On révise ses classiques
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On célèbre cette année le centenaire de la naissance (1) de Boris Vian (le 10 mars 1920), l’occasion est donc belle de ressortir dans cette rubrique un de ses romans. Ce sera L’Écume des jours. Certainement l’un de ses plus connus aujourd’hui – il a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses adaptations sous différentes formes, dont l’une des dernières en date est le film de Michel Gondry avec Romain Duris et Audrey Tautou, en 2013 – il a pourtant fait un flop à sa sortie en 1947 (Gallimard). Et ce n’est qu’à la fin des années 1960 qu’il rencontrera le public, avant de gagner d’année en année ses galons de chef-d’oeuvre. En 1999, la Fnac et le journal Le Monde établissant un classement des cent meilleurs livres du XXe siècle l’avaient, par exemple, rangé à la dixième place. Si l’ouvrage a d’abord dérouté, c’est parce qu’il est effectivement particulier. Un peu conte, un peu roman, cette histoire à la frontière du surréalisme est celle de Colin et Chloé. Il est riche et aime le jazz, elle est parfaite mais tombe malade, un nénuphar lui pousse dans le poumon. Ici, les fusils poussent, les fleurs soignent, les souris font le ménage et les maisons rétrécissent quand on est triste. Ça pourrait être n’importe quoi, c’est magnifique. L’histoire se tient malgré les invraisemblances et les trouvailles imaginaires viennent poétiser les peintures, finalement très concrètes, que Boris Vian fait de la société française de l’après-guerre.
2 Un concentré d’émotion, de sincérité, de dénuement, de fougue. Si l’album Pearl ,de Janis Joplin n’est pas un classique, je rends mon clavier. Sorti à titre posthume en janvier 1971, la chanteuse ayant succombé à une overdose le 4 octobre 1970 en plein enregistrement de l’album avec le Full Tilt Boogie Band, ce disque est, de fait, devenu légendaire. « Pearl », c’était aussi l’un des surnoms de l’artiste, et elle est tout entière dans cette galette. L’énergie brute des premières secondes de Make Over qui ouvre le disque, le déchirement de sa voix rocailleuse sur l’intro de Cry Baby qui enchaîne, la douceur d’A Woman Left Lonely ensuite, la sobriété de Me and Bobby McGee, la ritournelle chamanique de Mercedes Benz, la sensualité de Trust Me... C’est presque trop, tellement tout y est. Blues, soul, rock, folk, l’une des premiers membres du tristement célèbre Club des 27 – Jimi Hendrix, Jim Morrison et d’autres, tous consumés à 27 ans – savait tout faire. Et on n’a rarement entendu mieux depuis.