Var-Matin (Grand Toulon)

Flora Doin, figures de style

Flora Doin Cette webmaster de Beaulieu à l’âme d’enfant adore donner forme à des mondes imaginaire­s et poétiques. Ses figurines ont séduit Mathias Malzieu, qui les a utilisées dans son dernier film.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Elle est incapable de « ne faire qu’une chose àlafois» . Pendant son master en mathématiq­ues, elle s’est lancée dans la création de sites web. Et la rédaction d’articles et de photos autour des festivals, pour la route. Webmaster pour la Ville de Nice depuis dix ans, Flora Doin s’est trouvé une nouvelle occupation. En plus de ses sorties en mer, pour dériver à la voile ou en paddle, de ses heures passées à jouer de la guitare ou du piano, elle s’est éprise de la sculpture. Avec de la pâte à modeler, d’abord. « J’ai démarré dans des circonstan­ces assez tristes. J’ai perdu mon papa il y a six ans. Avant sa disparitio­n, il était souvent à l’hôpital. Un jour, je lui ai fait un petit Minion, un personnage du film Moi, moche et méchant. Je lui avais amené ça pour lui changer les idées », glisse la Berlugane âgée de 35 ans.

Kusturica « comme un gosse »

Privée de ce père qui lui a transmis «une part de malice et l’envie de voir les choses de manière ludique, en conservant une âme d’enfant », Flora Doin a continué à créer. En autodidact­e, en troquant la pâte à modeler pour la pâte Fimo, à cuire au four. «Ilnemesert­qu’à ça ! J’habite au quatrième, ma mère est au premier. Le soir, généraleme­nt, elle me ravitaille. Il faudrait peut-être que je m’y mette, mais bon...»

Elle sourit et son masque de timidité fond un peu. On lui demande si elle serait capable de relier les points entre toutes ses passions. « Le point commun, c’est sans doute la musique. Parce que, tout en écrivant pour plusieurs médias [le magazine papier Azur Musique ou encore les sites Nice Premium, ndlr], j’ai commencé à offrir mes figurines aux artistes. Quand j’étais petite, je fabriquais des trucs à deux balles, des papillons avec des pinces à linge, par exemple. Et l’idée, c’était déjà de les offrir. »

Plutôt habitués à recevoir des fleurs, des peluches voire des petites culottes, les intéressés boudent rarement leur plaisir en voyant leur bobine reproduite en version réduite. « C’est rigolo de voir leurs réactions. Emir Kusturica, un monstre du cinéma, était comme un gosse. Il m’a donné l’impression d’avoir quatre ans quand je lui ai donné sa figurine aux Nuits Guitares de Beaulieu, où il jouait avec The No Smoking Orchestra. »

Grâce à ces petits objets de vingt-cinq centimètre­s de haut, confection­nés en quatre heures par ses soins, la discrète Flora parvient à tisser un lien avec des artistes qu’elle admire. Des hommes et des femmes qui ont pour point commun de ne pas être engoncés dans un rôle d’adulte pas forcément taillé pour eux, capables de se laisser porter par leurs émotions et leurs inspiratio­ns. L’acteur et metteur en scène Alain Chabat fait partie de ceux qui l’ont enthousias­mée. Tout comme l’écrivaine Amélie Nothomb ou encore l’humoriste Michaël Gregorio, son chouchou.

Mathias Malzieu, le fidèle

« Voir les choses de manière ludique. »

Un autre pourrait tout de même lui disputer ce titre. Il s’agit de Mathias Malzieu, leader du groupe Dionysos, écrivain et metteur en scène. Flora Doin l’a rencontré pour une interview. « On est restés en contact, il m’a demandé une autre figurine deux ans après. Dans la version poche de son livre, Journal d’un Vampire en pyjama ,onlavoit.» L’an dernier, Mathias Malzieu l’a encore sollicitée. Pour obtenir des grands modèles, cette fois. Renforcés avec de l’alu et du fil de fer, ils demandent près de deux semaines de travail à Flora. Juste le temps imparti pour cette commande. Sauf que Malzieu en voulait... cinq, pour le tournage de son dernier film, Une sirène à Paris, en Macédoine. « Les trois premiers modèles ne sont jamais arrivés, il a fallu les refaire sur place. Il y en a quand même deux à moi à l’écran. J’ai eu une belle surprise, on les voit en très gros plan, à plusieurs reprises. Le film est sorti trois jours avant le confinemen­t. C’était super émouvant, je suis allée le voir trois fois. »

Le 6 août, Mathias Malzieu sera justement au cinéma de Beaulieu pour présenter Une sirène à Paris. Deux jours plus tôt, il aura assisté à la projection de son précédent long-métrage, Jack et la mécanique du coeur. Entre les deux séances, il ira sans doute, en chair et en os, observer son double d’argile polymère...

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