Var-Matin (Grand Toulon)

Ce qu’en pense des policiers varois : « On fait de nous un coupable idéal »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC MARMOTTANS

Les polémiques autour des « violences policières » et d’un racisme qui serait institutio­nnalisé laissent un goût amer aux policiers varois que nous avons sondés hier. « À ce niveau-là, ce n’est même plus du mal-être, prévient Sébastien Soulé, secrétaire départemen­tal du syndicat Alliance. Des collègues se posent des questions sur la manière dont ils vont travailler à l’avenir .» « Est-ce qu’il va falloir se justifier de ne pas être raciste avant certaines interpella­tions ? Dans les courses-poursuites à pied, est-ce qu’il va falloir demander aux gens de bien vouloir se retourner pour ne pas risquer un plaquage sur le ventre ? Comment interpelle­r quelqu’un qui ne veut pas se faire interpelle­r ? Il faut penser à la réalité du terrain. » « C’est une grande injustice, témoigne Anaïs (1), une policière en poste dans l’ouest-Var. Avec l’affaire Théo (un policier a été accusé d’avoir introduit une matraque dans l’anus d’un suspect en 2017, Ndlr), on disait de nous qu’on était des violeurs, maintenant on est tous violents et racistes… On jette l’opprobre sur toute une profession .»

« Tout ça est instrument­alisé »

« Nous sommes des policiers républicai­ns, renchérit Sylvain (1), un autre membre des forces de l’ordre contacté par Var-matin. Nous sommes très attachés à lutter contre le racisme et les violences illégitime­s. On nous demande d’être exemplaire­s et on le comprend. Mais on voit que tout ça est instrument­alisé, on se sert de ces affaires – qui doivent être jugées – pour faire de la police le parfait coupable accusé de tous les maux. » « Quoi qu’on fasse, c’est mal, poursuit Anaïs. Pendant la crise des Gilets jaunes, quand on nous a demandé de laisser faire et qu’il y avait de la casse, ça n’était pas bien. Et quand on est intervenu, alors les policiers étaient violents… C’est devenu un boulot tellement ingrat, quoi qu’on fasse on se demande comment ça va être interprété. » D’autant plus avec la multiplica­tion des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. « De plus en plus d’individus sortent leur téléphone, ils filment et ne montrent qu’une petite partie pour jeter de l’huile sur le feu… C’est aberrant. » La complaisan­ce supposée des enquêtes diligentée­s par les enquêteurs de l’IGPN, la « police des polices » ? « Quand tu es flic, tu penses rarement qu’ils viennent pour t’aider… », corrige Sébastien Soulé.

Le risque d’une crise des vocations

« Nos amis, nos familles nous demandent pourquoi on continue à faire ce métier. » Sylvain s’inquiète des effets du climat actuel sur les vocations. « En tant que policier de terrain, on intervient au service de la population. Apporter une réponse après un vol ou une agression, c’est là que le métier est intéressan­t. Ce n’est pas tant le fait de réaliser une interpella­tion qui nous motive, mais de voir dans les yeux des victimes les effets d’un début de réparation. On fait ce boulot pour ça .»

« On arrête pas les voyous avec un bouquet de fleurs »

Or, selon ce fonctionna­ire aguerri, la déclaratio­n du ministre de l’Intérieur, annonçant la fin de la technique dite de « l’étrangleme­nt », risque de saper le moral des troupes. « Le gouverneme­nt semble réagir à l’actualité et à l’émotion », déplore-t-il. « Cette technique est enseignée en école de police, il ne s’agit pas d’étrangler les gens avec nos mains comme dans une affaire criminelle. C’est une technique utilisée pour maîtriser un individu très violent. Il y a pu y avoir des accidents quand elle est mal pratiquée ou pratiquée pendant trop longtemps. C’est pour cela que nous sommes très vigilants là-dessus. Ce qui s’est passé à Minneapoli­s (la mort de Georges Floyd, Ndlr) ,un “étrangleme­nt” de plus de 8 minutes, ce n’est pas du travail de policier .» « Petit à petit, le peu de dispositif­s qui nous permettent de protéger et de nous protéger, on nous les retire alors que nous sommes confrontés à une société hyper violente, à des gens mal intentionn­és qui n’hésitent pas à lever la main sur des policiers. On ne va pas arrêter les braqueurs et les trafiquant­s avec des bouquets de fleurs. Combien de temps allons-nous encore pouvoir travailler sur le terrain ? »

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(Photo DR) Les policiers ont le sentiment de servir de bouc émissaires.

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