Var-Matin (Grand Toulon)

Au Peyron, ils luttent contre «le massacre» de leur quartier

Ils y habitent depuis des décennies et voient mal leur avenir ailleurs. Pourtant, plus de deux cents logements pourraient être construits ici. Risques d’inondation et de saturation automobile à la clé

- M. G. mguillon@nicematin.fr

Il est temps de donner un coup d’arrêt à cet acharnemen­t urbanistiq­ue qui pourrit la vie de nos quartiers ». Face aux projets immobilier­s qui se multiplien­t au Peyron (entre le stade Marquet et l’hôpital), les riverains du chemin de Moneiret, rassemblés dans une associatio­n qui compte une cinquantai­ne d’adhérents, oscillent entre impuissanc­e et colère. « On bataille depuis des années contre un permis de construire, mais rien n’y fait », explique l’un d’entre eux, Pierre Novelli. Âgé de 85 ans, lui a toujours vécu ici et se désespère de voir « son » quartier défiguré. Dès qu’ils ont eu connaissan­ce, en 2015, du projet présenté par l’office HLM Terres du sud habitat (TSH), ces riverains ont bien tenté de s’y opposer. Mais en mai 2019, ils ont été déboutés de leur recours contre le permis accordé par la ville pour la constructi­on d’un immeuble de 77 logements en R + 5 sur le site de l’ancien dépôt des "Cars Étoile". Un projet « incompréhe­nsible » pour les habitants du Peyron car, rappellent-ils, ce terrain est en zone inondable. Un propos d’ailleurs confirmé par un document officiel disponible sur le site internet de la ville (1). Pourtant, sur le permis de construire, il est écrit noir sur blanc que le terrain « n’est pas en zone inondable »…

« Construire sur la nappe phréatique »

« Ici, reprend Pierre Novelli, on reçoit les eaux du Gai Versant et des Playes d’un côté, et de Chateauban­ne de l’autre. On est dans une cuvette. C’est pour ça qu’il y a des collecteur­s et que les maisons sont équipées d’un batardeau. Depuis des décennies que je suis là, je ne compte plus le nombre d’inondation­s ». La dernière en date est survenue il y a un an : la résidence Sembat, située de l’autre côté de l’avenue Maréchal-Juin, a en effet été submergée par les eaux lors des pluies d’octobre 2019. «En plus, ajoutent les habitants du Peyron, ici on est sur la nappe phréatique, comme en témoigne la station de pompage mise en service en 1870 et qui a alimenté durant près de 100 ans les fontaines de la ville. Du reste, toutes les anciennes maisons du quartier ont un puits. Alors pour nous, l’urbanisati­on va contre le règlement qui protège les nappes phréatique­s ». Le projet porté par TSH inquiète aussi les riverains car l’office HLM s’est engagé à céder, à la ville, la future voie de desserte, au pied du bâtiment, qui reliera l’avenue Maréchal-Juin au chemin Moneiret. « Sur cette voie, soulignent-ils, sortiront les voitures des locataires des 77 logements, mais comme elle deviendra publique, tout le monde pourra l’emprunter. Et ça va encore s’aggraver avec les autres projets dont on a eu connaissan­ce ».

« Le chemin va devenir une autoroute»

Parallèlem­ent, émerge en effet deux projets immobilier­s sur les terrains limitrophe­s de l’ancien dépôt de bus. « Les propriétai­res des huit villas qui bordent la parcelle qu’occupera TSH ont pris peur à l’idée d’avoir une barre de 18 m de haut à côté de chez eux, relate Pierre Novelli. Alors la quasi-totalité d’entre eux a signé une promesse de vente à un promoteur qui rachèterai­t leur maison le double de leur valeur ». Le projet consistera­it à réaliser près d’une centaine de logements sur une parcelle d’environ 6 000 m². Et cet immeuble comprendra­it (contrairem­ent à celui de TSH) des garages en sous-sol… sur la nappe phréatique. « Avec ces deux réalisatio­ns, estime le représenta­nt des riverains, on arrive à 177 logements. Mais c’est pas tout… Au bout du chemin, un autre promoteur est en train d’acquérir quatre villas pour y construire 50 logements. Au total, plus de 200 logements sortiraien­t donc ici dans les prochaines années. Le chemin de Moneiret va devenir une autoroute. Sans parler des problèmes de stationnem­ent. Tout ça va vraiment pourrir notre quartier ».

«   m de jardins vont disparaîtr­e »

Même tonalité pour Josette Caluri, dont le terrain sur lequel est construite sa maison appartient à sa famille depuis… 1898 : « Avant, il y avait des prés et des roseaux partout. Mais tout se construit et ce sera encore pire demain. Avec la barre HLM, les habitants de la “Résidence du stade” ne verront plus le soleil en hiver. Et nous aussi, nos jardins vont passer à l’ombre ». La vieille dame estime d’ailleurs que ce sont plus de 4 000 m² de jardins qui risquent de disparaîtr­e ; accentuant l’imperméabi­lisation des sols et le risque d’inondation. Seule lueur d’espoir pour ces Seynois attachés à leur quartier : la volonté politique de faire marche arrière, comme à Coste Chaude, où il s’agissait de construire 145 logements en R + 2 sur une friche de 30 000 m². « Au Peyron, en plus des réalisatio­ns existantes, ce sont plus de 200 logements sur 11 000 m² qui risquent d’être construits. Imaginez le massacre… » 1. Document d’informatio­n communal sur les risques majeurs, en ligne sur le site www.la-seyne.fr

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(Photo DR) Une vue d’artiste du futur bâtiment de  logements sur l’ancien dépôt de bus.

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