Monaco : elle utilisait la carte bancaire de sa patronne, condamnée au tribunal
Une servante, aujourd’hui sans emploi, avait trop tendance à faire chauffer la carte bancaire de sa fortunée patronne suédoise. Jusqu’à lui soutirer quelque 300 000 euros entre 2015 et 2016 d’après la partie civile. Alors, la prévenue a été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel de Monaco pour abus de confiance. Mais la justice n’a pas retenu ce montant effarant. Le détournement se situerait autour de 114 444,83 euros attribués aux seules dépenses personnelles. Malgré les comptes d’apothicaires établis sur deux ans d’instruction, il était en effet quasiment impossible de répartir l’impartialité des responsabilités éventuelles entre les vingtcinq domestiques au service de la maîtresse de maison. D’emblée, l’employée de 38 ans, à la double nationalité marocaine et italienne, a toujours contesté les faits. D’autant qu’elle assurait n’être pas la seule salariée à utiliser ce moyen de paiement électronique. La prévenue charge en particulier une autre camériste scandinave. Elle aurait profité allègrement des subsides de la richissime résidente en principauté pour se rémunérer partiellement de ses services. Impossible d’en savoir plus. Réfugiée depuis en Suède, elle n’a jamais répondu aux convocations. D’où la demande d’un réquisitoire supplétif aux prémices de l’audience sollicité par l’avocat de la défense, Me Yann Lajoux. Tout comme la réticence du premier substitut Olivier Zamphiroff face à l’absence de confrontation entre les deux ancillaires pour évaluer au plus juste leurs niveaux respectés de responsabilités. Aucune incidence cependant : le dossier a été retenu par la formation collégiale. Dans un premier temps, la plaignante avait confié à sa gouvernante la garde de ses enfants et un moyen de paiement pour effectuer les dépenses afférentes à la maisonnée. Il fallait chaque fois justifier du montant payé par une facture ou un ticket. Cependant, en 2016, la patronne remarque une gabegie financière : des retraits en liquide intempestifs et plusieurs dépenses inconsidérées. La domestique est vite soupçonnée, car elle a un accès majoritairement aux cartes bancaires. « On vous reproche, énonce clairement le président Florestan Bellinzona, la méthode d’un premier achat identifié suivi aussitôt d’une seconde dépense sans justificatif. Comme ces chaussures : pourquoi correspondent-elles à une pointure enfant ? Des vêtements de taille 44-46 pour une personne aux mensurations 3840. Une montre, des bijoux ou encore des meubles achetés en Italie. Enfin, 70 110 euros de retraits en espèces aux distributeurs. Expliquezvous ! »
« Un dossier fait de bric et de broc »
La prévenue n’en démord pas : « Tout était bien destiné à ma patronne et justifié. Ceux sans billets ont-ils été faits peut-être par d’autres employés ? La différence de taille des vêtements, c’est parce que cette dame est forte de poitrine et mince du bassin. En Italie, Madame était bien avec moi dans le magasin. » Sceptique sur les affirmations entendues, le magistrat rétorque par quelques incohérences relevées dans les PV d’audition. « Tous vos anciens collègues disent le contraire de ce que vous affirmez. Et la Land Rover, vous l’avez achetée avec votre salaire ? Votre amie suédoise rapporte que vous vous vantiez d’avoir acheté le véhicule avec les retraits d’espèces, soit 9 500 euros. » À nouveau, le représentant du parquet général sollicite un supplément d’information. « En magistrat avec sa liberté de penser, d’écrire, de requérir, je vais m’en remettre à la justice. Une confrontation aurait été opportune avec le fameux prince et la servante scandinave. Quand, à la tête d’une grosse fortune, on met en cause son entourage, il faut être réactif au moment de vérifier ses comptes, et non un an après… Relaxe ou culpabilité ? Cela devra être apprécié dans l’utilisation de la carte bancaire par des personnes qui se retirent des espèces et qui ne sont pas visées. » La défense ne manque pas de rappeler que ce dossier est fait «de bric et de broc. Le train de vie de la justiciable, démontre l’avocat, n’a jamais varié. Ses casiers sont vierges. Rien d’intéressant n’apparaît au cours des perquisitions au domicile de ma cliente. Rien ne permet de dire qu’elle est à l’origine du vol. Les retraits d’espèces ? Les seuls éléments matériels sont les déclarations de la plaignante. Les folies dépensières ? Il y a une masse de salariés qui travaillent au noir pour une partie civile qui paye bien et cash. Une autre employée suédoise jamais entendue ! Le doute doit profiter à la prévenue. Serait-elle un bouc émissaire ? Depuis son inculpation, elle ne peut plus travailler en principauté ». Le tribunal a retenu la culpabilité de la mise en cause à hauteur de 45 000 euros, car il n’était pas possible de déterminer précisément quels retraits frauduleux étaient constitués et ceux imputables à d’autres employés. Une condamnation à trois mois de prison ferme (couverte par les cent cinq jours de détention provisoire) a été complétée par le versement de 50 000 euros à la partie civile. JEAN-MARIE FIORUCCI *Assesseurs :Mmes FrançoiseDornieretSéverineLasch.