Var-Matin (Grand Toulon)

Gustave Kervern : « Une France désarçonné­e »

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Nice lui manque, mais il n’est pas revenu depuis le début de la pandémie afin de ne faire courir aucun risque à sa maman, qu’il est tout aussi impatient de retrouver. Le succès du film qu’il signe avec son compère de Groland sur Canal + Benoît Delépine, Effacer l’historique, actuelleme­nt sur les écrans, met en lumière les « gilets jaunes ». Tendresse ? « C’est quand même une majorité de la population, aujourd’hui en voie de déclasseme­nt », estime Gustave Kervern. Dans le casting, Corinne Masiero est un fer de lance du soutien à ce mouvement. Secondée par Blanche Gardin et Denis Podalydès, eux aussi, dans leur rôle, sur le côté du chemin. « On a fait le portrait d’une France désarçonné­e », explique le réalisateu­r en évoquant, à propos des rassemblem­ents, « une cocottemin­ute qui a explosé ». Ce qui lui paraît cohérent : « On met son gilet jaune pour signaler un danger quand on est au bord de la route.

Voilà, c’est exactement ce qu’ils ont fait. » Sont-ils, eux-mêmes, en décalage ? « Benoît vit en Charente, il a fait quelques ronds-points, bien accueilli. Moi, je suis à Paris, dans un petit 50 m2. Je ne me sens pas ultrariche. Nos amis ne le sont pas non plus. De toute façon, ça n’empêche pas de comprendre ce que vivent les autres et d’être solidaires. On connaît très bien ces problèmes-là, on ne fait que les retranscri­re, on aime les gens que l’on montre au cinéma. Des gens qui sont un peu nous, même si nous avons peutêtre passé une tranche pour l’administra­tion fiscale. »

« De leur côté »

Seule, chez les « gilets jaunes », l’a indisposé l’absence de quelques leaders. « C’est ce qu’ils voulaient, mais c’est aussi ce qui les a mis à mal. » Les revendicat­ions sont parties dans tous les sens, « mais c’est le propre d’un mouvement populaire que de ne pas être très coordonné. Alors ça manque un peu de chair, mais je suis tout cela avec attention ». L’engagement de Bigard ? «Moi,il me fait rire. Déjà, ses blagues me font marrer, or plus personne n’en raconte. C’est un truc qui m’a toujours interloqué. Le bar était une

usine à blagues, cette source s’est tarie. »

La candidatur­e de l’humoriste ne le choque donc pas. « Quand ça peut bousculer un peu l’ordre établi, ce n’est pas plus mal. Moi, ça me fait plutôt rigoler, et s’il arrive à obtenir les signatures, pourquoi pas?»

Sur le terrain politique, il est encore sidéré d’avoir vu Jean Castex et Roselyne Bachelot assister à une projection du film, au festival d’Angoulême. « On nous survend un mec du terroir, mais je suis sûr que le Premier ministre a découvert des choses même si, sans doute, il les supputait. Il a reconnu que, parfois, on a envie de jeter son portable à la rivière. Et s’est dit étonné de voir autant de problèmes à l’écran. C’est la force du film, de montrer que la somme de difficulté­s arrivant de toute part finit par engluer les gens. Un piège qui se referme. »

 ?? (Photo Franck Fernandes) ?? « La somme de difficulté­s arrivant de toute part finit par engluer les gens », explique le metteur en scène Gustave Kervern.
(Photo Franck Fernandes) « La somme de difficulté­s arrivant de toute part finit par engluer les gens », explique le metteur en scène Gustave Kervern.

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