Un espoir marseillais pour les formes graves de Covid-
Le cluster Marseille Immunopôle a publié, cette semaine, les résultats encourageants d’une étude sur la réponse immunitaire au virus, ouvrant la voie à un traitement qui fait l’objet d’un essai clinique
Ce n’est pas l’équipe marseillaise dont on a le plus parlé à propos des recherches sur la Covid-19. Réunis au sein du cluster Marseille Immunopôle (lire ci-dessous), des chercheurs phocéens ont travaillé, loin des polémiques, sur la réponse immunitaire au SARS-CoV-2. Ils ont mis en évidence le rôle d’une molécule hautement inflammatoire, la protéine C5a, dont les niveaux sanguins augmentent avec la gravité de la maladie. Le blocage de la voie entre cette molécule et son récepteur C5aR1, fortement exprimés dans les poumons des patients atteints de formes sévères de la Covid-19, pourrait stopper l’inflammation délétère dans les cas les plus graves de la maladie. Les résultats de cette étude EXPLORE Covid-19 ont été publiés mercredi dans la revue Nature . Le professeur Eric Vivier, immunologiste, coordinateur de Marseille Immunopôle et cofondateur et directeur scientifique de la société de biotechnologies Innate Pharma, en explique les grandes lignes.
Quelle était votre stratégie au lancement d’EXPLORE Covid- ? Notre stratégie, c’était tout simplement de mettre tous les moyens possibles sur l’étude de la réaction immunitaire lors de l’infection par le SARS-CoV-.
On a pu le faire dans le cadre de Marseille Immunopôle, qui regroupe toutes les forces vives de l’immunologie sur Marseille et qui fluidifie les interactions entre ses différents partenaires.
Innate Pharma a pris le lead de ce projet en collaboration avec l’hôpital de la Timone, l’hôpital Nord et l’hôpital militaire Laveran, ainsi que le laboratoire d’immunoprofiling de Marseille Immunopôle / AP-HM à l’hôpital de la Timone.
Comment s’est déroulée l’étude ? Nous avons suivi une cohorte d’une centaine de patients à des stades différents de la maladie. Si % ne présentent pas ou peu de symptômes, % des patients évoluent vers une pneumonie
sévère, et % vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë. C’est à ces cas les plus graves que nous nous sommes intéressés. En particulier, on a regardé une quarantaine de paramètres immunitaires et on a repéré une molécule, Ca, dont les niveaux sanguins augmentent proportionnellement à la sévérité de la maladie.
C’est quoi, la protéine Ca ? On a beaucoup parlé de la « tempête de cytokines » [une
très forte réaction inflammatoire, Ndlr] mais moins de la cascade du complément, dont fait partie Ca. C’est une voie très importante de l’immunité. Ce sont molécules qui s’activent les unes les autres, un peu comme dans un jeu de dominos. Ca est un peptide hautement inflammatoire de cette cascade du complément, dont l’étude a montré que le niveau s’élève en fonction de la gravité de la maladie chez les patients atteints de pneumonie et d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). En montrant que Ca attire les cellules inflammatoires du système immunitaire dans le sang, mais aussi dans les poumons où son récepteur CaR est exprimé fortement à la surface des cellules myéloïdes (neutrophiles et monocytes), on a mis en évidence le rôle clé de la voie Ca/CaR dans l’initiation et le maintien des réponses inflammatoires qui vont finir par déclencher l’orage cytokinique. Quand cette voie est activée, on entre dans un cercle vicieux qui conduit à placer les patients sous oxygène et en réanimation.
L’objectif suivant était donc de bloquer cette voie Ca/CaR ? Même si l’on sait qu’à l’avenir le contrôle du Covid- passera par les vaccins et les antiviraux, dès le départ et face à l’urgence, on s’est dit qu’il fallait trouver des solutions pour les malades atteints des formes les plus graves. C’est très long de développer de nouveaux médicaments, mais on a un arsenal déjà très grand, et on a cherché comment repositionner des molécules sur le traitement de cette nouvelle maladie.
Innate Pharma a développé un médicament, l’avdoralimab, qui bloque le lien entre Ca et son récepteur CaR. En bloquant cette voie, on veut bloquer l’infiltration dans les poumons et l’inflammation délétère qui s’ensuit.
Votre étude a-t-elle débouché sur un essai clinique ? Sur la base de ces résultats, nous avons annoncé le début d’un essai clinique de phase II randomisé en double aveugle. Cet essai qui s’appelle ForCE (« For Covid- Elimination ») a débuté le er avril et se poursuit pour tester le blocage de la voie Ca et évaluer la tolérance et l’efficacité d’avdoralimab chez des patients atteints d’un Covid- entraînant une pneumonie sévère. L’objectif est d’améliorer la proportion de patients atteints d’une pneumonie sévère qui n’ont plus besoin d’être hospitalisés et de réduire le besoin et la durée de ventilation mécanique chez les patients atteints d’une pneumonie compliquée par un syndrome de détresse respiratoire aigu. On continue de recruter des patients éligibles, donc des malades du Covid- avec une pneumonie sévère. Si cela motive des collègues niçois…
A l’avenir, le contrôle de la Covid- passera par les vaccins et les antiviraux ” On continue de recruter des patients éligibles ”