Peur du cluster sur le golfe
Après la fermeture vendredi soir, de deux établissements à Saint-Tropez et Ramatuelle, la presqu’île s’est réveillée ce week-end avec une petite gueule de bois : un soupçon d’inquiétude, pas d’affolement parmi le grand public mais une remise en question o
Vous voulez tuer le village ! »Aucafé sur le port de Saint-Tropez ce dimanche matin, des saisonniers crachent leur venin : l’information donnée par la direction des établissements touchés par quatre cas de Covid-19 – et relayée dans la presse – ne fait pas des heureux. Sous le masque de la colère, la crainte d’un été qui pourrait être plombé, un gagnepain émietté. Deux ruelles plus haut, là où bat le coeur du village, les paroissiens s’échappent de la messe dominicale. « La première fois où je vois vraiment tout le monde avec un masque », confie un fidèle parmi les fidèles. D’habitude, il y a toujours quelques réfractaires. La population est un peu inquiète naturellement, mais ils apprécient que les établissements concernés aient pris rapidement leur responsabilité. » Le baromètre tropézien a grimpé dans la teinte orangée vendredi, car la réalité est venue frapper à la porte d’à côté. Il faut reconnaître que le territoire du Golfe a vécu un confinement plutôt « heureux » : à l’image du Var, relativement peu touché par la pandémie. D’où l’impression qui s’est imprimée dans les esprits, que sa population serait épargnée pour un long moment, voire définitivement. Mais l’affluence touristique, massive (environ 30 % de hausse sur le mois de juillet) a bousculé la donne. Comme deux plaques tectoniques qui devaient fatalement se frotter. Vendredi dernier, en réunion de travail à La Londe avec les acteurs locaux du tourisme, le secrétaire d’État
Julia : « On ne fait pas assez attention »
À ans, cette jeune fait tester car ils sont pas mes distances : ma mère Tropézienne n’a rien d’une saisonniers cet été. » est pareille que moi, elle tête brûlée qui agirait au Une saison qui sonne travaille, elle voit des gré de ses envies sans se l’heure des ambiances amis. » préoccuper des récréatives. « Par rapport Pourtant, étudiante à Paris, conséquences. Mais, aux sorties, on n’y pense pas elle a vécu différemment. comme beaucoup de trop, mais il n’y a pas que les « À Paris, je le mettais tout jeunes de sa génération, jeunes qui sont relâchés, le temps. Ici, ce n’est pas la elle traverse cette période trouve-t-elle. J’avoue que la même façon de vivre. On a de post-confinement d’une Covid, c’était un peu oublié l’impression que c’est les façon assez libre. « En fait, en juillet. Ça ne m’a pas vacances. Que l’on est dans c’est vrai qu’on ne fait pas empêché d’aller dans des une bulle. Mais on se rend assez attention », reconnaîtelle endroits très fréquentés ». compte que c’est encore sans se voiler la face. Le masque, « je l’ai toujours dangereux. » Même si elle opère une sur moi » car il s’impose La bulle s’est percée et son distinction selon ses cercles dans de nombreux lieux. regard a évolué : amicaux. « Mes amis, je les Et avec ses proches, quelle « Franchement, ça m’a un connais, la moitié se sont précaution ? « Je ne garde peu calmé .»
Jean-Baptiste Lemoyne, s’il s’est félicité de l’attractivité, a pu noter l’envers du décor avec des professionnels inquiets d’une telle affluence.
Rumeurs et réalité... Indie rouvre
Ce week-end, la contagion a surtout progressé dans les esprits : les rumeurs les plus folles ont circulé sur la fermeture d’une demi-douzaine d’établissements dans le Golfe. Mais la réalité est claire : un foyer de contamination s’est développé parmi le staff du restaurant-bar, Pablo, place des Lices (lire ci-contre). L’un des dirigeants, Vincent Luftman, livre les derniers éléments : « On prend les mesures adéquates en lien avec l’ARS qui nous épaule vraiment. On a tout arrêté dès la première alerte. L’idée, c’est de casser la chaîne, notamment par rapport au reste du village ». Et qui tient à faire « taire la rumeur » d’une fermeture administrative qui tomberait à pic : « c’est un hasard de calendrier », l’ARS a préféré mettre les 30 employés de Pablo en quarantaine. Parallèlement, l’établissement Indie Beach, dont les suspicions ont été écartées, rouvrira ce mercredi.
Piqûre de rappel
Après la mise en demeure de quatre établissements de plage à Pampelonne par la Préfecture pour des précautions insuffisantes en matière sanitaire (lire ci-contre), l’attitude responsable est montée d’un cran. Certains avaient déjà pris des mesures drastiques. Le palace le Byblos avait envisagé de tester ses 300 salariés ce lundi, confirme Christophe Chauvin, mais « faute de personnes symptomatiques », l’opération n’a pu se faire. « On a resserré les mesures et le masque est obligatoire partout depuis l’alerte du week-end. » L’hôtel [qui a eu une suspicion négative en juillet] dispose d’un « référent Covid, avec un plan d’action ». Un groupe whatsApp réunit même les grands hôtels dans une chaîne de solidarité. « Nos clients nous demandent quelle procédure nous avons mise en place. Ils viennent car il y a une sécurité. » Seule déception, pour les Caves du Roy : la commission de sécurité n’a pas validé de transformer la discothèque en restaurant. « Je pense qu’on ne voulait pas créer une jurisprudence », esquisse le directeur Junior Deschene, constatant « que la situation se complique », localement. Le temple des nuits tropéziennes restera dans le noir cet été.
Mesures renforcées
À Noto (place des Lices), on teste la température dès le cordon d’entrée et on impose le masque pour rejoindre la salle intérieure. Désormais, impossible de s’inviter dans un restaurant à ambiance musicale sans réserver une table. Une chanteuse à visière au Quai, papillonne sans que cela ne cache ses expressions. En ce week-end de chassé-croisé, la déambulation était fluide sur le port.
La quinzaine qui s’annonce est cruciale. Un restaurateur tacle certains confrères, trop relâchés : il n’avait pas vu de port du masque en continu « jusqu’au contrôle de la gendarmerie il y a trois jours ». Les réseaux sociaux pourtant si choyés d’habitude, ont été nettoyés : scènes de liesse sur les plages et célébrations avec magnum de champagne ont disparu. Pour rassurer leur clientèle, on met les codes en avant. l’Opéra a publié, avant-hier, un cliché du staff masqué. Le maire Roland Bruno s’était rendu sur le sable de Pampelonne, quelques jours avant la suspicion Covid dans un établissement de plage, mais c’était alors « pour relever des nuisances sonores ». Suite à la « fameuse vidéo chez Nikki beach, j’ai pris contact. J’ai fait part de mes craintes, la direction a été très réactive, avec des mesures importantes pour que cela ne se reproduise pas. » Accès restreint, réservation indispensable, annulation de la venue aux platines du DJ star, Bob Sinclar le 15 août, la barre a été redressée. « C’est vrai que l’on a une chance que les touristes soient là, reconnaît l’édile, alors que l’on pensait la saison gâchée, il y a une affluence exceptionnelle ces derniers jours. Mais il ne faut pas tout perdre pour quelques mauvais comportements. » Et que l’esprit de fête ne perde définitivement la tête...