Une zone très protégée
Préparez-vous comme Aladdin, à l’entrée de la caverne aux Merveilles. Fière, farouche, la Gordolasque se laisse approcher par le promeneur curieux de découvrir les trésors du Mercantour. Mais elle ne se laisse pas faire. Cette vallée de la haute Vésubie, nichée dans l’arrière-pays niçois et appartenant au village de Belvédère, est empruntée chaque année par des dizaines de milliers de randonneurs, notamment parce qu’elle est une des portes d’entrée vers la vallée des Merveilles, le joyau du parc national. Mais contrairement au lac de Trécolpas, elle reste confidentielle. Et elle y tient. Malgré les soucis de sécurité en montagne, la couverture mobile a longtemps fait défaut. Le relais, finalement installé ce printemps, a connu des années de difficultés techniques, mais aussi d’opposition : critiques, pétitions, chantier vandalisé… Cette opposition au développement fait partie de son ADN, rappelle Alain Grinda, écrivain et figure locale : « Jusque dans les années 1960, EDF y avait une télécabine qui allait au refuge de Nice et un remonte-pente vers la
Cette balade se situe dans la zone coeur du parc national du Mercantour, où la réglementation est la plus stricte. Afin de préserver au mieux la faune et la flore, beaucoup de choses sont interdites comme les chiens (même tenus en laisse), les drones, les feux de camp, la musique. Vous ne pouvez pas non plus cueillir de fleurs et, bien sûr, il est interdit de déposer ses déchets n’importe où. Notez qu’il n’y a pas de poubelle. Pensez donc à prendre un sac. vallée des Merveilles. La commune a demandé leur démantèlement. On en était fiers. Imaginez, la vallée serait totalement différente ! Ça a gardé un cachet qu’il n’y a pas à Auron, Valberg ou Beuil. » Visiteurs, vous voilà prévenus. Sur cette randonnée qui demande 2 h 30 de marche et 700 mètres de dénivelé pour atteindre le refuge de Nice (et autant pour descendre), vous longerez plusieurs lacs naturels. Vous avez aussi toutes vos chances de croiser de la faune sauvage : chamois, bouquetins, marmottes ou de la flore exceptionnelle comme la saxifrage, la fleur emblématique du Mercantour. Mais attention : pas touche ! Ou les gardes du parc séviront...
De la vallée bucolique à la haute montagne
En voiture, une fois passé le village de Belvédère, ciao les sentiers battus ! La route de 12 kilomètres qui mène à la vallée est étroite, si bien qu’il n’y a pas toujours la place pour deux véhicules. Sur cette demi-heure de grimpette et de lacets (modérés), on croise la cascade du Ray, premier trésor. Juste après vient l’Hôtel du Grand Capelet. En le dépassant, aucun doute, on entre dans la vallée, qui s’ouvre d’un coup. Elle est là, avec ses habitations au premier plan et au fond, les massifs, dont celui qui a donné son nom à l’hôtel. Traversez la civilisation pour mieux la quitter : la route aboutit sur un parking qui marque l’entrée de la zone coeur du Mercantour et le début de la balade. D’emblée, le lieu est magnifique, avec le pont du Countet, la rivière et ses berges accueillantes. Il y a d’ailleurs souvent des tentes au petit matin. On entame la marche et on ne traverse pas le pont, qui part en direction du pas de l’Arpette et de la vallée des Merveilles. Une sacrée montée... Non. On part tout droit en direction du refuge de Nice. Une entame bucolique, le long du cours d’eau, où on peut croiser des vaches, parfois, mais aussi la fameuse cabane où a été tournée la première saison de Belle et Sébastien en 1965, de Cécile Aubry. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à avoir posé ses caméras ici. En 2018, Luc Jacquet, réalisateur de La Marche de l’empereur, a tourné un documentaire dans tout le Mercantour. Son endroit préféré ? La Gordolasque. « La première fois, il y avait une énorme brume, avait-il raconté à Nice-Matin. C’est ce que j’appelle l’érotisme du paysage. Ces lumières de fin de printemps et les montagnes qui se dévoilent. » À la fin de cette première étape, un nouveau petit pont. Beaucoup de gens se contentent de faire une boucle dans la basse vallée et redescendent par l’autre rive. Mais nous, non. On part vers le refuge de Nice et on attaque ici la partie la plus difficile. Une heure de montée, mais une fois arrivés au mur des Italiens, la récompense est assurée. Vue imprenable et changement de décor : on entre ici dans de la haute montagne, plus sauvage. C’est d’ailleurs à partir de là que l’on peut très souvent voir des chamois ou des bouquetins. L’occasion de se poser un peu avant de reprendre. Ça continue de monter, mais le dénivelé est moins dur. On finit par apercevoir le barrage de la Fous. Et derrière, le lac du même nom, dominé par notre destination : le refuge de Nice. Avec à côté, le cabanon fondé par le Club alpin français en 1901, époque du chevalier Victor de Cessole. Mais pour arriver jusque-là, il faut traverser une dernière épreuve : ne pas se ruer à la table du refuge, pour dévorer les plats du gardien, le bon génie du coin.
Bouquetins, chamois, marmottes...