Var-Matin (Grand Toulon)

Yann Arthus-Bertrand « Trop grande gueule »

Yann Arthus-Bertrand Lancé jusqu’à mardi dans ses « 100 portraits de Tropéziens », l’écolo multicarte redescend sur terre pour un panorama de ses films en cours, Sarkozy et revient sur ses débuts d’acteur à 17 ans.

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

Portraits des Tropéziens, exposition d’art salle Jean-Despas tout l’été, films en cours, projet fou en Corée du Nord, mais aussi halte dans son fief de PortCros... L’artiste-journalist­e, 74 ans, passe un été varois aux milles facettes. Veillant à concilier art, humanisme et engagement. L’objectif au repos pour quelques minutes, Yann Arthus-Bertrand, jusqu’à mardi en résidence artistique tropézienn­e, fait le point. Entre militantis­me et souvenirs d’acteur sur le vieux port.

Quel est le postulat de cette mini-résidence artistique ? La galerie Bel-Air Fine Art a organisé ma venue dans le cadre de mon projet France, une histoire d’amour .Ici,mêmes’ilyaune apparence de luxe exacerbé, on a tous les mêmes angoisses devant la mort, l’envie que nos enfants aient une vie heureuse, etc. Durant quatre jours, je photograph­ie donc salle Despas des gens pris au hasard tout comme les vieilles familles de Saint-Tropez. Surtout pas les people !

Et pourtant vous avez sollicité Brigitte Bardot qui a refusé... Je la connais bien. La cause animale nous a rapprochés. Je vais donc tenter de monter une session à la Madrague avec tous ces chiens autour. Et tant pis si ça n’aboutit pas...

L’exposition tropézienn­e est-elle une « excroissan­ce » de votre projet Legacy ? Legacy [Héritage] c’est avant tout un film en préparatio­n pour M sur les écrans avant Noël, la suite de Home, plus un livre qui sort bientôt. D’une certaine façon, il incarne ce que ma génération laisse aux suivantes. Ici, c’est davantage une exposition artistique, à la différence de ce que l’on retrouve à La Villette en ce moment où le propos est beaucoup plus engagé avec une expérience immersive.

L’autre film France, une histoire d’amour suivra-t-il ? Oui mais pas avant deux ans. Un gros mécène nous a laissés tombé à la suite du Covid, donc on repart à zéro pour en trouver un nouveau... La France est incroyable et ce film est là pour témoigner que l’on vit dans un pays inouï. Des paysages à la solidarité des gens... On l’a encore vu durant le Covid.

Vous avez été un temps produit par Luc Besson. Qui a pris sa succession ? J’ai ma boîte de production. Et puis il y a les mécènes...

Comme pour votre film Woman qui continue à vivre, après un lancement avorté... Oui, il sera d’ailleurs projeté à Saint-Tropez le  août en ma présence. Ce film, qui représente trois ans de travail, a été tué dans l’oeuf à cause du Covid, en mars, après un très bon départ en salles. Là, il est repris, mais dans l’indifféren­ce générale...

Que se cache-t-il derrière votre « projet dément » en Corée du Nord ? Une associatio­n influente de Coréens qui travaillen­t avec le Nord et le Sud m’a sollicité pour faire un film en drone sur ce pays. Je ne sais pas si ça se fera un jour, mais j’ai dit oui évidemment ! Je suis déjà le seul photograph­e à avoir pu survoler la zone démilitari­sée entre les deux Corées, alors qui sait ?

Nous venons de vivre un remaniemen­t ministérie­l. Avezvous été contacté par le passé ? Oui sous d’autres présidents... À l’époque de Sarkozy, avec qui j’ai de bonnes relations, même si je suis apolitique. Assez étonnammen­t, les gens ont oublié son engagement écologique à une époque. Ensuite, il a compris qu’il ne récupérera­it jamais de voix « vertes »... Mêmes pour les propositio­ns de missions, j’ai dit non. Je suis trop grande gueule et sensible pour supporter la méchanceté de la politique et surtout l’incapacité de changer les choses. Mes films, c’est faire de la politique d’une certaine façon.

Thomas Pesquet a repris votre concept avec ses photos vues de l’espace. En avez-vous parlé ensemble ? Nous devions nous rencontrer et puis ça ne s’est pas fait. Il était débordé. Mais j’ai l’impression que c’est un gentil mec.

Votre présence au conseil d’administra­tion de LVMH, partout présent à Saint-Tropez, s’avère-t-elle porteuse ? J’ai longtemps hésité. J’ai rencontré Bernard Arnault qui avait mauvaise réputation. Je l’ai trouvé très sympathiqu­e. On a rigolé... Mais souvent, je me demande ce que je fous là. Je pense que le capitalism­e détruit la planète... Mais c’est vrai, j’en dépends pour mes films, ma fondation, etc. En ce moment se négocie le rachat de Tiffany [maison internatio­nale de haute joaillerie, ndlr]. On parle de milliards... En même temps, c’est passionnan­t de voir les coulisses. Alors oui, il y a des moments où je les emmerde parce que je suis censeur... Je dis si quelque chose ne me plaît pas. Un jour, ils arrêteront bien la fourrure... À mon petit niveau, j’essaie de les sensibilis­er sur les combats qui me sont chers. Et puis, de toute façon, il n’y a pas les « méchants riches » et les « gentils pauvres ». Ça ne marche pas comme ça le monde. J’essaie aussi de travailler avec Total... Bien sûr, on va se faire attaquer, mais cette firme n’est pas responsabl­e de la pollution. C’est nous qui consommons ! Ensuite, il faudrait juste qu’ils reconnaiss­ent que ce qu’il vende n’est pas bon pour l’humanité et pollue. Un peu comme le message sur les paquets de cigarettes...

La suite de votre été sera-t-elle varoise ? Je vais directemen­t à Port-Cros et, fin août, je travailler­ai sur le montage de Legacy. C’est drôle parce que la dernière fois que je suis venu à SaintTrope­z, j’avais  ans. C’était pour tourner Dis-moi qui tuer () avec Michèle Morgan, Jean Yanne, Dario Moreno... C’était à l’époque où je voulais faire du cinéma. Un beau rôle mais j’étais très mauvais acteur ! (rire)

Woman aété tué dans l’oeuf par le Covid”

40 ans de photograph­ie et portrait des Tropéziens par Yann Arthus-Bertrand. Salle Jean-Despas. 16, boulevard Vasserot, à Saint-Tropez. Exposition jusqu’au 19 septembre.Tous les jours de 11 h à 21 h, le mardi et samedi de 10 h à 21 h. Tarifs : 9 €, réduit 5 €. Rens. www.saint-tropez.fr

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