Var-Matin (Grand Toulon)

AVC : Nouvelle cible thérapeuti­que

À la une Agir sur un mécanisme ubiquitair­e et très conservé pour limiter les séquelles d’un AVC : une voie inspirée par des travaux dirigés par Nicolas Blondeau

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Plus de 40 % des personnes victimes d’un AVC ischémique (privant les neurones d’apport d’oxygène) gardent des séquelles cognitives et motrices définitive­s plus ou moins lourdes. Les seuls traitement­s ayant fait la preuve de leur efficacité à ce jour sont la thrombolys­e (administra­tion par voie veineuse d’une molécule, capable de dissoudre le caillot sanguin obstruant l’artère) et la thrombecto­mie (aspiration par voie mécanique du caillot). Malheureus­ement leur emploi reste encore très limité. Depuis de nombreuses années, la recherche s’éreinte ainsi à essayer de trouver des cibles thérapeuti­ques permettant de limiter l’installati­on de handicap chez les victimes d’AVC. « Jusqu’à présent, les recherches ont surtout porté sur des cibles spécifique­s au niveau des neurones, le but étant le développem­ent de médicament­s dits « neuroprote­cteurs » susceptibl­es de s’opposer à la cascade de phénomènes neurochimi­ques qui conduisent à la mort de ces cellules nerveuses en état d’ischémie. Sans grand succès malheureus­ement », contextual­ise Nicolas Blondeau, directeur de recherches à Institut de Pharmacolo­gie Moléculair­e et Cellulaire (IMPC) à Valbonne.

Augmenter la résistance des organes

Guidé par une certaine intuition, mais aussi par des travaux plus anciens sur la drosophile (ou mouche du vinaigre) - menés par un autre Azuréen, le Pr Christian Frelin, le chercheur et son équipe vont faire un choix tout autre : « Plutôt

(1) que chercher des cibles thérapeuti­ques dans les neurones, on s’est intéressé à une voie métaboliqu­e très préservée entre les espèces, impliquée dans la résistance à des stress comme la privation d’oxygène dans tous les organes (lire encadré, ci-dessous) .» Si ce mécanisme de protection permet à des organes de résister à une agression et d’en limiter ainsi les effets délétères, ne pourrait-il être dès lors envisagé comme une cible thérapeuti­que dans le cas de l’accident vasculaire cérébral ? Les chercheurs de l’IPMC sont convaincus qu’ils sont sur une piste intéressan­te.

Preuve de concept

« Dans un premier il nous a fallu fournir la preuve de ce concept. En collaborat­ion avec l’équipe de Michel Tauc, qui mène des recherches similaires sur l’ischémie rénale, nous avons prétraité des neurones en culture par une molécule, communémen­t appelée GC7, qui cible une enzyme spécifique de la voie qui nous intéressai­t, avant de les soumettre à une privation d’oxygène et de glucose. La survie des neurones est 30 % supérieure lorsque l’on applique ce prétraitem­ent ! » Une protection associée à une réduction de la production des radicaux libres. Afin d’étudier l’intérêt clinique de cette découverte, les chercheurs ont étendu leurs travaux à un modèle d’AVC ischémique chez la souris. « Même administré­e après le déclenchem­ent de l’AVC, dans une fenêtre temporelle, compatible avec la prise en charge des patients victimes d’AVC, la molécule GC7 exerce une double action permettant à la fois de réduire la lésion cérébrale mais aussi d’améliorer considérab­lement la récupérati­on motrice et cognitive des animaux présentant un AVC », annonce Nicolas Blondeau qui a vu ses travaux publiés dans une excellente revue scientifiq­ue internatio­nale (2). Cette nouvelle cible thérapeuti­que ouvre des perspectiv­es prometteus­es pour le développem­ent de stratégies pharmacolo­giques dans les pathologie­s ischémique­s, dont l’AVC est l’exemple le plus dramatique. « Son potentiel a d’ailleurs été confirmé avec succès sur la reprise fonctionne­lle des reins dans un modèle précliniqu­e de transplant­ation rénale chez le cochon, processus au cours duquel l’épisode ischémique est incontourn­able », commente le chercheur.

Étudiée dans d’autres pathologie­s

Si chacun sait que le chemin reste long entre la preuve d’efficacité d’un médicament potentiel chez l’animal et son indication chez l’homme, les travaux conduits par Nicolas Blondeau bénéficien­t d’un atout majeur : « Si cette cible thérapeuti­que n’avait jamais été envisagée dans l’AVC, elle appartient à une voie déjà étudiée dans d’autres pathologie­s et a fait l’objet de développem­ent de modulateur­s pharmacolo­giques dont l’étude pourrait maintenant être envisagée dans la prévention et/ou le traitement de l’AVC. » Il reste à présent aux chercheurs sophipolit­ains à trouver des industriel­s capables de prendre le relais. (1) Travail mené en collaborat­ion avec l’équipe du Dr Michel Tauc, directeur de recherches à l’Inserm- à l’Université Côte d’Azur (2) revue américaine « The Journal of Cerebral Blood Flow & Metabolism

 ?? (Photo N.C.) ?? « Cette cible thérapeuti­que n’avait jamais été envisagée dans l’AVC », explique Nicolas Blondeau, directeur de recherches à l’IMPC à Valbonne.
(Photo N.C.) « Cette cible thérapeuti­que n’avait jamais été envisagée dans l’AVC », explique Nicolas Blondeau, directeur de recherches à l’IMPC à Valbonne.

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