de fabrique !» Et tant que ça fait mouche, pas question de remettre le mécanisme dans de‘‘ l‘axe. Depuis ses premiers pas sur les champs pétanque, dans le sillage d’un papa déjà champion du monde, Dylan pointe ainsi. A sa manière. Efficace en diable... « Mais le plus dur, c’est de se maintenirà ce niveau. En haut de l’affiche. Il ne faut pas croire que ça tombe du ciel. Etre régulier, c’est le plus compliqué...» Surtout lorsque vous n’êtes pas profession­nel. Que vous avez un métier à côté. C’est dire sa déception lorsque le break dance a raflé, en deux coups de hip hop, le précieux ticket olympique à une pétanque en larmes et caetera. « J’avais l’espoir que ça change avec les Jeux de Paris. Ils auraient pu nous ouvrir des portes et ça aurait été énorme... » Las, les pétanqueur­s ont été renvoyés à leurs vieux clichés ringards... « A l’école, quand je disais que je jouais aux boules, on se moquait de moi. On me balançait : ah oui, le bob, le Ricard. J’en ai souffert. Vraiment. » Les temps ont changé. La chaîne L’Equipe, avec ses retransmis­sions en direct, y a notamment participé. La personnali­té de Dylan également y a contribué. « Je me rends compte que ça évolue. Oui, j’ai peut-être apporté ma pierre à l’édifice. Ne serait-ce que par ma jeunesse...» Sa belle gueule aussi. Son naturel. Et son talent au service d’une équipe - de France ou de Fréjus depuis deux ans - galactique quelle que soit la scène où elle s’exprime. Une belle au bois dormantdep­uis mars 2020 avec des championna­ts (du Var, de France et du Monde) sur le flanc ou encore des Masters en sursis. Sans parler du chapeletde tournois que le coronaviru­s a mordu jusqu’au sang. Jusqu’à l‘annulation. «

L’avenir est incertain car notre sport est en première ligne. Ce n’est pas facile à digérer, même si je ne suis pas à la rue. Disons que ce sera une année compliquée... » Même ses engagement­s à l’étranger, en particulie­r en Espagne et au Canada, n’ont pu être honorés. Pourtant, ce Rocher mouvant aime tellement se produire loin de ses frontières de confort. Partager son art avec les enfants. Leur dessiner un arc-en-ciel par petites touches d’humanité. « A Madagascar, j’ai été choqué par la pauvreté. Je me souviens de ces bambins qui faisaient des parties de boules avec des cailloux... » Il n’a rien oublié, aussi, de ce stage à Abidjan destiné à former des jeunes aux anges. « Toutes ces rencontres sont tellement enrichissa­ntes. Et voir des étoiles dans leurs yeux, c’est... C’est... » L’ambassadeu­r peine à trouver les mots et embraye comme pour mieux se dégager de ses entiments profonds. « Le premier conseil que je leur donnais, avant même la gestuelle, c’était de s’amuser. Il ne faut jamais perdre ça de vue. » Comme il s’amusait jadis à l’école de pétanque. Avant de se forger la carrure d’un géant. De faire la renommée, pendant six ans, de l’ABC Draguignan. Puis du FIP (Fréjus Internatio­nal Pétanque) avec, encore et encore, la volonté d’enrichir son palmarès.

A l’école, quand je disais que je jouais aux boules, on se moquait de moi... ”

‘‘ A Madagascar, j’ai été choqué par la pauvreté. Je me souviens de ces bambins qui faisaient des parties avec des cailloux ”

« J’ai tout gagné, c’est vrai. Mais je me motive en voulant battre des records. Tous les records. » Sachant qu’il compte poursuivre sa moisson au moins jusqu’à son 45e printemps (il en a aujourd’hui 29), c’est dire si les hivers risquent d’être froids pour ses rivaux. « Tenir comme les Quintais, Lacroix, Suchaud, ce serait top. En tout cas, je ferai tout pour garder la forme. » Cette forme qu’il ne néglige jamais. « Je fais pas mal de sport. J’adore ça. » Il n’y a que le mental que Dylan ne façonne pas. Il l’a déjà. Solide comme la pierre... « Le bruit du public, les sifflets même parfois, ça ne me gêne pas.

Quand je suis concentré, je suis concentré. » Et qu’importe la surface de représenta­tion - « même si nous, les Français, on a un faible pour les terrains accidentés car il demande de la technique » - seul compte le tableau final. Le dernier tir. En plein dans le mille !

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